Notre compatriote s’est fait une place au soleil parmi les grands couturiers en Afrique grâce notamment à l’originalité de ses créations. La valorisation des étoffes maliennes fait partie des cordes à son arc
Le styliste-modéliste-créateur Yoro Diakité dit Jankich a été décoré de la médaille de Chevalier de l’ordre national du Mali. La distinction lui a été officiellement remise mercredi dernier au cours d’une brève cérémonie au ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme par le secrétaire général dudit département Hamane Demba Cissé.
L’artiste, remercie les autorités de la Transition pour cette marque de reconnaissance, qu’il apprécie d’ailleurs à sa juste valeur. Très touché par ce geste des autorités maliennes, il dédie la médaille à sa famille et à tous ceux qui le soutiennent pendant sa traversée du désert. Car il éprouve actuellement des difficultés qui l’empêchent de faire correctement son travail de créateur et de formateur.
Il est revenu au bercail en 1995 après une bonne dizaine d’années entre Abidjan (Côte d’Ivoire), Libreville (Gabon) et Johannesburg en Afrique du Sud. Il venait de remporter le prix Rainbow Power, qui s’est déroulé en Afrique du Sud. Organisé chaque année par de grandes maisons de couture européennes, américaines, asiatiques et africaines, cette distinction récompense l’originalité créatrice d’un styliste, qui peut être aussi bien Africain.
Jankich qui représentait pour la circonstance la South african designer était en compétition avec onze stylistes européens et asiatiques. Rappelons que Yoro Diakité dit Jankich fut à l’origine des costumes qui ont servi d’uniformes au parti politique l’African national congres (ANC) d’Afrique du Sud en 1994.
Il avait créé une veste en cotonnade de couleur beige, avec des parements en bogolan qui a été adopté à la fois par les Noirs, les Blancs et les Rouges d’origine indienne.
Selon les mots du président Nelson Mandela à l’époque cette veste, de conception européenne, mais
avec des tissus africains, était le symbole d’un pays réunifié et arc-en-ciel dont le grand homme a toujours rêvé. Ce grand homme a porté pour la première fois les chemises pagne cousues par Jankich.
Les Princesses de Monaco, le richissime américain Rockefeller, des hommes politiques et de la finance internationale, mais aussi de nombreuses autres célébrités du showbizz furent également parmi ses clients.
Dans un article que nous lui avons consacré à son arrivée, nous disions qu’il n’y avait rien d’étonnant pourtant pour ce natif de Guéleninkoro, Cercle de Yanfolila, quand on connaît le parcourt de l’intéressé.
Jankich est parti s’installer en Côte d’Ivoire pour exercer son talent de tailleur en 1984. C’est à Abidjan qu’il rencontre un certain Seydou Doumbia dit Christ Seydou. Tous les deux travaillent dans l’atelier d’un Blanc.
Ce dernier finit par emmener Christ en France. Alors que Jankich est repéré par Joséphine Bongo, fille du président Oumar Bongo à l’époque. Il a travaillera de 1986 à 1992 pour la famille présidentielle de ce pays. Cet habile tailleur à ses débuts, s’est peu à peu initié aux subtilités du métier de styliste créateur. C’est en 1992 qu’il rejoindra l’Afrique du Sud nouvellement sortie du joug de l’apartheid.
C’était à la demande de certains amis qui cherchaient des stylistes africains capables de produire des modèles mettant en valeur la diversité culturelle de leur pays. à la fin de l’apartheid, ce système politique qui mettait les Noirs au second plan, il n’y avait pas beaucoup de créateurs de couleur. Mieux, tous les habillements étaient d’inspiration occidentale. Sans abandonné complètement ces modèles, il fallait trouver de nouveaux modèles qui prenaient en compte toutes les couches sociales : noir, blanc et asiatique.
C’est ainsi que Jankich, nouvellement embauché à la South African designer association (SAFDA), il créera des modèles de costumes pour hommes et tailleurs féminines dans le style des Blancs sur des supports (tissu ou pagne) africains, cela à la grande satisfaction de ses nouveaux clients. Certains commentateurs diront que la « refondation de la société post apartheid commençait par la mode vestimentaire ».
Il présente des styles de vêtement avec un savant mélange de supports maliens que sont le bogolan (bambara), le kassa (peul) et les teintures bleues des kassonké ; avec de pagnes industriels comme : «œil voit, bouche ne parle pas », «Chérie, ne me tourne pas le dos» ou «Femme capable. Ses créations ont été exportées en Europe et aux USA par cette société et lui valurent une flatteuse réputation.
Pour ce créateur autodidacte, le talent est inné. Il a déjà remporté de nombreux prix lors des concours et de reconnaissances dans le domaine de création stylistique en Afrique du Sud, En Europe et USA. Il est revenu au Mali en 1996, sous les conseils du président Alpha Oumar Konaré. Actuellement, il cherche à mettre en place un atelier de création et un Centre de formation afin de transmettre aux plus jeunes ce qu’il a acquis comme connaissances et expérience.
Cette médaille est une reconnaissance des autorités de la Transition à un homme qui est sans doute un des pionniers de la valorisation des supports maliens.
Source : L’ESSOR