Les autorités de la transition continuent la traque des criminels à col blanc. Tous les secteurs de l’Etat sont concernés, y compris celui des diplomates. C’est dans ce cadre que la gestion de l’Ambassade du Mali auprès des Emirats arabes Unis avec résidence à Abu Dhabi a fait l’objet d’une vérification financière de la part du Bureau du Vérificateur général (BVG). Le constat est accablant.
Portée sur les exercices 2021, 2022, 2023 et 2024 (30 septembre), la vérification a fait ressortir des irrégularités financières qui s’’élèvent à plus de 200 millions de nos francs (202 071 532 FCFA). Une période au cours de laquelle, l’actuel Ambassadeur du Mali au Rwanda, le Général de Brigade Mamary Camara, était à la tête de la représentation diplomatique du Mali à Abu Dhabi.
En clair, l’ancien gouverneur de Koulikoro, Général Mamary Camara, bombardé Ambassadeur du Mali à Abu Dhabi de 2021 à septembre 2024 est lié, de prêt ou de loin, à la mauvaise gestion des fonds à la représentation diplomatique du Mali dans ce pays du golfe arabe. Et comme prime à la mauvaise gouvernance, le Général de brigade Mamary Camara, est l’actuel Ambassadeur du Mali au Rwanda. Et c’est le15 novembre 2024 qu’il a présenté ses lettres de créances au ministre rwandais des Affaires Etrangères.
Néanmoins, que dit le rapport de vérification financière? D’après les limiers du BVG, les fonds disparus font suite à une série d’irrégularités qui dépassent l’entendement. Il s’agit, entre autres, du paiement de dépenses indues ; de dépenses fictives scolaires ; des retraits d’argent non justifiés effectués sur le compte de l’Ambassade ; de la non-justification de l’utilisation de fonds destinés au paiement de salaires et accessoires du personnel local de l’Ambassade ; des dépenses de charges locatives non justifiées ; et des soins médicaux indus au profit de l’Ambassadeur, Général Mamary Camara.
Paiement indu de dépenses de plus de 10 millions FCFA
Il ressort du rapport d’audit du Vérificateur que l’Ambassadeur Mamary Camara et le Secrétaire-Agent Comptable (SAC) ont, respectivement, ordonné et payé des dépenses indues. En effet, sur la base des bons de commande signés par l’Ambassadeur, le SAC a payé des dépenses relatives à la prise en charge des frais de communication téléphonique et internet au domicile du personnel diplomatique, administratif et technique alors que lesdites dépenses ne sont pas prévues par l’article 9 du Décret n°96-044/P-RM du 8 février 1996, modifié, fixant les avantages accordés au personnel diplomatique, administratif et technique dans les missions diplomatiques et consulaires de la République du Mali. Ainsi, le montant total des dépenses indues payées s’élève à 10 879 333 FCFA.
Dépenses fictives de frais scolaires de plus de 17 millions FCFA
Le rapport révèle que le SAC a justifié, dans la comptabilité de mai 2024, le paiement des frais scolaires du 2ème trimestre 2022/2023 d’un (1) élève par la facture n°23245153 du 30 janvier 2024 alors que ces frais de scolarité avaient déjà été justifiés en avril 2023 sur la base de la même facture. Le montant de cette irrégularité s’élève à 1 490 999 FCFA. Il a également justifié dans la comptabilité de décembre 2022 des frais de transport du 1er trimestre 2022/2023 de deux (2) élèves par une relance d’impayés d’un établissement scolaire ne valant pas reçu de paiement. D’ailleurs, ce paiement supposé ayant été fait depuis décembre 2022 figure toujours sur la dernière relance d’impayés de l’établissement scolaire à la date du 4 décembre 2024. Le montant de cette dépense fictive est de 669 554 FCFA.
Par ailleurs, la PGT (Paierie générale du trésor) a mis à la disposition de l’AMAD (Ambassade du Mali à Abu Dhabi) un montant de 27 241 478 FCFA suivant le mandat n°1792 et l’ordre de transfert n°0124339 du 7 mai 2024. Sur ce montant, l’Ambassadeur, le Général de brigade Mamary Camara, a procédé au paiement de frais scolaires pour un montant total de 18 923 322 FCFA, soit un écart de 8 318 156 FCFA qui n’étaient pas disponibles dans le compte de l’Ambassade au passage de l’équipe de vérification. Au finish, le montant total des dépenses fictives de frais de scolarité s’élève à 17 753 106 FCFA.
Retraits injustifiés de plus de 34 millions F CFA effectués sur le compte de l’Ambassade
Afin de s’assurer du respect des dispositions comptable, l’équipe de vérification a analysé les pièces justificatives des dépenses de l’Ambassade et examiné les relevés bancaires de l’AMAD (Ambassade du Mali à Abu Dhabi). Ainsi, il ressort que l’Ambassadeur et le Secrétaire Agent Comptable n’ont pas justifié des retraits effectués sur le compte de l’Ambassade. En effet, ils ont établi des chèques pour des dépenses qui ne s’adossent à aucune pièce justificative. Lesdits chèques, portés à l’ordre d’eux-mêmes, ont été débités sur le compte bancaire de l’Ambassade. Le montant total des retraits non justifiés s’élève à 34 502 266 FCFA.
Paiement de charges locatives fictives de plus de 30 millions FCFA
Le rapport a révélé que l’Ambassadeur n’a pas justifié des dépenses relatives aux charges locatives de l’Ambassade. En effet, il n’a pas justifié des montants mis à sa disposition par la PGT au titre des charges locatives. En 2022 et en 2024, il a ordonné le retrait du montant de 298 131 837 FCFA envoyé par la PGT au titre des charges locatives sur lequel il a justifié 276 919 185 FCFA, soit un écart non justifié de 21 212 652 FCFA. De même, il n’a pas fourni les pièces justificatives probantes des dépenses de charges locatives. Lesdites dépenses ont été justifiées par des factures d’information et des factures pro forma délivrées par les établissements hôteliers en lieu et place des reçus attestant les paiements effectués. D’une facture à une autre, les périodes de séjour de l’Ambassadeur à l’hôtel se chevauchent. Les montants ont été retirés par chèque et aucune preuve de paiement n’a été mise à la disposition de l’équipe de vérification. Le montant des paiements irrégulièrement justifiés s’élève à 9 596 668 FCFA. Le montant total des dépenses de charges locatives non justifiées s’élève à 30 809 320 FCFA.
Virement injustifié de près de 23 millions F CFA sur le compte personnel de l’Ambassadeur
Le rapport indique que l’Ambassadeur, Général de brigade Mamary Camara, n’a pas justifié des fonds de l’Ambassade virés sur son compte bancaire personnel. Il ressort des relevés bancaires de l’AMAD que l’Ambassadeur, en violation du principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable public, a agi en comptable de fait en procédant au maniement des fonds domiciliés sur le compte bancaire de l’Ambassade.
En effet, en dehors de toute habilitation, il a utilisé le système « E-Banking » pour transférer des fonds du compte bancaire de l’Ambassade vers son compte personnel, grâce à une application installée sur son téléphone. Parmi les virements effectués figurent les salaires d’agents contractuels de l’Ambassade et diverses opérations relatives à des dépenses pour lesquelles l’équipe n’a pu disposer d’aucune pièce justificative. Cette immixtion de l’Ambassadeur Général Mamary Camara, dans les fonctions de comptable public a été signalée par le SAC au Ministre chargé des Affaires Etrangères suivant lettre sans numéro du 21 juin 2024. Par la suite, le Ministre chargé des Affaires Etrangères a informé celui chargé des Finances suivant la Lettre n°0002589/MAECI-SG-DFM du 5 juillet 2024. En réponse, le Ministre chargé des Finances a rappelé, suivant la Lettre n°002325/MEF-SG du 19 juillet 2024, le caractère illégal du comportement de l’Ambassadeur Mamary Camara et invité le Ministre chargé des Affaires Etrangères à prendre les dispositions en vue d’assurer un climat de travail apaisé au sein de l’Ambassade du Mali à Abu Dhabi. Ainsi, le montant total irrégulièrement viré par l’Ambassadeur sur son compte bancaire personnel s’élève à 22 939 080 FCFA.
Autant d’entorse à l’orthodoxie financière et qui sont à l’origine de l’évaporation de plus de 200 millions de nos francs (202 071 532 FCFA) à l’Ambassade du Mali à Abu Dhabi, pendant les périodes 2021, 2022, 2023, 2024 (30 septembre). D’où des dénonciations de faits par le Vérificateur général au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et au Procureur de la République du Pôle National Economique et Financier, relativement à toutes ces irrégularités financières.
Youssouf Konaré