Des pistolets artisanaux, des machettes, des couteaux, des marteaux, des ceinturons, des gourdins, des barres de fer, des ciseaux, des tournevis et des lance-pierres, sont entre autre, les nouveaux outils qui ont remplacé depuis un certains, les stylos et les livres des étudiants sur les espaces Universitaires.
Suite à ces comportements impropres, les Recteurs des Universités publiques du Mali, les doyens et directeurs des Facultés et Instituts universitaires ont adressé une correspondance au ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, en vue de prendre des dispositifs nécessaires pour remédier à ce phénomène.
Ainsi, dans leur correspondance, les responsables des Grandes Ecoles ont rappelé que : « depuis plusieurs années, les facultés et instituts sont devenues des champs de bataille entre les étudiants pour les postes de responsabilité au sein de leur organisation, l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM). À ce jour, il n’y a pas une université qui soit épargnée par ces actes de violences ».
Pire, s’inquiètent-ils, le crépitement des balles, le recours à des loubards qui n’ont aucune attache avec l’université font partie de la nouvelle donne dans la mise en place des comités AEEM et dans le choix des responsables de classes. C’est pourquoi, les responsables de ces différentes facultés se demandent « s’ils sont réellement, dans les universités ou sur des champs de bataille. Sommes-nous avec des étudiants ou des terroristes ?’’
A titre de rappel, disent-ils, quatre étudiants ont été tués en 2012 avec en prime une dizaine de blessés graves lors d’affrontements entre étudiants. Le mardi 23 janvier 2017, un étudiant du département d’Enseignement et de Recherche Etudes germaniques, a été assassiné par ses camarades. Sans être inquiétés, les assassins ont pris place dans la voiture à bord de laquelle ils étaient arrivés pour commettre leur forfait et sont repartis. La même année, un étudiant de la FDPRI est abattu par balle. L’année suivante, en Décembre 2018, un autre étudiant est assassiné, éventré par coupe-coupe dans la même faculté.
Plus grave, dénoncent-ils, à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako, un enseignant est molesté par un groupe d’étudiants armés de gourdins. A la Faculté d’Histoire et de Géographie, un étudiant a été froidement abattu par balle à bout portant le 4 juillet 2019 lors de l’élection des responsables de classes.
Dans la même Faculté, la même année, les étudiants, membres du comité AEEM, en grands maîtres, ont dérobé le plus gros des taureaux achetés par les enseignants pour célébrer la fête de Ramadan. Ils l’ont égorgé et ont partagé la viande entre eux. « Cette liste est malheureusement loin d’être exhaustive, Monsieur le Ministre », ont ils interpellé.
Autres barbaries, le lundi 12 octobre 2020, les membres du comité AEEM de l’IUG et de la FST se sont illustrés par des violences d’une extrême gravité avec encore l’assassinat d’un étudiant et plusieurs blessés graves.
En plus des tueries et coups et blessures, ajouteront les responsables, les agressions contre les enseignants sont monnaie courante. Le personnel administratif de l’USJPB a été agressé au nom d’un principe non écrit qui veut l’imposition du « droit de passage » pour les responsables du comité AEEM. Ces actions s’accompagnent généralement de la prise en otage des évaluations et des cours sous divers prétextes fallacieux.
À longueur de journée, les administrateurs au niveau des universités sont victimes d’insultes et de menaces des étudiants. Plusieurs enseignants et membres du personnel administratif et technique ont vu leurs véhicules endommagés du fait de la violence des étudiants, membres des comités AEEM : roues crevés, pare-brise cassé, etc.
Aux dires des responsables, ces actes inqualifiables font que les Enseignants, administrateurs et étudiants viennent toujours à l’université, angoissés. La violence est devenue un principe régulateur, une sorte de mode de gouvernance que l’AEEM veut imposer aux autres acteurs du système éducatif. Elle a pris des proportions très inquiétantes, avec des orientations mafieuses.
Toujours selon eux, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont devenus aujourd’hui, des espaces d’affrontements armés, des terrains de violence aveugle. Cette situation est bien loin des fonctions traditionnelles et essentielles de l’école qui sont la transmission du savoir, du savoir-faire et du savoir être, la préparation à l’exercice d’un métier.
C’est pourquoi, la situation chaotique interpelle tout un chacun. C’est fort d’une analyse lucide des questions de violence que les responsables des Institutions d’Enseignement Supérieur et de Recherche publiques, notamment des cinq universités publiques du Mali ont sollicité et encouragé le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, en collaboration avec ses homologues de l’Education Nationale, de la sécurité, de la justice et de l’administration territoriale, à prendre des mesures énergiques, rigoureuses et immédiates face à la violence dans l’espace universitaire.
Pour remédier à ce problème, les responsables de ces dits départements ont entre autre suggéré, la mise en œuvre des recommandations du forum sur l’insécurité dans les établissements scolaires et universitaires tenu en janvier 2018, notamment : La mise à l’écart de l’AEEM de la gestion des parkings, des résidences universitaires, et autres œuvres sociales universitaires, l’ouverture dans les meilleurs délais des postes de sécurité au niveau de la colline de Badalabougou.
A cela s’ajoutent à l’évacuation de tous les occupants non étudiants des résidences, la traduction en justice de tous les auteurs des récents crimes ; le suivi, le contrôle et l’application de ces différentes mesures par les autorités universitaires et les forces de sécurité et la mise en place d’une commission de réflexion sur les associations estudiantines.
Autres suggestions, la suspension de toutes les activités de l’AEEM dans tous les établissements scolaires et universitaires, au moins pendant la période de la Transition. Cette suspension devra être mise à profit pour engager une réflexion sur le syndicalisme estudiantin, l’accompagnement des élèves et étudiants dans la mise en place de nouvelles règles d’organisation et de fonctionnement de leur association, avec la participation de l’ensemble des partenaires de l’Ecole.
Ces mesures seront mises en place en urgence, concomitamment à la réflexion sur la refondation de l’Ecole malienne.
« Les signataires de la présente déclaration, en accord avec nos collègues et administrés, ont invité les hautes autorités de la Transition à répondre favorablement à cet appel pour l’Histoire » car, estiment-ils, l’éducation et violence ne pourront jamais marcher ensemble. « La refondation de l’Etat, que nous appelons de toutes nos forces, se réalisera d’abord à l’Ecole, une Ecole pacifiée, avec des étudiants disciplinés et studieux, soucieux de bien se former, pour eux-mêmes d’abord, leur famille et toute la Nation Malienne », ont-ils conclu.
Abdoul Karim Sanogo
NOUVEL HORIZON