Ce lundi 30 juin 2025, la Cour d’assises spéciale pour les crimes économiques et financiers, présidée par le magistrat Bamassa Sissoko, a clôturé les débats ouverts le 2 juin avec l’audition du général Sidiki Samaké, secrétaire général du ministère de la Défense et des Anciens combattants.
Dans la foulée, la Cour a annoncé l’entrée dans la seconde phase du procès, avec la présentation du calendrier des réquisitoires du ministère public, de l’intervention du représentant du contentieux de l’État, et des plaidoiries des avocats de la défense.
En cette cinquième semaine du procès portant sur l’acquisition de l’avion présidentiel et des équipements militaires, le président Bamassa Sissoko et ses quatre conseillers poursuivent leur quête de vérité avec ténacité.
Ce lundi matin, le général Sidiki Samaké, dernier témoin cité, a été entendu. D’entrée de jeu, il a précisé qu’il n’avait été associé ni à l’élaboration ni à l’exécution des contrats relatifs à l’achat de l’avion présidentiel et du matériel militaire. Il a toutefois confirmé que son unité avait effectivement été dotée de matériels neufs au cours de ladite année.
S’agissant du tableau synoptique transmis à la Cour suprême récapitulatif des livraisons d’équipements, le général a expliqué qu’il avait été retrouvé dans les archives du DFM du ministère à la suite d’une demande adressée en novembre 2021 par le Procureur général de la Cour suprême. Il a ajouté que ce document, non signé, n’avait pas de valeur probante selon les propos mêmes du Procureur.
Le général Samaké a précisé que cette gestion relevait de l’administration précédente, notamment de feu Mary Diarra, ex-directeur du DFM.
« Après échanges avec le Procureur général, j’ai instruit l’actuel DFM de signer le tableau, en mentionnant en note de bas de page qu’il s’agissait d’une gestion antérieure », a-t-il déclaré devant la Cour.
Interrogé sur la fiabilité du tableau, il a répondu que ce document émanait du ministère de la Défense, là même où le contrat Guo Star a été signé. En revanche, concernant le contrat d’achat du Boeing présidentiel, il a été catégorique : aucune trace ni copie n’existe dans les archives du ministère.
Cette déclaration a suscité des remous dans la salle, d’autant plus que lors de la session de septembre 2024, Mme Bouaré Fily Sissoko avait affirmé avec assurance l’existence de ce contrat.
« M. le président, ce contrat existe bel et bien. Il a été établi à Philadelphie, aux États-Unis. L’absence d’une copie au ministère de la Défense ne signifie pas son inexistence. Les archives nationales en conservent peut-être une trace, même si ce document date de plus de dix ans », avait-elle répondu à la Cour.
Le parquet général a ensuite interrogé le général Samaké sur les procédures d’expression des besoins. Il a précisé que seul le chef d’état-major général des Armées est habilité à transmettre officiellement ces besoins au ministre.
En réponse à une question de la défense sur le rôle direct des directeurs de la DMHTA et de la DCA dans cette procédure, il a déclaré que cela ne constitue pas un crime, tout en soulignant qu’ils devaient obligatoirement informer leur hiérarchie, à savoir le chef d’état-major général.
Au terme de son audition, le président de la Cour l’a remercié pour sa contribution et l’a invité à rester disponible pour d’éventuelles précisions.
À la fin de l’audience, le conseiller M. Touré a posé une question générale aux accusés : « Pensez-vous que tous les actes que vous avez posés ont été conformes à la légalité ? »
Mme Bouaré Fily Sissoko fut la première à répondre. Elle a déclaré qu’elle ne peut pas répondre pour les autres, mais pour sa part, qu’elle a agi dans la stricte légalité.
Elle a aussi rappelé ses quarante années de service au niveau national et international, soulignant avoir toujours assumé ses responsabilités avec rigueur et souci du bien public.
Pour leur part, Mahamadou Camara, Nouhoum Dabitao et Moustapha Drabo ont, tour à tour, affirmé leur loyauté, leur attachement à la légalité et leur engagement patriotique dans la gestion des affaires publiques.
Séquence décisive
Dans la continuité des audiences, le président de la Cour d’assises spéciale, Bamassa Sissoko, a dévoilé le calendrier des prises de parole majeures devant conclure les débats : les réquisitoires du parquet général et du représentant du contentieux de l’État ont eu lieu ce jeudi 3 juillet 2025. Les plaidoiries de la défense sont, quant à elles, prévues pour le lundi 7 juillet.
Moment stratégique du procès, le réquisitoire constitue l’acte d’accusation formel du ministère public. Il permet au procureur de revenir sur les faits, d’en proposer une lecture juridique argumentée, et de requérir une peine.
Cette intervention, bien que non contraignante pour les magistrats, s’appuie sur le dossier, les témoignages entendus et la jurisprudence. Son poids est moral, symbolique et souvent décisif dans l’orientation du jugement.
En réponse, les plaidoiries de la défense incarneront la dernière ligne de bataille pour les accusés. Ce sera l’occasion pour les avocats d’exposer leurs arguments en faveur de l’innocence, ou de plaider des circonstances atténuantes.
Si les plaidoiries obéissent à un cadre formel, elles laissent une grande liberté d’expression aux avocats : analyse factuelle, démonstration juridique, recours à l’émotion, à la rhétorique, voire à des références littéraires ou philosophiques. C’est dans cet exercice que l’art oratoire côtoie le droit, et que le sort judiciaire peut parfois basculer.
Le procès entre ainsi dans sa phase finale, où chaque mot pesé pourrait marquer l’histoire judiciaire de cette affaire emblématique.
Ousmane Mahamane
Source: Mali Tribune