À cette veille de la fête de ramadan, les ateliers de couture sont généralement pris d’assaut par les clients. Les tailleurs s’activent, jour et nuit, pour satisfaire la clientèle. Malgré la situation économique précaire du pays cette année, ils sont encore nombreux à se rendre chez les couturiers.
Comme à l’accoutumée, la veille des fêtes est marquée par une vive tension entre clients et tailleurs dont certains, par cupidité ou par peur de perdre leurs clients, n’arrêtent pas de recevoir des tissus à la dernière minute. Alors qu’ils sont déjà débordés.
Kalipha Tall est tailleur à Kalaban-Coro Plateau, quartier du sud-est du district de Bamako. Ce couturier ivoirien, au regard du nombre important d’habits qui lui reste à coudre, se trouve dans un climat de crainte durant ces deux dernières semaines du mois de ramadan. « Malgré qu’on décline des tissus de peur de ne pas pouvoir les terminer d’ici la fête, certains clients exigent à ce qu’on accepte leurs tissus », explique ce trentenaire, spécialisé dans la couture des habits pour hommes.
Pour sa part, Djibril Traoré, basé à Kati, ville d’une quinzaine de kilomètres de la capitale Bamako, estime que malgré cette tension à la veille de cette fête en raison de la surcharge, certains clients ne sont pas à rejeter. « Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas honorer tous nos rendez-vous d’ici la fête. Mais nous allons faire de notre mieux, et s’attendre aux brouilles, affirme-t-il. Il y a des clients qui amènent leurs habits à la dernière minute, notamment les femmes, qui constituent l’essentiel de notre clientèle. » Il poursuit : « Nous ne pouvons non plus les rejeter, au risque de les perdre après la fête ».
Spécialiste de vêtements pour hommes et femmes, un autre tailleur, basé à Baco-Djicoroni (Commune V de Bamako) estime qu’il ne sert à rien de s’encombrer d’habits sachant bien ne pas être en mesure de les coudre à temps voulu. « J’ai décidé, il y a quelques années, de ne plus recevoir autant d’habits dont la couture me poserait des problèmes. Car cela créera trop de frustrations », raconte-t-il.
Des alternatives
Face à cette situation, des clients se trouvent d’autres issues. C’est le cas de Gaoussou Sall, étudiant à la Faculté des Sciences économiques et de Gestion de Bamako (FSEG), qui a préféré voir du côté des friperies pour préparer la fête. Cela, pour éviter ces brouilles avec son tailleur. « Cela fait quelques années maintenant que je me rends dans les friperies pour m’acheter un habit pour la fête. J’en ai marre des faux rendez-vous des tailleurs », témoigne-t-il. Avant d’ajouter qu’il cherche « l’opportunité à coudre [ses] habits à des moments où l’affluence n’est pas tout à fait au rendez-vous ».
Désespéré du comportement de son tailleur, Safiatou Diarra, femme d’une vingtaine d’années basée à Koulikoro (2e région administrative du Mali), venue retirer son habit dans un atelier à Bamako, accepte de nous parler : « Depuis près de deux mois, j’ai quitté Koulikoro pour déposer un seul complet, espérant pouvoir le recevoir avant la fête. Mais compte tenu de la négligence de mon tailleur, je viens le retirer une bonne fois », déplore-t-elle, le visage serré.
D’énormes problèmes
Il faut toutefois noter qu’à cette veille de fête de ramadan, les tailleurs font face à d’énormes problèmes qui se posent au niveau des articles de mercerie. « Quand on part pour s’approvisionner au niveau des merceries, les pièces sont très chères », fait savoir Sékou Diallo, tailleur à Kalaban-Coro (Bamako), près du grand marché du quartier.
« Ceux qui travaillent dans les merceries savent que le marché doit être dense. Ils profitent de la situation pour augmenter le prix des articles. Et à notre tour, on veut aussi augmenter les prix des modèles. Du coup, cela crée un véritable problème avec les clients », ajoute-t-il.
Pour sa part, Karamoko Diarra, vendeur d’articles de mercerie à Banconi (commune I, Bamako), pense que cette « cherté du prix des matériels s’explique par l’embargo », imposé sur le Mali depuis près de quatre mois. Sauf que certains pensent que « les commerçants aiment la cherté ».
À cela s’ajoute également un autre problème qui embête actuellement les populations bamakoises et environs, par ricochet les tailleurs. Il s’agit notamment du délestage. Surtout à cette veille de la fête. « Avec ce délestage récurrent, le marché devient de moins en moins dense. Un travail que tu pouvais faire en une heure, avec la coupure d’électricité, tu peux aller jusqu’à trois heures, voire quatre heures », déplore Seydou Coulibaly, tailleur brodeur à Faladié, en commune VI de Bamako.
Bakary Fomba