Les moutons, en cette veille de Tabaski, sont de plus en plus « inachetables » en raison de leur coût incroyablement exorbitant. Pour de nombreux observateurs du secteur économique national, c’était bien prévisible.
Les problèmes multiples qui assaillent le secteur de l’élevage depuis quelques temps avec, en tête de peloton, l’inédite menace sécuritaire dans les régions à forte productivité bovine, présageaient bien de la difficile traite des moutons en cette approche de la grande fête.
Ce calvaire social en cette période de vaches maigres où l’écrasante majorité des Maliens tire le diable par la queue, donne déjà des allures sombres à la fête de Tabaski qui avance à grands pas.
Depuis quelques semaines, vendeurs et acheteurs de moutons se plaignent amèrement de la situation socio-économique qui prévaut dans le pays. Les vendeurs se plaignent en particulier des conditions de transport périlleuses du bétail. Pour faire déplacer, sains et saufs, les troupeaux de moutons vers leur lieu de vente, il faut réunir de grands moyens financiers pour assurer de meilleures conditions de sécurité au transport. Arrivés à destination, les commerçants se sentent obligés d’augmenter le prix d’un mouton pour engranger des bénéfices.
En plus, ceux-ci, pour la plupart, accusent les autorités gouvernementales d’avoir abandonné le secteur à toutes les crises qu’il traverse malgré son rôle économique essentiel à l’échelle nationale. Les promesses dernièrement faites par l’Etat en termes de politiques novatrices destinées au développement du secteur de l’élevage, n’ont nullement été tenues. Les mesures vétérinaires et autres commodités nutritionnelles promises aux éleveurs pour accroître la productivité, sont restées lettres mortes.
Depuis des années qu’une avalanche d’attaques jihadistes et interethniques ainsi qu’une vague de désastres écologiques sont en train de décimer les animaux dans les régions du Centre et du Nord, aucune mesure n’a été concrètement envisagée par les autorités locales et nationales pour enrayer cette double crise qui est une cause essentielle de la pénurie actuelle de moutons.
Aussi, l’exportation des moutons vers les pays limitrophes malgré leur quantité insuffisante au plan national, et contre laquelle pratique commerciale aucune mesure de restriction n’a été officialisée, s’ajoute aux nombreux facteurs à l’origine de cette crise inédite de mouton.
« Nombreux parmi nous, exportent leurs troupeaux de moutons vers les pays voisins, estimant qu’ils y feraient beaucoup mieux de profits qu’en les vendant au Mali. Au Sénégal où le mouton se vend triplement plus cher qu’au Mali, nombreux de nos collègues, notamment, ceux de la région de Kayes et Mopti, préfèrent y exporter leur bétail en espérant faire plus de chiffres d’affaires », a témoigné Mohamed Bocoum, commerçant de mouton en face du cimetière de Niamakoro.
« Nous qui avons plutôt préféré nous déplacer vers Bamako, nous avons été confrontés à de nombreux risques sécuritaires. Les frais de transport et autres dépenses nutritionnelles pour tenir les animaux en bonne forme, sans oublier les frais des services vétérinaires, nous obligent à faire grimper les prix pour ne pas aller en faillite. Mais, cela, très peu de clients le comprennent », a-t-il expliqué.
Quant aux acheteurs, ils se plaignent de la baisse du pouvoir d’achat et du manque de suivi des prix par l’Etat. « Depuis quelques années, nous sommes confrontés à la même situation. Presqu’à chaque Tabaski, ce sont les mêmes refrains qu’on nous chante alors que nous sommes appelés pays à vocation agropastorale », s’est plaint Amary Traoré, un acheteur venu se chercher un bélier.
« Qu’est-ce qui ne va donc vraiment pas pour que les choses ne puissent jamais s’améliorer ? », s’est-il interrogé, visiblement en colère contre la flambée des prix. L’on espère bien que les moutons vont baisser de prix, mais ce sera certainement après la fête.
Moulaye Diop
LE POINT DU MALI