Un rapide coup d’œil suffit à s’apercevoir qu’à Bamako notre quotidien est fait de plastiques. La population n’utilise presque plus les instruments comme les cuvettes métalliques, les calebasses, les paniers, récipients pour les achats d’articles divers.
Au-delà de l’insalubrité causée par la prolifération des déchets plastiques, d’autres problèmes de développement très importants pour les populations sont liés à ce phénomène. Un sac plastique est fabriqué en une seconde, est utilisé pendant 20 minutes et met plusieurs centaines d’années avant d’être complètement dégradé. Une catastrophe pour notre environnement. Non-recyclable, la plupart des sacs plastiques terminent leur vie dans la nature.
Au ministère de l’Environnement de l’Assainissement et du Développement durable, Modibo Sacko, conseiller technique, explique que l’accumulation des déchets composés de plastique et de ses dérivés un peu partout dénature le paysage. Un sac plastique non-biodégradable peut mettre jusqu’à 400 ans pour ne plus être nocif dans la nature.
Cette matière essentiellement issue du pétrole pour ceux non-biodégradables et à la marge, avec des pommes de terre, de la canne à sucre pour les plastiques biodégradables et du lait pour les plastiques anti-allergènes.
Dans sa thèse de médecine en 2019 sur la gestion, des déchets issus du marché de Banankabougou, Awa Kanté précisait que « pour les plastiques non-biodégradables, avec un taux de 17 089 tonnes de plastiques importées ou produites dans le pays par an dans la capitale, seulement 40 % sont évacués dans les dépotoirs finaux ».
Perturbation de l’écosystème
Selon M. Sacko, certaines des principales qualités plastiques recherchées par l’industrie et les consommateurs à savoir la légèreté et la résistance à la dégradation – entraînent également leurs impacts négatifs et leur persistance dans les habitats naturels.
« Ils sont à la base de l’appauvrissement des sols par une diminution de l’infiltration de l’eau. Les sachets plastiques qui envahissent les champs empêchent les eaux de ruissellement de pénétrer dans le sol. La transformation des autres déchets biodégradables en substances nutritives pour les plantes n’est donc pas assurée. Le sol devient imperméable à force de recevoir des qualités énormes de plastique, ce qui entraîne le lessivage et expose les micronutriments du sol au soleil qui finissent par mourir et progressivement cela aboutit à la désertification, à la sécheresse et à une perturbation de l’écosystème ».
Et de poursuivre : « Le plastique bloque l’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées favorisant du coup la multiplication des gîtes larvaires des moustiques et des mouches vecteurs des maladies comme le paludisme, et la diarrhée. Dans le fleuve, il empêche l’eau de dégager du gaz carbonique (CO2) et étouffe les poissons. En se décomposant, il diminue la capacité d’absorption de l’eau à capter l’hydrogène et à libérer le CO2, ce qui conduit la mort des poissons ».
La vétérinaire Mounissa Touré observe dans son domaine que les animaux font les frais de l’envahissement sauvage des déchets plastiques. Ils assouvissent leur faim avec les sacs plastiques, qui ne sont pas en fait comestibles. Une fois consommés, ces déchets restent dans la panse, bouchent l’appareil digestif et perturbent la rumination, entraînent des ballonnements qui agiront sur le poids de l’animal, sur son état de santé, sur sa capacité de production, de traction.
Une molécule cancérigène
Si le plastique est toxique pour la faune et la flore, il est également nocif pour l’Homme. Lassine Bagayoko, médecin généraliste au Centre de santé du Quartier Mali, explique que l’incinération des plastiques représente un danger pour la santé. Leur composition chimique fait que les fumées provoquées par leur incinération non contrôlée sont nocives pour l’homme et émettent du gaz carbonique qui intervient dans le réchauffement climatique.
Brûlé, le plastique provoque la pollution atmosphérique, le danger est qu’il contient du polychlorobiphényle (PCB), qui est une molécule extrêmement cancérigène. « Une fois libéré dans l’atmosphère, respiré par l’individu, il provoque des irritations de l’œil, des maladies respiratoires. Le même phénomène se passe chez les animaux que nous consommons. C’est le processus de bioaccumulation qui finit par se cancériser chez l’homme. Une fois que le plastique pénètre dans le sang, il se loge dans le cerveau au niveau des tissus adipeux, les conséquences sont parfois très graves », dit-il.
Selon un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) au niveau mondial, l’érosion des pneumatiques libéreraient chaque année 5,86 millions de tonnes de particules. Les pneus s’érodent à mesure des kilomètres qu’ils parcourent. Un pneu usé pèse deux kilos de moins qu’un pneu neuf. En effet, plus les particules sont petites, plus elles sont dangereuses, on les appelle les microplastiques qui ont une taille inférieure à 5 mm. Ils contaminent l’air que nous respirons. Car on a beau les recycler, les brûler ou les enfouir au fond des décharges, ils ne disparaissent jamais vraiment.
Pour Abdramane Dème, socio-économiste, les effets néfastes de la pollution causée par les matières plastiques peuvent faire baisser la production nationale agricole et piscicole. Les revenus des populations seront réduits, la pauvreté peut être accentuée.
Pour Souleymane Doumbia, étudiant en chimie appliquée à la Faculté des sciences techniques (Fast) de Bamako, la couleur des sachets plastiques noirs vendus à 10 ‘fila-fila manani’ n’est pas fortuite. « Ce sachet est à base de pétrole mélangé avec du charbon et d’autres métaux. C’est l’ensemble de ces produits toxiques chimiques qui donnent ce sachet. Une fois au contact de la chaleur, ce sont ces composants chimiques qui se mélangent à la nourriture que nous mettons dans ces sachets et c’est ce que nous consommons tous les jours », regrette-t-il. D’où son appel aux autorités à multiplier les campagnes de sensibilisation.
Une matière polyvalente
À vrai dire, en dépit de ses conséquences désastreuses sur l’environnement, le plastique reste un matériau polyvalent et abordable, capable de garantir, s’il est bien choisi, une excellente sécurité sanitaire. C’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui omniprésent dans le secteur médical ou dans le secteur technologique.
Au final, renoncer au matériau plastique s’avère être un défi aussi complexe que celui de sortir des énergies carboneuses. Il faut dire que le secteur est une vaste source de richesse et d’emplois. Plus léger et plus résistant que le verre, plus malléable que le métal, et le papier. Si cette matière est aujourd’hui aussi omniprésente, c’est parce qu’elle a démontré des bénéfices que nulle autre matière.
« Parmi les avantages les plus évidents, les emballages plastiques ont permis d’accroître considérablement la durée de vie des aliments frais. Sans emballages adéquats, on ne pourrait transporter ni viande, ni liquide, ni un grand nombre de préparations dans les villes et les zones les plus reculées », souligne le conseiller technique du ministère.
Certains plastiques ne sont pas recyclables
En clair, le plastique a des avantages énormes, bien mis à profit dans tous les domaines de l’industrie et de la vie quotidienne. Mais la façon dont il a été utilisé jusqu’à présent en a fait un des pires fléaux qui menacent l’environnement aujourd’hui. Quant au recyclage, souvent perçu comme le remède à tous les problèmes, il faut savoir qu’il est souvent coûteux, très énergivore et parfois difficile à mettre en place.
« Impossible de recycler les gobelets à café ou certains types de sacs en plastique, certains types de plastiques ne sont tout simplement pas recyclables. Le polyéthylène haute densité utilisé pour les bouteilles d’eau par exemple sont recyclables ».
En mars 2002, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE) a approuvé un mandat étendu pour entamer des pourparlers sur un traité international visant à faire face aux menaces croissantes de la pollution. Pourtant, en 1963, l’invention récente du polypropylène et du polyéthylène, deux dérivés du plastique, était récompensée d’un double prix Nobel de chimie.
Fatoumata Sira Sangaré
Source: Mali Tribune