Ce matin, je ne parle ni du travel ban étasunien, ni d’Africa Corps, mais bien des poussées de fièvre narcoterroriste actuelles
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis
À la veille de l’Aïd el-Kébir, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au Sahara (EIS) intensifient les attaques meurtrières contre les forces armées maliennes. Ils sont les principaux groupes narcoterroristes au Mali. Pourtant, le GSIM et l’EIS sont des ennemis jurés, aux idéologies antagonistes.
Le premier se caractérise par une certaine tolérance envers les populations civiles. Alors que le second se qualifie par son extrême violence à l’endroit des civils. Ces groupes narcoterroristes s’opposent aussi pour le contrôle des territoires, des richesses et des réseaux de trafic. Ceci dit, le GSIM et l’EIS ont un point commun : imposer une idéologie salafiste. Une dialectique classique entre acteurs dans un conflit pour équilibrer les rapports de force, illustrée par ce dicton : les « ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Les deux ennemis trouvent leur compte. C’est le sens d’une éventuelle alliance entre eux.
Un rapprochement éventuel entre GSIM et EIS
La multiplication des attaques amène à penser à un rapprochement éventuel entre le GSIM et l’EIS. Une espèce de pacte cynique pour élargir leur rayon d’action. Toutefois, une autre alliance, plus logique, aurait été celle du Front de libération de l’Azawad (FLA) et du GSIM. Les acteurs du FLA et du GSIM ont des liens affinitaires : connaissance réciproque, échanges de service, etc. Le cours de l’histoire tient souvent à peu de choses. Ainsi, en 2012, le Mouvement pour l’Unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui, le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) de Bilal Ag Acherif, Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghali et Al-Qaeda au Maghreb islamique de Mokhtar Belmokhtar s’associaient pour occuper le Nord du Mali.
Le 26 mai 2012 à Gao, ils signent un accord pour construire un État islamique. Cette entente a choqué les démocraties et les soutiens du MNLA, qui voyaient en ce dernier un mouvement laïc et républicain. Elle a alors défié toute logique politique. La lune de miel ne durera pas longtemps.
Le point de départ de la fièvre sécuritaire
En juin 2012, le MNLA est chassé de Gao par le Mujao et Ansar Eddine. Ces derniers lui reprochaient ses violences envers les populations civiles. C’est le début de presqu’une année de domination narcoterroriste avant l’opération Serval du 11 janvier 2013. Ça, c’était hier. Aujourd’hui, les récentes attaques sont un nouveau coup de tonnerre, plaçant le pays dans une situation d’urgence sécuritaire.
Pour contenir la menace, à Ségou, à Sikasso ou à Tombouctou, des couvre-feux sont décrétés entre 21 heures et 6 heures du matin. Mais, rappelons que la pression sécuritaire croît depuis l’attaque de l’école de gendarmerie et le camp 101 par le GSIM le 17 septembre 2024. C’est le point de départ d’une nouvelle fièvre sécuritaire. Elle se diffuse avec les récentes attaques, caractérisée par la folie sanguinaire des groupes narcoterroristes.
Pour le droit à la vie
Qu’à cela ne tienne, n’ayons pas peur. Le contexte actuel nous enjoint à élever nos voix pour donner un contenu précis à la notion de paix. C’est le combat à livrer pour sortir des situations de guerre. Agissons pour la paix. Ni le nationalisme échevelé, ni l’anti démocratie maladive ne contribueront à ramener la dignité d’une partie des Maliens humiliés, traumatisés, violentés et dépouillés de tout. Mais, seule une offre politique de paix réaliste et réalisable aidera à préserver le droit à la vie. Car chaque Malien mérite d’être en paix.
Mohamed Amara
Sociologue
Source: Mali Tribune