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VERITE-JUSTICE-REPARATION : quand un ancien esclavagiste demande pardon

justice

Je ne saisis pas le pourquoi. Mais un besoin pressant, me dicte de me mettre à genoux les doigts entrelacés et le front soucieux, grave et repentant: je dis : Pardon.

Au nom de qui je parle? Je ne sais pas. Je sens confusément qu’une multitude de mes semblables, sont là solidaires avec ma pensée et me disent : Dis quelque chose. C’est le moment.

J’ai vu mes jours couler entre mes doigts un à un, comme les grains de mon chapelet. Chaque jour qui passe semble me lancer un avertissement, un ultimatum sévère, qui s’amenuise implacablement: ‘Repends-toi, il est presque trop tard’.

Toute la vie, propulsé par mon orgueil, mon autosatisfaction et mon arrogance, je me suis amusé à dénaturer les équations que mon Seigneur avait posées minutieusement pour que l’entente, la justice et l’amour prévalent dans la partie du monde dans laquelle Il m’a permis de séjourner pour un temps bien précis.

Je me suis servi de Son message. Je l’ai traduit en ma faveur, pour réduire mes frères a l’esclavage. Mon Dieu m’a doté d’une force et d’une fortune, que j’ai malhonnêtement dépensées pour tordre Ses chemins et mépriser ses créatures. Je pensais bien agir, car convaincu, que j’étais d’une race supérieure, je ne pouvais prévoir qu’un jour, Celui qui m’avait tout donné au début, pouvait me déposséder de tout à la fin.

J’ai exploité mes frères, je les ai privé de ce qu’ils avaient de plus cher : leur liberté. Je les ai confinés dans l’ignorance et la misère, pour que jamais ils ne puissent m’égaler. J’ai joué sur la couleur de la peau, et la supériorité mensongère de la naissance, pour qu’à ma guise, j’élève qui je veux et rabaisse qui il me plait de tourner dans les troubles et la tourbe…

Qui pouvait se mettre sur mon chemin? Qui osait mettre en doute le dogme social, dont j’étais l’initiateur et l’unique référence? Qui pouvait me juger, alors que j’étais la seule autorité sur des immensités coupées du monde et du rationnel? Qui pouvait contrôler les entrepôts fournis de déséquilibres que j’avais édifiés?

Combien de fois je me suis approprié la virginité d’une jeune servante nubile? Parce qu’elle était ma chose, mon objet destiné à amuser mes caprices et ou à assouvir mes faims. Une sœur, entre mes mains, que j’ai trahie de la manière la plus ignoble et dans l’impunité la plus embarrassante. Combien de fois ai-je ligoté un esclave retissant, avant de l’exposer au soleil brulant sous les regards craintifs et soumis des siens et de ceux que je voulais intimider pour le reste de leurs jours?

Combien de fois j’ai eu à tripoter la logique, la morale, le religieux et le surnaturel, pour tisser des légendes qui chantent ma puissance, ma passion, ma grandeur et ma gloire, en vue de duper et d’anesthésier l’esprit de celui qui entend, et entraver la raison de qui essaye de comprendre? Combien de manèges et de pièges ai-je mis en place pour m’approprier la personne, son sang, son honneur et ses biens?

Ai-je fais quelque chose de mal ou commis un acte illicite? J’ai mon excuse, ma misérable excuse! C’est ainsi que les choses m’avaient été transmises de générations d’ancêtres, qui elles-mêmes les avaient héritées des leurs. Maigre consolation et futile alibi. Je l’admets. Je vous concède, mes regrettables, frères et victimes, que celui qui pardonne est bien supérieur à celui qui demande l’absolution de son péché.

En réalité le ‘noble’ c’est l’esclave et ‘l’esclave’ est le maitre. Esclave de son ignominie et de son égoïsme. Je souhaite que votre vengeance soit le pardon et l’oubli de cette sombre période. Il y va de notre avenir. Si j’ai été faible ou inconscient, j’espère que votre grandeur compense ma petitesse. Nous ne pouvons affaiblir notre existence commune par les deux sens.

Vous êtes braves, j’en suis témoin. Vous êtes bons, doux et généreux, vous avez été grands, quand mon aveuglement me poussait vers les petitesses. Je vous exploitais par mon ignorance et vous me serviez par votre patience et votre bonne nature. Votre humanité était la plus noble et votre fidélité, la plus grande.

Une phrase du calife Oumar, m’a torturé la conscience et trituré les méninges, plus que tout autre remord. Une phrase que je savais pourtant et que mon aveuglement m’avait fait négliger : ‘Depuis quand vous arrogez-vous le droit d’asservir les êtres, quand leurs mères les avaient mis libres au monde?’ Pauvre de moi, comme je mesure l’énormité de mes écarts. Je m’étais trop éloigné du chemin du Juste.

 

Je suis désolé pour la légende. Je suis profondément consterné devant cet état de choses dans lequel j’ai joué le rôle du méchant. J’ai édifié l’escroquerie et cru en elle, alors qu’elle me ruinait et me détruisait, plus qu’elle ne vous portait préjudice. Je me suis dévoilé dans la peau d’un monstre qui s’est détourné des belles choses de l’humanité, de la grandeur des vrais hommes et de la mission de vrais fidèles.

Apres Dieu, je vous demande Pardon. Je me demande pardon. Car le tort fait à moi-même est beaucoup plus important que ce qui est imaginable. Je veux claquer la porte au nez de mes mensonges et de mon arrogance, de mon égoïsme et de mon étroitesse d’esprit. Je voudrais m’intégrer à vous mes frères.

Vous servir, autant que je le peux, et autant que mes capacités de citoyen repenti le permettront. Je suis fin prêt à débourser la redevance. Je voudrais, que désormais notre balance tienne son équilibre sur trois mots : Vérité-Justice-Réparation.

A tous ceux qui préfèrent l’original aux versions falsifiées, a tous ceux dont la grandeur d’âme, a fait fi des miasmes de la haine, de la rancune, de l’intolérance, et de la discorde. Je vous adresse ces paroles sincères : aidez-moi. Je suis en convalescence de maladies terribles, qui ont ébranlé, voire détruit a demi, le socle de notre société.

On pourrait penser que je suis lâche. C’est une erreur de jugement. Ma pensée, ma hantise, et mon remord remontent à une époque bien plus ancienne. Au temps ou dans une fausse euphorie, je détruisais en toute inconscience, l’avenir de ces jeunes générations que je vois éparpillées, perdues, cherchant le secours et la pitié, auprès de toutes les instances.

Chaque jour que je me prosterne devant le Créateur, je le supplie, les larmes aux yeux, que les erreurs du passé soient un antidote et un vaccin efficace et puissant, contre les turbulences incertaines de l’avenir. Je sais que mon pardon requête, aura comme suite votre pardon généreux. Je sais que vous êtes magnanimes et braves. Vous êtes une entité de bien. Vos sentiments hospitaliers ont de toujours accueilli avec bonté et bienveillance, l’hôte du repentir.

 

A mon nom, au nom de tous ceux qui, comme moi, ont été cruellement mordu par ce sentiment de remord, de culpabilité, de la honte d’un acte ignoble accompli, je vous dis : Pardonnez-nous, nos frères. Comme vous, nous sommes des victimes. Des victimes coupables.

Tandis que vous l’avez été par notre bêtise et notre ignorance, nous l’avons été par la pratique de valeurs moyenâgeuses désuètes, auxquelles nous avons cru comme une seconde religion. Plus, elles ont éclipsé à nos yeux, les enseignements véritables de notre religion. Nous nagions dans un environnement mondial, qui a été toujours été marqué, par la loi de la raison du plus fort. La loi de l’exploitation des hommes par leurs frères.

Les termes comme ‘Haratin’, ‘Noir’, ‘Bidhane’, ‘M’alemin’, «Igawen» etc…, portent en eux le germe de la division et la consécration de nos différences. Bannissons-les pour toujours.

Nous sommes les fils de la même terre. Sous la peau éclaircie par la douceur d’un climat, ou tannée par l’ardeur d’une canicule, l’anatomie est exactement la même. Notre sang s’est formé à partir de mêmes éléments, produit de notre territoire. Nous respirons le même air. Où est la différence?

Mettons en quarantaine, ceux qui demeurent attachés aux sujets de notre division. Ceux qui continuent à chanter et à exalter l’esprit nauséabond du racisme, de l’esclavage, du tribalisme. Même enflammés, même puissants pour un temps, ils finiront par s’éteindre. Le feu se consume quand il n’a plus rien à ravager.

Formons la tribu des sans tribu, la race des sans racisme, l’ethnie des sans ethnocentrisme. Construisons la tribu qui n’a que trop tardé à voir la lumière: la tribu fière et forte du mauritanien. Nettoyons le visage de cette nation-princesse qu’Allah nous a donnée. Débarrassons la face de la Mauritanie de ces débris, amassés par les fautes de l’histoire et la bêtise des hommes.

Laissons notre pays se parer de ses atours magnifiques, de ses habits de vertu, de la beauté de ses principes, de l’amour de ses enfants, pour être la perle, qu’elle doit être, dans le festival du monde.

Nous la tribu des sans tribu. Nous les repentis des exactions du passé. Nous qui ne cherchons plus rien de plus urgent que de nous absoudre, avant la comparution devant le gouverneur de l’univers, nous vous tendons les deux mains pour vous dire:

«A nos frères, que nous avons tant peiné, Pardonnez-Nous. Donnez-nous l’occasion du rachat et le temps de la réparation.» Pour nos enfants communs. Inutile de porter vos plaintes ailleurs. Inutile d’aller plus loin. Ici, chez-vous, chez-nous, les choses ont changé, les choses ne peuvent que changer. Les choses ne se répéteront plus jamais…

Mohamed Hanefi.

Chef. Dép. de français. Koweït.

Source: Info-matin

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