Les récentes attaques narcoterroristes du GSIM à Diboli, Gogui, Kayes, Molodo, Niono, Nioro du Sahel et Sandaré le montrent certainement : la question de la paix est loin de quitter le débat public. La raison est simple : les différents accords de paix au cours des dernières décennies peinent à créer un état de paix, c’est-à-dire un contexte d’entente et d’harmonie sociale où l’horizon de la guerre disparaît.
L’état de paix permet à une société de mieux vivre ensemble, et d’accroître le sentiment d’adhésion du citoyen vis-à-vis de la puissance publique. Hélas ! Ce qui est loin d’être le cas au Mali. Car certains ont pensé la paix comme une question secondaire. D’autres l’ont perçue comme symbolique, et continuent de refuser un débat avec des arguments ficelés. Pourtant, la quasi-absence d’un état de paix perpétuel impacte la vie des citoyens et leurs relations avec les exécutifs.
Le droit à la paix
Here en Bambara, Banni en Songhay, le terme de paix est défini par l’humaniste de Königsberg, Emmanuel Kant, comme suit : « c’est d’abord l’établissement d’une constitution parfaite à l’intérieur de chacun des États (..). Une constitution politique, la meilleure possible, qui instaurera un état cosmopolitique universel assurant la fin de l’état de nature, c’est-à-dire la paix ».
Dans la vision kantienne, il s’agit d’une « alliance des peuples, une fédération d’États libres », qui s’oppose à la guerre, ce contexte d’isolement et d’hostilités permanentes. Un contexte de paix qui conditionne le progrès social et moral de l’humanité. Erasme écrivait déjà qu’«il y a des cas où il faut acheter la paix ». Acheter la paix, car tout peuple a droit à la paix.
Ubuntu
Rappelons que déjà au moyen-âge africain, dans l’empire du Mali, l’état de paix renvoie notamment à Soundjata Keïta, figure porteuse de cohésion sociale et d’unité. Puis, dans les années d’hégémonie historique, il rappelle le travail de l’empereur réformateur Songhay, Soni Ali Ber. Dans le Mali contemporain, l’état de paix a été reconstruit par le président Alpha Oumar Konaré pour lequel le clivage paix-guerre était une fourberie.
Il l’institue par la signature d’accords de paix en lui donnant un contenu précis. Ailleurs sur le continent, le premier président noir sud-africain, Nelson Mandela, architecture une nation arc-en-ciel pour mettre fin à l’apartheid grâce à la notion d’Ubuntu, ce « mouvement continu » vers l’universel relève Souleymane Bachir Diagne. Certes, la notion de paix est multiforme : paix du prophète Mahomet, paix du Christ, paix sociale, paix entre États, paix politique, paix intérieure, etc. Mais, elle est donc cet état pacifique où la société est libérée des agitations imbéciles.
Construire un plan de paix
Aujourd’hui, le terme de paix prend un coup dans l’aile au Mali depuis que le narcoterrorisme, le grand cimetière, gangrène notre société. Peu à peu, la notion de paix disparaît des débats publics et des discours officiels. Les colombes d’hier sont devenues les faucons d’aujourd’hui. Au bord du trépas, notre rapport à la paix doit intégrer nos fragilités territoriales et institutionnelles. Loin d’insinuer un abandon de souveraineté, la construction d’un plan de paix s’impose. Elle repose sur deux solutions.
La première se fonde sur l’idée que chaque État dispose d’une marge de manœuvre, comme la diplomatie, pour créer les conditions d’un état de paix. Le 27 juin 2025 à Washington, la République démocratique du Congo et le Rwanda signent un accord de paix grâce à l’administration Trump. Aujourd’hui, rien ne nous empêche d’activer les leviers diplomatiques pour construire un plan de paix impliquant nos voisins comme l’Algérie, qui dispose des moyens de pression importants sur le Front de libération de l’Azawad. La bonne santé diplomatique d’un État est un indicateur pertinent pour mesurer la capacité de participation des citoyens, au moins pour s’inscrire dans un processus de paix.
La paix pourquoi, qui et comment ?
La deuxième solution pour faire la paix consiste à organiser un débat public sur l’idée même de paix sur le pourquoi, le qui et le comment avec en ligne de mire la question des défis sécuritaires et sociaux. Dans ce cadre, la constitution républicaine de la paix passe par la combinaison du respect des conditions de vie des citoyens, de l’inclusion des différentes communautés et de la clarté des politiques publiques.
Le but est de redonner un contenu clair à la notion de paix pour mieux l’adapter au contexte actuel, celui des grands bouleversements climatiques et géopolitiques. D’autres solutions sont possibles pour instituer un état de paix, comme la libération des détenus politiques, la définition d’un agenda pour organiser les différents scrutins. Notre rôle face à l’histoire, c’est de créer des conditions de paix et de développement.
Une question : quelles stratégies pour réaliser la paix ?
J’agis contre les violences ;
Je prône l’unité ;
Je travaille pour réaliser la justice sociale ;
J’agis pour le progrès humain ;
Et vous, quels choix ferez-vous ?
Mohamed Amara
Sociologue
Source: Mali Tribune