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Violences contre les femmes au Nord du Mali : LA JUSTICE AVANCE À SON TRAIN


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L’occupation du Nord de notre pays de 2012 à 2013 par des djihadistes et d’autres groupes armés a été marquée par d’innombrables exactions de la part des occupants sur les populations civiles. Aux violences liées à l’application de la charia comme les amputations, les flagellations, les lapidations se sont ajoutés des actes de banditisme. Parmi ceux-ci, on relève les pillages, les destructions d’édifices publics et surtout les viols dont les femmes des localités occupées et laissées sans défense ont beaucoup souffert.
Les témoignages des victimes ont suscité une émotion légitime dans l’opinion. Après la libération, nombreuses ont été en effet celles qui ont tenu à faire connaître le calvaire que les bandits armés leur avaient fait subir. Mais il fallait aller au-delà du simple enregistrement des faits et c’est ainsi que six associations de défense des droits de l’homme se sont saisies des cas dont elles avaient pris connaissance. Des plaintes ont été déposées en justice en novembre 2014 et en février 2015, afin d’obtenir des réparations pour les victimes. Le Tribunal de première instance de la Commune III du district de Bamako est saisi d’une centaine de dossiers sur des cas de viols et d’autres formes de violences sexuelles commis lors de l’occupation du Nord du Mali par les groupes armés.
Pour mesurer la gravité des faits, un rappel de la situation s’impose. L’occupation des trois Régions septentrionales (Gao, Tombouctou et Kidal) par les djihadistes, les bandits armés et les narcotrafiquants a fait de nombreuses victimes parmi les femmes et les enfants. Les occupants se sont rendus coupables des pires exactions sur les populations civiles. Des femmes ont été violées, battues, emprisonnées et souvent même tuées. D’autres ont été contraintes à des mariages forcés avec des combattants. Les séquelles psychologiques de ces souffrances marqueront à jamais la chair et l’esprit des victimes. Plusieurs femmes ont perdu leur dignité d’épouse, de mère. Les témoins se souviennent encore du cri strident de cette femme lapidée à mort à Aguelhok en 2012.
AUCUN BLOCAGE. Les occupants ne se privaient pas d’abuser des femmes qu’ils emprisonnaient à Tombouctou et à Gao. Selon une étude des organismes internationaux sur la situation des violences basées sur le genre et intitulée « Justice et réparation pour les femmes au Nord du Mali », sur 51 cas de viols détectés avec toutes les conséquences sanitaires et psychologiques endurées par les survivantes de façon générale, près de la moitié des victimes, soit 46%, ont été agressées dans un endroit public.
Dans dix cas de viol collectif, la violence a été perpétrée par un groupe de quatre hommes. L’enquête révèle également que quatre des victimes avaient entre 11 et 15 ans. Plus de 50% des victimes avaient entre 16 et 25 ans, mais plusieurs femmes âgées (plus de 46 ans) ont été victimes de viol également. La violence commise contre les femmes et les filles a pris la forme non seulement du viol, mais également d’autres types de violences sexuelles, physiques et psychologiques. Elle était parfois accompagnée d’enlèvement et de séquestration. Dans certains cas, le viol a conduit à des grossesses non désirées et à des fausses couches. Les cas de viol individuel subi par une mère et sa fille simultanément ont été relatés dans le document.
Depuis un an les dossiers des plaintes sont déposés au niveau de la justice. Où en sommes-nous donc avec cette procédure ? Y a-t-il un blocage ? Ce sont à ces questions que les organisations qui soutiennent les plaintes des femmes victimes du Nord ont répondu par la voix du Collectif « Cri de Cœur ».
Almahady Cissé, le président de ce collectif assure que l’instruction est en cours et qu’aucun blocage n’est révélé. Il reconnaît toutefois que la procédure est à la fois lente et lourde. Cette particularité s’expliquerait par le fait que les victimes sont au Nord alors que l’instruction se passe à Bamako. L’insécurité qui prévaut au Septentrion ne facilite malheureusement pas le travail des juges qui doivent se rendent sur place pour les auditions. Le patron de « Cri de Cœur » précisera aussi que les juges étudient les dossiers afin de distinguer les cas que nos tribunaux peuvent prendre en charge de ceux qui seront déférés devant la Cour pénale internationale (CPI).

RETROUVER DIGNITÉ ET HONNEUR. Le travail abattu par les magistrats permettra de restituer les crimes perpétrés dans leur ampleur, en faisant la lumière sur leur caractère systématique ou généralisé. Almahady Cissé annoncera que le début des auditions interviendra bientôt. A ce niveau, les organisations demandent que soit assurée la protection des témoins.
La suite à donner aux plaintes ne sera pas facile à définir. A la suite de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, l’Etat prône le pardon au nom de la paix, de la cohésion et de la réconciliation nationale. Alors que les victimes demandent justice et réparation. La position de bon nombre d’organisations de défense des droits de l’Homme est, elle, sans équivoque. Pour elles, les crimes reprochés aux groupes armés à l’égard de ces femmes sont imprescriptibles. Les coupables devront répondre de leurs actes devant la justice. Les organisations se disent déterminées à rester mobilisées pour que les victimes obtiennent justice et réparation. Quel que soit le temps que cela prendra.
Pour les défenseurs des droits de l’Homme, permettre aux victimes de retrouver leur dignité de femme et de recouvrer leur honneur perdu constitue un préalable indispensable à l’instauration d’une paix durable et à la réhabilitation de la cohésion. Du côté de la justice, les interlocuteurs que nous avons rencontrés préfèrent se garder de commenter la procédure en cours. Les hommes de loi expliquent leur silence par la sensibilité des dossiers et surtout le désir de ne pas entraver leur travail qui, assurent-ils, progresse lentement, mais sûrement.
Les six associations engagées dans le combat en faveur des femmes du Nord sont la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), Femmes Droits Développement en Afrique (WILDAF), l’Association DEME SO, l’Association des juristes maliennes (AJM) et le Collectif Cri de Cœur. Toutes entendent saisir l’occasion de la célébration aujourd’hui de la Journée internationale des droits de l’homme pour souligner la nécessité de faire triompher la justice en faveur de ces femmes victimes d’exactions lors de l’occupation du nord.

M. A. TRAORE

source : Essor

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