Alioune Tine, l’expert indépendant mandaté par l’Organisation des Nations Unies (ONU), a rendu public, le 16 août dernier, ses conclusions sur l’état des droits de l’Homme au Mali, à l’issue d’une visite d’une durée de 15 jours au cours de laquelle il a rencontré plusieurs ministres du gouvernement malien ainsi que des représentants de la société civile et des diplomates. L’on retiendra essentiellement de ce rapport fait par le chargé de mission de l’organisation mondiale, l’augmentation des violences faites aux civils et la restriction des libertés civiques. Le même constat avait déjà été établi lors de visites précédentes de l’expert onusien et l’on peut dire, sans risque de se tromper, que les rapports sur les droits humains au pays d’Assimi Goïta se suivent et se ressemblent. Car, l’état des droits de l’Homme au Mali, ne cesse d’aller de Charybde en Scylla. En effet, au cours du premier semestre de l’année 2022, Alioune Tine a recensé 1304 atteintes aux droits de l’Homme, soit une hausse de près de 50% par rapport à la période précédente.
On peut trouver aux FAMa, des circonstances atténuantes
Et selon l’expert onusien, les premiers responsables de cette hausse vertigineuse des violations des droits de l’Homme au Mali, ce sont les groupes djihadistes qui ont, sans nul doute, repris du poil de la bête avec le retrait de la force Barkhane et les restrictions imposées à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Mais le Sénégalais s’inquiète aussi des accusations d’exactions visant l’armée malienne et ses supplétifs russes, censés pourtant protéger la population. « J’ai vu de mes propres yeux des victimes portant sur leurs corps, des traces de tortures atroces. En vue d’obtenir des aveux, les auteurs présumés de ces actes auraient soumis leurs victimes à des actes tels que la simulation de la noyade et auraient forcé d’autres à se coucher nues sur des tôles chauffées au soleil, avec comme effet pervers de brûler les victimes de manière atroce », a-t-il laissé entendre. Et pour dire vrai, l’on n’a pas de raisons particulières de douter de la véracité des allégations portées à l’encontre de l’armée malienne. En effet, il n’est pas difficile d’expliquer par des raisons objectives, le laisser-aller dont peuvent se rendre coupables les forces armées maliennes dans leur mission de défense et de sécurisation du territoire national. Car, payant un lourd tribut à la guerre, les forces de défense et de sécurité peuvent céder à la tentation des exécutions extrajudiciaires pour assouvir leurs instincts de revanche ou même recourir à la stratégie de la terreur à des fins dissuasives. Et il faut l’admettre aussi, nos armées africaines qui ont longtemps fait la pluie et le beau temps à travers les régimes d’exception, ne sont pas forcément bien formées au respect des droits de l’Homme, surtout dans le contexte sécuritaire actuel qui est celui du Mali. Pour toutes ces raisons, personne ne mettrait sa main au feu pour défendre l’armée malienne. Mais l’on peut tout de même trouver aux FAMa, des circonstances atténuantes. La première de ces circonstances atténuantes, est liée à la nature même de toute guerre.
L’autre tache noire, c’est la restriction des libertés civiques
C’est bien connu, il n’y a pas de guerre propre. Le crépitement des armes a toujours été accompagné de bavures avec leurs lots d’innocentes victimes. La preuve en est que les mêmes accusations sont portées à l’encontre des armées des pays voisins du Mali, en l’occurrence celles du Burkina Faso et du Niger qui se défendent comme elles peuvent dans cette guerre sans front ni visage. Le cas malien est même plus aggravé par la multiplicité des acteurs prenant part au conflit avec une difficulté réelle de faire la part des choses entre ceux qui agissent avec l’autorité de l’Etat et ceux qui usent du treillis malien comme d’une tenue de camouflage pour mieux assouvir leurs instincts criminels. L’autre tache noire du rapport relevée par Alioune Tine, c’est la restriction des libertés civiques. Et là aussi, l’expert onusien ne fait qu’enfoncer une porte déjà ouverte. Et les premières victimes de cette restriction des libertés, ce sont d’abord les hommes de médias ciblés par la censure et l’autocensure que les journalistes s’imposent par peur de représailles. Mais ce sont aussi les institutions et militants de défense des droits humains qui subissent, au quotidien, des menaces voire des agressions physiques de la part non seulement des autorités maliennes, mais aussi de leurs sympathisants fanatisés qui assimilent toute voix dissonante à une connivence avec l’ennemi. Mais du rapport fait par l’expert indépendant mandaté par les Nations unies, sur les droits humains, tout le tableau n’est cependant pas noir. En effet, l’homme se réjouit et salue les avancées réalisées pour le retour à l’ordre constitutionnel ; toute chose d’ailleurs qui a prévalu à la levée des sanctions économiques qu’avait imposées la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dans la même veine, Alioune Tine salue les efforts déployés pour l’application de l’Accord de paix d’Alger, dont l’un des pas importants franchis ces derniers temps, est l’intégration annoncée de 26 000 combattants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad dans les Forces armées maliennes (FAMa).
« Le Pays » BF