Deux agents d’Ecobank Mali et quatre promoteurs d’entreprises indiennes ont été placés sous mandat de dépôt par le Pôle économique et financier de Bamako, suite à une enquête sur l’émission de messages Swift liés à des garanties bancaires.
Ces arrestations survenues le vendredi 7 mars 2025 font suite aux interpellations de certains chefs de projets et de quelques cadres de la banque, soupçonnés de faux, d’usage de faux, de blanchiment de capitaux et de complicité avec des entreprises indiennes exerçant dans notre pays.
Attributions de marché et garanties bancaires
Officieusement, ce sont des fausses garanties qui auraient été produites par une banque imaginaire et un premier déboursement de cinq milliards de francs CFA aurait été effectué. L’affaire concerne la réalisation des mini-centrales hydroélectriques de la société Energie du Mali, EDM SA, principal fournisseur d’électricité au Mali, pour un montant global de treize milliards de francs CFA. C’est un groupement d’entreprises qui aurait bénéficié du marché, en partenariat avec des fournisseurs indiens
Selon l’enquête, des représentants de deux groupements d’entreprises indiennes- MECAMIDIHPP/PRIL et AEEPL-NEPL-SUNCITY- auraient fourni de fausses garanties bancaires, validées « illégalement » par des cadres de la filiale malienne du groupe bancaire panafricain Ecobank. Le coordonnateur du projet et le gérant d’une entreprise locale de génie civil, Civil Engineering Company, sont également mis en cause pour complicité active.
Alertée par un signalement de la société EDM, la justice malienne a mené une enquête, mettant au jour un réseau « sophistiqué » de fraudes. Les investigations révèlent que les garanties falsifiées, présentées par les entreprises indiennes, ont permis de détourner des fonds destinés à la réalisation des infrastructures. Les cadres d’Ecobank impliqués auraient abusé de leurs positions pour valider ces documents « illégaux », trahissant ainsi la confiance publique.
En charge de l’affaire, le 8ᵉ cabinet du Pôle National Économique et Financier, a ordonné le 7 mars 2025 le placement sous mandat de dépôt de six individus impliqués dans cette affaire de faux, usage de faux, de détournement de biens publics et de blanchiment de capitaux.
Soutien indéfectible des banques
Face à la situation, le groupe Ecobank Mali et l’APBEF (Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali) affirment que les transactions effectuées respectent la règlementation bancaire en vigueur au Mali.
Pour protester, le secteur des banques a suspendu les transferts de garanties concernant la société publique Energie du Mali, ainsi que les autres structures publiques du pays.
Pour Hamadoun Bah, le secrétaire général du Syndicat national des banques, assurances et établissements financiers du Mali, Ecobank est hors de cause dans ce dossier. Mais il estime que « les garanties ne sont pas passées par Ecobank. Ecobank n’est même pas censée connaître le client, Ecobank ne connaît même pas le fournisseur de la société EDM SA. Ecobank ne connaît pas le marché conclu entre EDM et son fournisseur. Ecobank n’a fait que transférer de bonne foi parce qu’EDM est son client, dans le but de préserver son rapport client“.
Alerte donnée par un cadre du projet qui a démissionné de son poste
Depuis 2024, une affaire de fraude présumée secouait le Projet de Développement de Mini Centrales Hydroélectriques au Mali (PDM-HYDRO). Madame Ramatoulaye Kanakomo, experte en suivi et évaluation de ce projet, a officiellement annoncé son retrait de toutes ses fonctions, invoquant des irrégularités graves dans l’exécution des contrats de travaux.
Dans une lettre en date du 28 octobre 2024, adressée au Directeur Général d’EDM SA, Mme Kanakomo exprime son refus d’être complice des manœuvres frauduleuses attribuées aux groupements MECAMIDI HPP/PRIL et AEEPL_NEPL_SUNCITY. Selon elle, ces entreprises auraient perçu une avance de démarrage et d’autres paiements dépassant les 5 milliards de FCFA, sur un marché total estimé à 13 milliards de FCFA, en fournissant de fausses garanties bancaires.
Une banque fictive au cœur du scandale
Le document révèle que ces garanties auraient été émises par une banque fictive, ACUMEN BANK LTD Londres, remettant en cause la légalité des transactions effectuées. En conséquence, près de 5 milliards de FCFA auraient déjà été versés à ces entreprises à l’insu des autorités compétentes, et un risque de paiement frauduleux du reste du marché demeure imminent.
Un acte de protection contre des poursuites pénales
Face à cette situation alarmante, Mme Kanakomo affirme que son retrait vise à protéger son intégrité professionnelle et à éviter toute implication involontaire dans un dossier qui pourrait engager sa responsabilité pénale devant la justice malienne. Elle insiste sur le fait que poursuivre ses fonctions dans un contexte de fraude avérée pourrait avoir des conséquences légales graves pour elle.
Un appel à une solution légale et adéquate
Bien que se retirant de ses fonctions, Mme Kanakomo se dit disposée à collaborer avec la direction d’EDM SA pour trouver une solution conforme à la loi. Elle appelle à une enquête approfondie et à des mesures correctives pour éviter que les fonds publics ne soient dilapidés.
Avec cette lettre sortie des placards, on découvre qu’il y a eu des manœuvres dolosives dans l’exécution du PDM-HYDRO (Projet de Développement de Mini Centrales Hydroélectriques au Mali) afin de fournir de fausses garanties pour casser des fonds publics.
En attendant, ce scandale met en lumière les défaillances du contrôle des garanties bancaires dans les projets d’infrastructure au Mali et soulève des interrogations sur la surveillance des flux financiers dans les marchés publics. Les autorités prendront-elles des mesures pour éviter une telle fuite de fonds ? Affaire à suivre.
Mariam Konaré