Le Burkina Faso, en proie à des violences djihadistes depuis sept ans, n’exclut pas de réexaminer ses “rapports” avec la Russie, selon le premier ministre burkinabè Appolinaire Kyelem de Tembela. L’homme fort du régime Ibrahim Traoré se rend pour sa première visite à l’étranger au Mali, premier pays allié de la Russie dans le Sahel. Le Burkina Fasso va t-il se rapprocher du pouvoir militaire malien allié de la Russie ?
Lors de manifestations de soutien au coup d’État du 30 septembre qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré, des Burkinabé brandissent régulièrement des drapeaux de la Russie, pays avec lequel ils souhaitent que leurs nouveaux dirigeants intensifient les relations.
Dans plusieurs pays d’Afrique francophone, Moscou jouit d’un soutien populaire grandissant quand la France, ex-puissance coloniale, y est de plus en plus vilipendée, en particulier au Mali, pays voisin du Burkina également dirigé par des militaires putschistes depuis 2020.
Il sera principalement question de la lutte contre le terrorisme lors de la rencontre entre les présidents Traoré et Goïta.
Une source diplomatique burkinabé à l’AFP.
Le capitaine Traoré doit avec son homologue putschiste malien Assimi Goïta. “Il sera principalement question de la lutte contre le terrorisme”, selon une source officielle burkinabè.
400 soldats français encore présents au Burkina Faso
Le Mali et le Burkina sont dirigés par des militaires putschistes qui y ont pris le pouvoir respectivement en août 2020 et en janvier 2022 et sont tous deux confrontés à la violence de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique.
Bamako a poussé vers la sortie les troupes françaises présentes au Mali depuis 2013 et s’est tourné vers la Russie pour l’aider à combattre ces groupes avec notamment la présence d’“instructeurs” russes qui, selon les pays occidentaux, sont des mercenaires du groupe Wagner. Au Burkina Faso, les liens militaires avec la France restent encore forts pour l’instant. 400 soldats français des forces spéciales sont présents sur le sol du Burkina Faso.
Peut-être qu’avec la nouvelle donne (sécuritaire) nous réexaminerons nos rapports avec la Russie pour voir s’il faut la renforcer dans un secteur ou pas.Apolinaire de Tembala, nouveau Premier ministre.
“Nous coopérons avec la Russie depuis longtemps, c’est en 1967 que les relations ont été nouées entre l’ex-URSS et la Haute-Volta” nom du Burkina Faso à l’époque, et “nous n’avons pas attendus ces marcheurs pour avoir une coopération avec la Russie”, a déclaré Apolinaire de Tembala, nouveau Premier ministre dans un entretien dimanche 30 octobre à la télévision publique.
“Peut-être qu’avec la nouvelle donne (sécuritaire) nous réexaminerons nos rapports avec la Russie pour voir s’il faut la renforcer dans un secteur ou pas, s’il faut la réorienter dans l’intérêt du Burkina Faso et dans le respect de sa souveraineté”, a-t-il poursuivi.
Mais, a-t-il averti, “ce n’est pas à la rue de nous dire de faire ceci ou cela”.
Si ces marcheurs pro-Russie “sont patriotes, la première marche à faire, c’est contre le terrorisme, c’est dans la lutte contre le terrorisme qu’on doit vérifier le patriotisme de chacun“, a-t-il affirmé.
Selon le chef du gouvernement, “le meilleur soutien au régime en place c’est d’aller au front, c’est d’aider à lutter contre l’insécurité, c’est d’apporter sa contribution financière ou matérielle pour aider les soldats au front ou pour aider les victimes du terrorisme, plutôt que de passer son temps à marcher”.
Les autorités issues du putsch du 30 semptembre ont lancé le recrutement de 50.000 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils de l’armée, pour intensifier la lutte antijihadiste.
Le 24 janvier, des militaires emmenés par le lieutenant-colonel Damiba et regroupés au sein d’une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), avaient renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’incapacité face aux attaques djihadistes qui se sont multipliées au Burkina.
Deux millions de déplacés au Burkina Faso
Mais ces attaques n’ont pas cessé et un nouveau putsch a eu lieu le 30 septembre, portant au pouvoir le capitaine Traoré qui a lui aussi invoqué la dégradation de la situation sécuritaire pour justifier son putsch.
Le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des mouvements djihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI) qui ont fait des milliers de morts et quelque deux millions de déplacés.
Plus de 40% du territoire échappe au contrôle de l’État, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger.