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Bintou Keita (ONU): «Tout le monde est en train de demander quelque chose qui existe déjà»

Lundi dernier, lors du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, plusieurs chefs d’État africains ont appelé l’ONU à réformer ses opérations de maintien de la paix et à accorder à un mandat renforcé à la Minusma. Bintou Keita, la sous-secrétaire générale des Nations unies pour l’Afrique, répond aux questions de Pierre Firtion.

RFI : Le président sénégalais Macky Sall a déclaré qu’il fallait que « l’ONU accepte de se réformer et de réformer ses procédures ». Que lui répondez-vous ?

Bintou Keita Déjà que depuis 2017, et surtout depuis mars 2018, les opérations de maintien de la paix, puisque c’était à cela que le président Macky Sall faisait allusion, sont dans un processus de réforme à la fois de la capacité des contingents, pour les amener dans une dimension de plus de mobilité, de plus de capacité à être proactifs plutôt que réactifs. Et tout cela, de manière à être plus en phase avec la protection des civils. La réforme se fait aussi à travers des formations dans des situations où on est plus dans des opérations du style désert, mais aussi du type jungle, si on fait la différence entre par exemple le Mali et la République démocratique du Congo. Les équipements aussi sont revus. Tout le monde est en train de demander quelque chose qui existe déjà. C’est une transformation véritable. Il y a des statistiques qui sont collectées chaque mois, chaque trimestre et qui montrent justement que les évolutions sont en train de se faire.

Il y a encore des morts, il y a encore beaucoup de soldats, de casques bleus qui sont pris à partie, il y a encore beaucoup de camps de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) qui sont attaqués. Ce que l’on voit sur le terrain, ça ne marche pas totalement ?

On ne bâtit pas des choses en cinq minutes. Il faut le temps que les évolutions se fassent. Il y a des évolutions qui sont rapides. On peut immédiatement sur la question des équipements si on a des ressources, on peut monter très vite en puissance. Je crois qu’il ne faut pas confondre les rôles et les responsabilités d’une opération de paix qui accompagne un processus politique, versus une opération de combat contre la terreur.

Vous dites en gros que la Minusma n’est pas là pour mener des actions de contre-terrorisme ?

Absolument pas.

Ce n’est pas son rôle aujourd’hui ?

Son rôle, c’est d’accompagner la mise en œuvre de l’accord d’Alger. C’est pour cela qu’elle a été mise en place, donc avec tous les efforts de bons offices auprès des autorités politiques, d’engagement avec les parties, la CMA [Coordination des mouvements de l’Azawad], la plateforme, etc. C’est ça le rôle premier de la Minusma.

Que répondez-vous à ceux qui vous disent : il faudrait que le mandat de la Minusma aujourd’hui soit renforcé. Pourtant, on voit dans les textes que la Minusma a déjà un mandat qui est assez robuste ?

Exactement. Le mandat robuste, la Minusma l’a déjà. Et lorsqu’on parle de mandat robuste, c’est qu’on pense à la lutte contre le terrorisme. Et si c’est de faire évoluer les opérations de maintien de la paix vers ça, on n’est pas du tout dans cette dynamique-là.

Une autre opération de maintien de la paix, la Mission de maintien de la paix de la RDC, la Monusco. Un retrait de cette mission dans les trois ans est-il réellement envisagé comme le laisse entendre un récent rapport ?

Il faut relativiser. Le rapport dont vous faites mention est un rapport indépendant. Ce rapport a été soumis aux membres du Conseil de sécurité. Il y a des consultations qui sont faites en ce moment avec les autorités congolaises. Et ce sera déterminé en temps voulu. Donc, c’est une proposition, c’est une recommandation. Cela ne veut pas dire que ça a été estampillé.

Vous-même, avec le regard que vous avez sur le continent, est-ce que vous ne pensez pas que ce délai de trois ans pourrait être un peu court ?

Tout dépend de ce que l’on veut mettre dans le mandat. Il est extrêmement important de regarder les deux mots-clés. C’est une sortie « graduelle et responsable ». Donc une sortie « graduelle et responsable » pour une opération qui est la plus large des opérations de maintien de la paix, je pense qu’il faudra plus que trois ans. Mais ça, c’est mon opinion personnelle. Comme je vous l’ai dit, ça doit faire l’objet de consultations avec les autorités congolaises et aussi ça devra être approuvé par le Conseil de sécurité.

Un mot sur la Minusca. Pourquoi la Mission en Centrafrique rencontre-t-elle des difficultés à intervenir lors des massacres ?

Il y a eu des incidents qui se sont passés. Il y a eu des investigations qui ont été faites. Et là aussi, entre ce narratif qui est que la Minusca n’opère pas de façon effective en ce qui concerne la protection des civils, cela a évolué. Entre l’année dernière et cette année, beaucoup d’efforts ont été faits à la suite des enquêtes qui ont été menées pour voir où est-ce que les responsabilités s’avéraient et aussi comment ajuster la logistique, notamment la question de la couverture aérienne, de pouvoir se déplacer très vite là où l’on a les points chauds. Et donc, nécessairement il y a une obligation de renfort qui doit être exercée par la force, soit depuis Bangui ou depuis un autre lieu dans le contexte géographique de la Centrafrique.

RFI

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