Le front politique s’est manifestement apaisé au Mali, depuis la décision du président de la République de surseoir, le vendredi 18 aout, à son projet de révision constitutionnelle.
Le quatrième anniversaire de pouvoir du Président Ibrahim Boubacar Kéita, n’aurait pas fait beaucoup de bruit, n’eut été la grande offensive de communication de la présidence de la République sur le programme présidentiel d’urgences sociales. Le seul débat qui a droit de citer est celui qui a vu Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, conseiller spécial du Président, croiser le fer avec Djiguiba Kéita dit PPR, secrétaire général du Parena (opposition) sur Africable, une chaine de télévision privée. La télévision d’Etat (ORTM) a croulé sous les annonces et publicités sur le programme présidentiel d’urgences sociales, sans un vrai débat entre majorité et opposition. Le Républicain est allé à la rencontre des partis politiques et de la société civile, qui ont été nombreux à bouder notre offre à régir aux quatre ans d’IBK. On constate cependant un grand contraste entre majorité et opposition sur le bilan des quatre ans, pendant que l’une applaudit, l’autre incrimine. Retour sur des points marquants.
Les secteurs concernés par le programme sont l’Agriculture, l’Elevage et pêche, les Infrastructures routières et équipements, l’Eau-Energie, l’Education, la Santé, l’Emploi. « Le Programme Présidentiel d’Urgences Sociales repose sur les éléments suivants : des investissements de proximité qui amélioreront de manière rapide et significative le quotidien des bénéficiaires, la nécessité de faire plus en faveur des couches les moins favorisées de nos populations, malgré les ressources limitées de notre pays, la réduction des inégalités dont sont victimes nombre de Maliens dans l’accès aux services sociaux de base. A cela s’ajoute la préservation autant que possible du pouvoir d’achat, grâce à une politique constante de soutien à la consommation ». Ce programme ne fait qu’égrainer le contraire de ce que vivent la grande majorité des Maliens qui sont dans le dénuement, commente un responsable de l’opposition. Ainsi cette dernière année du quinquennat d’IBK, apporterait une potion magique qui transformerait positivement l’Agriculture, la pêche, l’Elevage, l’Energie, l’Eau, l’Education, le Numérique, les attentes en matière de logements sociaux, la politique de recasement, le panier de la ménagère et la macro-économie.
Amadou Koita, président du Parti socialiste (PS Yéelen Coura) et ministre de la jeunesse, ira plus loin en soutenant que le président a su répondre aux attentes du peuple malien. « Sur le plan sécuritaire, nos forces armées et de sécurité sont en train d’être équipées à hauteur de souhait. Aujourd’hui, l’armée malienne est une fierté nationale. Hier, nos hommes reculaient, aujourd’hui c’est nos hommes qui pourchassent ». Selon lui, la prime de risque qui était à 6000 FCFA est aujourd’hui à 50 000 FCFA grâce au président de la République. La prime d’opération qui était réservée à une petite catégorie est uniformisée. « Quand le président arrivait au pouvoir, la crise politique et économique avait atteint un tel niveau que la croissance du Mali n’était qu’à 1,7%, aujourd’hui cette croissance frôle les 7% », poursuit-il. Le budget du Mali était de 890 milliards de FCFA, aujourd’hui le budget est à 2000 milliards de FCFA. Les fonctionnaires ont pu bénéficier d’une augmentation de 21% sur leurs salaires. Le SMIG malien est passé de 33 000 FCFA à 40 000 FCFA, ajoute le président du PS Yeelen Coura. Selon ce partisan de la majorité présidentiel, malgré la crise et l’insécurité, le budget national est parvenu à financer des routes de développement notamment : la route de Kolondiéba-frontière ivoirienne ; la route de Kangaba-frontière guinéenne, la construction du deuxième pont de Kayes, la route de Sadiola-Kayes, qui ont couté 170 à 200 milliards de FCFA sur financement du budget national. A travers le ministère du commerce, il est prévu la construction de 5000 magasins pour les jeunes déguerpis. Il est également la pose de la première pierre pour le marché rose de Bamako. Le financement des commerçants détaillants est prévu à hauteur de près de 2 milliards de FCFA. Donc sur le plan social, le président de la République a fait de son mieux. La promesse de 200 000 emplois a été déjà atteinte. Sur le plan de la santé, aujourd’hui toutes les conditions sont en train d’être réunies afin que tous les Maliens puissent bénéficier de l’AMO. Donc on peut dire que quatre ans après, IBK a été à hauteur de sa mission, selon Amadou Koïta.
Pour Allaye Guindo, Secrétaire Administratif du bureau national CODEM, « le gouvernement a été très apte dans la gestion des crises sociales. Ce qui a fait baiser la tension aujourd’hui ». C’est un acquis important du régime IBK. « Sur le plan sécuritaire, l’insécurité n’est pas seulement au Mali. C’est un phénomène mondial … Malgré tout, le régime est entrain de déployer des efforts dans ce sens pour sécuriser les populations sur l’ensemble du territoire national », note-t-il.
Les incriminations
De son côté, l’opposition a constaté durant ces quatre années « une absence criarde de dialogue politique, de débats politiques et aucune mesure d’amélioration des élections à venir », note Mody N’Diaye, vice-président de l’URD. Selon lui, la situation est désespérée au plan socio-économique marquée par l’impunité, le chômage aggravé, l’injustice sociale, la dégradation des infrastructures routières, une situation sécuritaire incertaine. « Le régime à ce jour n’a malheureusement pas pu faire face à cette situation », ajoute-t-il.
« J’ai demandé le report de cette révision constitutionnelle par conviction. Il n’y a pas de sécurité, on ne peut pas tenir le referendum. Voila pourquoi le président de la République a eu la sagesse de surseoir à son projet de révision constitutionnelle. Et c’est le peuple tout entier qui a eu gain de cause », selon Bakary Diarra, député de l’Adp-Maliba.
Par ailleurs, l’opposition considère que la décision du président de la République de surseoir à son projet de révision constitutionnelle qu’il avait initié en dépit de l’article 118 de notre loi fondamentale est la victoire de la raison, de la sagesse, la victoire du peuple malien tout entier. « Notre pays et son peuple n’ont pas besoin de division, mais de rassemblement pour affronter les défis majeurs de l’heure : libération complète du territoire, présence de l’État sur l’ensemble du territoire national, sécurité, stabilité et développement durable », selon une déclaration du front du non à la révision constitutionnelle. L’opposition prend le Président au mot, suite à son invitation « échanger sans détour » et de son engagement « à faire prendre les dispositions nécessaires pour que le dialogue qui s’engage soit inclusif et dépassionné ».
Odeur de surfacturation
Le 10 juin 2017, le Parena indiquait qu’en initiant des projets routiers visant à désenclaver plusieurs localités du pays, l’intention du président de la République est louable car les populations et l’activité économique souffrent, en toutes saisons, du mauvais état des voies de communication. (Cinq projets de route et un pont (celui de Kamankolé à Kayes) constituent les PPP (projets prioritaires du président). « Toutefois cette opération de désenclavement a été l’occasion de montages financiers douteux et scabreux avec comme résultat une énorme évaporation financière au détriment du contribuable malien », selon le Parena. Les PPP ont deux caractéristiques principales : ils sont financés par le budget national; les marchés ont été attribués à la suite de “consultations restreintes” qui ont ouvert la voie à d’énormes surfacturations et à des détournements de deniers publics. « Interrogés, plusieurs spécialistes travaillant dans le secteur des routes ont répondu que le coût maximum du kilomètre de bitume au Mali ne saurait excéder 250 millions de francs CFA quelle que soient la qualité et l’épaisseur du goudron. Or le kilomètre de goudron pour la seule route qui va relier le Bankoni à Nonsombougou coûtera au contribuable malien plus de 495 millions de francs CFA », a indiqué le Parena. Selon le parti du bélier blanc, la passation des marchés des PPP s’est faite sur fond d’entente entre les donneurs d’ordre et les bénéficiaires pour alimenter une caisse noire destinée à financer les prochaines campagnes électorales. On a procédé à des “consultations restreintes” qui n’étaient, en fait, que des grés à gré déguisés. Selon plusieurs sources, il a été imposé aux entreprises des ristournes d’au moins 15% des montants des marchés. Ainsi les entreprises se sont engagées à “cotiser” des sommes colossales: entre 1 et 5 milliards de francs CFA.
- Daou
Source: Le Républicain