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Alcool et drogues franchissent les portes des entreprises, un phénomène tabou

“J’ai consommé de l’alcool au travail et j’ai tout perdu”, dit l’une, avoir une “consommation contrôlée” est possible, assure une autre, toxicomane: les substances psychoactives franchissent les portes des entreprises, un phénomène largement tabou en France et difficile à quantifier.

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“J’ai consommé de l’alcool au travail et j’ai tout perdu”, dit l’une, avoir une “consommation contrôlée” est possible, assure une autre, toxicomane: les substances psychoactives franchissent les portes des entreprises, un phénomène largement tabou en France et difficile à quantifier.

Avoir un emploi protège globalement des addictions. Mais pour diverses raisons (quête de performance, usage festif qui déborde sur le travail, stress ou ennui), certains actifs consomment, y compris sur le lieu de travail.

Dan Véléa, psychiatre spécialisé, reçoit de nombreux patients dans ce cas.

“Les gens sont stressés dans l’entreprise” et le recours à ces substances (alcool, anxiolytiques, cocaïne…) “comme moyen d’adaptation devient très facile”, dit-il à l’AFP, évoquant “une société de la performance”.

L’usage est aussi facilité par la “démocratisation de ces produits”, le prix de la cocaïne ayant par exemple été divisé par deux depuis les années 1990.

En 2012, une enquête sanitaire française a révélé qu’aucun secteur n’y échappait, mais que la construction et l’hôtellerie-restauration étaient parmi les plus touchés.

L’alcool reste la substance psychoactive la plus consommée, ce qui est vrai aussi au travail.

Laurence Cottet, 52 ans, ex-secrétaire générale d’un grand groupe de BTP, en a fait les frais.

“J’ai basculé dans l’alcool dans le cadre professionnel”, explique-t-elle. “J’étais une des rares femmes dans le comité de direction et je pensais que si je ne buvais pas j’aurais été exclue”.

En 2009 “je me suis effondrée à la cérémonie des voeux devant 650 personnes”.

Après une longue reconstruction, elle a écrit un livre (“Non! J’ai arrêté”, Interéditions) et accompagne des salariés rencontrant les mêmes difficultés.

Pour Marc Elie, spécialiste des risques psychotropes au travail, la situation s’améliore un peu côté alcool, mais il y a “un vrai problème en France, notamment avec le cannabis”.

“Avant une réunion, tout le monde sniffe aux toilettes”

Il cite une opération récente dans une grande société de BTP où 30% des salariés ont été contrôlés positifs à au moins une substance illicite, essentiellement du cannabis, mais parfois avec cocaïne, héroïne ou autre.

La cocaïne reste rare (3,8% des actifs en ont pris au moins une fois), mais son usage “explose”, selon M. Véléa.

“Un patient m’a raconté que dans son entreprise (…) avant une réunion, tout le monde va aux toilettes seul, sniffe, et revient”, dit-il.

Le patient travaille dans les télécoms, mais finance, santé ou éducation sont aussi touchées, assure M. Véléa, selon qui “les premières consultations pour cocaïne en entreprise datent d’il y a à peu près 5-6 ans (…) avec un pic vers 2009”, période de crise.

Pour le médecin, quelle que soit la substance, “automatiquement, à un moment donné, cela devient incontrôlable” pour le salarié.

Astrid Fontaine, ethnologue et auteur en 2006 de “Double vie. Les drogues et le travail”, est d’un autre avis. Selon elle, “il existe des gens qu’on ne remarque pas qui gèrent leur consommation”.

Salomée (pseudonyme) aborde, sans angélisme, dans son blog (melange-instable.blogspot.fr) sa relation avec la drogue et milite contre la “toxicophobie”.

La jeune femme, qui se prostitue, est polytoxicomane (cocaïne et héroïne), comme son compagnon, intérimaire sur une chaîne d’électroménager. Elle affirme que la majorité des usagers “est invisible” et que beaucoup ont une “consommation contrôlée”, une “donnée qui s’intègre dans la vie”.

L’enjeu est majeur en France pour les employeurs, qui ont une obligation de sécurité vis-à-vis de leurs salariés. Près de 15% à 20% des accidents professionnels, absentéisme et conflits au travail seraient liés aux psychotropes.

Or, note Patrick Lanoy, avocat en droit du travail, “le mot +drogue+ n’est prononcé qu’une fois dans le code du travail pour dire que le médecin du travail a un rôle à jouer” dans la prévention.

En matière de dépistage, seuls les postes à risque peuvent être concernés, sous réserve de figurer au règlement intérieur.

En septembre, le gouvernement a dévoilé son nouveau plan anti-drogue qui préconise de sensibiliser les médecins du travail.

Une certitude: le sujet dérange. Un colloque adressé aux acteurs de l’entreprise a dû récemment être annulé, faute de participants…

© 2014 AFP

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