C’est par la lettre n°076/ P-SC en date du 13 juin 2025, que le président de la section des comptes de la Cour Suprême du Mali a informé les chefs des partis politiques du démarrage d’un audit spécial sur le financement de leurs activités et sur les fonds qu’ils ont reçu de la part de l’état de 2000 à 2025 (juillet 2000 à mai 2025).
Pour mieux informer les chefs de partis politiques, le plateau du journal télévisé de 20 h de l’ORTM du mardi 17 juin 2025 a été choisi par la Cour Suprême. Au cours de ce plateau, il a été clairement expliqué que les chefs des partis politiques devraient déposer au plus tard le 30 juin 2025 à la section des comptes de la Cour Suprême les documents comptables couvrant la période de juillet 2000 à mai 2025. Il s’agit des états financiers, pièces justificatives, journaux de banque et de caisse, relevés et rapprochements bancaires.
Dès lors, c’est la panique dans les directions des partis politiques. Pourtant, cette initiative de la plus haute institution judiciaire est fondée non seulement sur un cadre légal, mais surtout elle est la réponse à une forte demande populaire.
Une forte recommandation populaire exprimée à maintes reprises
Le financement public des partis politiques a été institué sous l’ère du président Alpha Oumar Konaré (1992-1997). Une loi avait été prise pour allouer annuellement une partie du budget de l’Etat aux partis politiques à titre d’aide publique et des critères avaient été établis pour bénéficier de cette aide. En retour, les partis politiques devraient, annuellement, rendre compte à la cour suprême de l’utilisation de cette manne financière.
Malheureusement, tel n’a pas été le cas pour la très grande majorité des formations politiques et celles, qui l’on fait, n’ont pas pu, dans leur grande majorité, fournir tous les documents nécessaires tels que demandés par la loi.
Selon le rapport annuel de vérification des comptes des partis politiques exercice 2023 publié en décembre 2024 par la section des comptes de la Cour Suprême, seulement cinquante-neuf (59) partis politiques ont déposé à la section des comptes de la Cour Suprême leurs comptes annuels de l’exercice 2023, au plus tard le 31 mars 2024 contre 62 partis politiques au titre de l’exercice 2022. Alors que d’après les données du Ministère Délégué en charge des Réformes politiques et du soutien au processus électoral, le Mali comptait jusqu’à leur récente dissolution 297 partis politiques.
Le rapport souligne que sur ces 59 partis politiques, sept (7) n’ont pas produit leurs situation financières et que plusieurs autres partis politiques n’ont pas produit les documents comptables que sont le compte de gestion, les registres, le grand livre, le procès-verbal d’arrêté de caisse, le tableau des ressources, les états de rapprochement bancaire, l’inventaire des biens meubles et immeubles. Ainsi, dans la cadre de la refondation de l’état, les populations ont formulé des recommandations à travers plusieurs foras. En ce qui concerne les partis politiques, elles ont, à la faveur des Assises nationales de la refondation (ANR) tenues en décembre 2021, demandé la suspension de l’aide publique aux partis politiques et l’audit des fonds déjà alloués. Récemment, avec les consultations des forces vives de la nation et de la diaspora tenues en avril 2025, elles ont renouvelé cette demande d’audit.
Une aide publique, une vache laitière pour les chefs de partis politiques
Au fil du temps, les populations ont compris que l’aide publique accordée par l’Etat aux partis politiques était plutôt une vache laitière pour les chefs de partis. Ils se le partageaient, souvent, au mépris des textes en la matière. Ainsi, sous l’ère de feu le président ATT (Amadou Toumani Touré 2002-2012), les partis politiques ont profité du souci de ce dernier de gérer ses deux mandats sans une véritable opposition politique, pour se partager à deux reprises, au mépris de l’avis de la Cour Suprême, l’aide publique.
Pour la première fois, en 2005, ils étaient 103 partis politiques à se partager l’aide publique. Pourtant, la Cour Suprême avait fait ressortir, dans un avis, qu’aucun parti politique ne remplissait les critères d’accessibilité à cette aide. Malgré cela, le régime de feu ATT, par décret n° 06-003/ P-RM du 6 janvier 2006, a autorisé la mise à disposition d’un montant de 906 185 248 francs CFA, qui a été réparti entre 103 partis politiques.
La deuxième fois s’est produite en 2007. La Cour Suprême n’avait retenu que cinq (05) partis politiques éligibles pour un montant de 395 817 409 FCFA (URD, MPR, UFD, RDR et le MPLUS-RAMATA). La Cour demandera le reversement du montant non affecté de 710 798 767 FCFA. contre toute attente et au mépris de l’avis de la plus haute juridiction, feu ATT, à travers le décret n°08-041/P-RM du 25 janvier 2008, a ordonné que ce montant non affecté de 710 798 682 F CFA soit reparti à titre exceptionnel entre cinquante-sept (57) autres partis politiques. En somme, en 2005, 906 185 248 FCFA, et en 2007, 710 798 767 FCFA, ce qui fait un total de 1 616 984 015 FCFA distribué, illégalement, entre les partis politiques.
Selon certaines sources, l’état a alloué aux partis politiques plus de 27 milliards FCFA sur une période de 20 ans. D’autres sources indiquent aussi que de 2013 à 2018 (sous l’ère de feu le président Ibrahim Boubacar Keïta), 09 formations politiques ont bénéficié de 9 126 135 184 FCFA. Ainsi, le RPM a obtenu 3 388 707 219 FCFA. Il était suivi de l’ADEMA et de l’URD qui ont empoché, respectivement, 2 125 405 984 FCFA et 1 396 603 925 FCFA. Les autres gros bénéficiaires étaient la CODEM avec 548 437 921 FCFA contre 492 185 772 FCFA pour le CNID-FYT. Quant aux partis FARE-AN KA WULI et ASMA-CFP, elles ont encaissé, respectivement, 296 010 860 FCFA et 227 664 952 FCFA. Le MPR a obtenu 377 484 169 FCFA contre 273 634 382 FCFA pour le PARENA. Quel gâchis pour le contribuable malien, si l’on sait que ces faramineuses sommes n’ont pas du tout bénéficié aux militants.
Donc, en demandant des comptes sur l’utilisation de ces fonds, l’Etat ne fait que rendre justice aux populations au nom desquelles ces sommes ont été allouées aux partis politiques.
Arouna Traoré
Source: Nouveau Réveil