Entre une légitimité octroyée par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, dans le combat du terrorisme et de ses multiples connexions que sont le crime organisé et le trafic de drogue, et la création d’une zone de défense et de sécurité dans le Gourma relavant de son état-major général, la CMA renoue avec la filouterie exponentielle.
Le Comité Directeur de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) s’est réuni en session ordinaire les 25, 26, 27 et 28 janvier 2021 à Kidal. Une des plus importantes décisions, sur le plan militaire, a été la création de deux zones militaires dans la région de Gao (le Haoussa et le Gourma) avec une coordination unique et le renforcement des mesures dédiées à la lutte contre l’insécurité dans les régions de Tombouctou et de Ménaka. La création d’une zone de défense et de sécurité relavant de l’état-major de la CMA a pour ‘’but de mieux contribuer à la sécurité des personnes et des biens en partenariat avec les forces nationales et internationales’’.
L’ambition expurgée de toute hystérie anti-azawadienne est noble et même à saluer. La Zone du Gourma et du Haoussa est assimilée à un no man’s land sécuritaire où les djihadistes et autres bandits font régner toute sorte de terreur et prospérer une économie criminelle hors contrôle. Voilà qui devrait justifier l’engagement de la CMA, au même titre que tous les mouvements signataires, au terme de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger en ses articles 29 et 30 : ‘’les Parties réitèrent leur engagement à combattre le terrorisme et ses multiples connexions que sont le crime organisé et le trafic de drogue, y compris à travers les stratégies et mécanismes régionaux existants’’ ; ‘’les Parties conviennent de la mise en place, en tant que de besoin, d’unités spéciales aux fins de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée’’.
Faut-il pour autant donner à la CMA carte blanche d’occuper et de s’occuper des zones abandonnées ou délaissées par les Forces nationales et internationales au nom de la sécurisation des personnes et de leurs biens? Encore faudrait-il relativiser cet abandon, parce que plusieurs opérations sont menées dans le Gourma, soit conjointement par les soldats français et maliens, soit par les soldats de Barkhane, soit par les Forces armées maliennes.
Dès lors, au-delà des ambitions et des prétextes, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), en tant que signataire de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et en tant qu’acteur majeur du processus de paix, est-elle fondée à créer et à occuper unilatéralement des zones de défense et de sécurité ?
L’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, dans sa grande clairvoyance engage les parties ‘’à mettre en œuvre, intégralement et de bonne foi, les dispositions du présent Accord en reconnaissant leur responsabilité première à cet égard’’. La CMA fait-il preuve de bonne foi en allant loin de sa base de Kidal jusqu’au Gourma et au Haoussa ?
Nulle part dans l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, il n’est fait mention de zone de défense et de sécurité, de fractionnement du territoire sous prétexte de sécurité des populations et des biens. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un acteur aussi sérieux du processus de paix comme la CMA prenne une décision aussi aventureuse dans le silence complice des autres parties ?
Par conséquent la création par la CMA d’une zone de défense et de sécurité relevant de l’état-major de la CMA ayant pour ‘’but de mieux contribuer à la sécurité des personnes et des biens en partenariat avec les forces nationales et internationales’’ est une violation flagrante de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Ce n’est pas la première fois, par le passé la CMA avait tenté d’occuper Ménaka en y mettant ces éléments alors que GATIA et la plateforme y étaient.
Mais, comme chacun le sait, la CMA et les autres parties signataires, y compris le Gouvernement lui-même, ne sont pas à une violation près des dispositions pourtant claires et limpides de l’Accord dont chacun demande l’application intégrale ou intelligente.
Pour reprendre le Dr Anasser Ag Rhissa, «respectons la responsabilité partagée, à travers des consensus entre les parties prenantes à l’Accord pour la paix auxquelles pourront éventuellement participer des partenaires dans le cadre de la sécurisation partagée, tout en veillant à la légitimité militaire (souveraineté nationale) ».
PAR BERTIN DAKOUO
Source : INFO-MATIN