A l’instar des autres pays de la sous-région, le marché pharmaceutique malien est confronté au phénomène des faux médicaments (contenant peu ou pas de principe actif). Un véritable fléau qui prend de l’ampleur car la vente de ces faux médicaments n’est plus le fait des seuls ‘’banabanas’’ mais, et pour notre malheur, elle devient aussi l’apanage de nombreux grossistes répartiteurs de médicaments et officines de la place. Nos sources sont formelles : ces ‘’assassins’’ assermentés savent bel et bien que les vrais-faux médicaments qu’ils importent sont dépourvus de tout principe actif mais ferment les yeux par cupidité. Quid des autorités compétentes ? Enquête !
Il ressort de nos investigations que de produits pharmaceutiques se vendent désormais comme n’importe quel produit commercial dans notre pays. Plus inquiétant encore : ces médicaments génériques importés par des trafiquants ou par les grossistes répartiteurs ne sont que de faux. Car ils contiennent peu ou pas de principes actifs pour pouvoir soigner les malades. Les principaux grossistes répartiteurs de médicaments agréés au Mali sont : Ubipharm, Laborex, Canned, Pharma Plus, Sopropharm (société indienne), Africalab et d’autres. A leurs côtés, des Officines privées et certaines grandes cliniques importent aussi directement leurs médicaments. Or cette importation est normalement soumise à des réglementations rigoureuses.
Au Mali pour être agréé grossiste répartiteur de médicaments, toute société doit au préalable fournir la liste de produits qu’elle veut importer. Y figurent les noms de ces produits, leurs caractéristiques. Avant toute importation d’un médicament, elle doit aussi fournir au préalable un échantillon dont la notice informe sur la composition de la molécule, la date de fabrication, la date d’expiration, de même que sa traçabilité. Cet échantillon est analysé par le Laboratoire National de la Santé (LNS) pour le visa. Le plus souvent lors de cette phase, les sociétés pharmaceutiques s’arrangent à être correctes.
Mais c’est une fois le visa obtenu que certaines d’entre elle s’adonnent à la fraude en important de faux médicaments qui proviennent pour la plupart des frontières guinéennes. A ce moment, le cordon douanier devient, grâce au concours d’agents véreux, complice des importateurs agréés de médicaments et des trafiquants. Lesquels inondent le marché pharmaceutique de notre pays.
Conspiration du silence
Ces produits qui ne sont le plus souvent que de faux médicaments (sans principes actifs) sont vendus dans nos officines, donc consommés par nos patients. D’après nos sources, des grossistes répartiteurs comme des officines s’approvisionnent directement dans de gros magasins de trafiquants de médicaments génériques d’origine indienne installés dans les marchés Dabanani et Dibida. Des magasins illicites bien connus de tous, y compris des autorités. Une conspiration du silence qui ne dit pas son nom ?
Quelques exemples illustratifs de cette supercherie à ciel ouvert dans notre pays. La spécialité de la Ciprofloxacine est vendue dans les officines à 2000 FCFA, elle est bien dosée et contient les principes actifs requis. Le prix officine de la Ciprofloxacine 500 mg gélules générique est de 750 FCFA la plaquette. Paradoxalement, l’on trouve le même produit, même lot de fabrication, même date de péremption, chez les vendeurs par terre (les banabanas) du Dabanani ou Dibida entre 175 et 200 FCFA la plaquette. Ces produits ne contiennent pas de principes actifs mais font l’affaire de certaines officines comme de certains grossistes répartiteurs.
Idem pour la plaquette de l’Amoxicilline 500 mg, dont la spécialité est cédée dans les officines ente 600 et 700 FCFA. Mais le même produit générique (DCI) d’origine indienne est vendu dans nos officines, entre 175 et 200 FCFA. Encore une autre bêtise : la spécialité Paracétamol plaquette de 10 comprimés (contenant bien les principes actifs) est cédée entre 175 et 200 FCFA.
Par contre le même produit générique d’origine indienne est vendu dans nos officines entre 40 et 50 FCFA. Il ne contiendrait pas de principes actifs. L’une des caractéristiques de ces ‘’poisons’’ réside dans la présentation de leurs boîtes ou notices : les fautes d’orthographes et de syntaxe.
Les Maliens ont-ils conscience du danger d’empoisonnement public auquel ils sont exposés voire victimes ?
Pourtant l’OMS, pour assurer l’approvisionnement continu de médicaments de qualité, a exigé que les pays sous-développés adoptent une politique nationale pharmaceutique comme partie intégrante de la politique sanitaire nationale. Ainsi se basant sur l’expérience de certains pays (Cuba, Tanzanie, Sri-Lanka, Mozambique) sur la mise en place de médicaments fondamentaux ou essentiels, l’OMS a soumis en 1975 un rapport à la 28ème Assemblée générale qui a abouti à l’adoption du Concept de Médicaments Essentiels.
A cet effet, le développement de chaque politique nationale doit couvrir trois phases principales : la formulation ; la mise en œuvre de la PPN ; le suivi-évaluation. Actuellement, cette politique pharmaceutique nationale (PPN) du Mali a favorisé l’existence d’un réseau communautaire de distribution de médicaments, l’existence du Laboratoire National de la Santé (LNS), la Direction de la Pharmacie et du médicament (DPM), le rétablissement de l’Inspection de la Santé et de l’Action sociale, la défiscalisation du médicament essentiel.
Il existe aussi la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM) pour coordonner les activités des acteurs du secteur pharmaceutique, définir la réglementation en matière de production, importation et de distribution des produits du domaine pharmaceutique, instruire les demandes d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) et les visas à l’importation.
Pour ce faire, il existe une commission nationale de visa. Celle-ci est chargée d’examiner le rapport des experts cliniciens, analystes, toxicologiques, pharmacologiques et biologistes. Ce rapport de synthèse doit faire ressortir tous les avantages et inconvénients des produits pour lesquels la demande est formulée ou de donner au ministre de la Santé un avis écrit et motivé concernant l’octroi de visa, le refus ou la suspension de visa.
Des mesures incitatives ont été prises pour favoriser la vente de Médicaments essentiels génériques (MEG) par le secteur privé. D’où l’apparition de Grossistes Répartiteurs Privés (GRP). Ces derniers devraient permettre à aider les structures étatiques pour un meilleur approvisionnement du pays en médicaments essentiels et dispositifs médicaux.
A toutes ces structures, s’ajoute l’Ordre National des Pharmaciens (ONP). Il a été créé pour veiller à l’application rigoureuse des principes d’éthique et de déontologie pharmaceutique, veiller à ce que tous ses membres adoptent les principes de moralité et de dévouement indispensables à l’exercice de la profession, et veiller à la formation professionnelle et à ‘information de ses membres.
Malgré toute cette batterie de structures nationales pour mieux réguler l’importation et la vente de produits pharmaceutiques au Mali, on assiste de plus en plus à la vente illicite de médicaments dont de faux médicaments. Les structures en charge de la réglementation des produits pharmaceutiques, les Douanes et les autorités politiques en l’occurrence le ministère de la Santé sont vivement interpellées. La population est aussi appelée à plus de discernement.
A suivre…
Gaoussou Madani Traoré
« Made in India » !
Des firmes pharmaceutiques indiennes fabriquent de faux médicaments qui sont déversés en Afrique. La preuve ? Entre 2018 et 2019, au Bénin, Sénégal, Nigéria et en Côte d’Ivoire, plus de la moitié de faux médicaments saisis sont d’origine indienne.
Le secteur de la Santé est pourri en Afrique en général et au Mali particulier. De plus en plus, les produits pharmaceutiques indiens se vendent dans la rue comme du pain et dans les officines à Bamako. Alors pourquoi prétendre lutter contre les médicaments de la rue lorsque le plus grand danger se trouve actuellement au niveau des Grossistes répartiteurs qui sont agréés pour vendre les produits pharmaceutiques ?
Cette situation nous interpelle tous, autorités comme simples citoyens. Puisque si nous ne sommes pas capables de bien gérer nos structures sanitaires, il va s’en dire que nous sommes d’accord pour absorber des poisons en lieu et place de vrais médicaments. Sinon comment se fait-il que plusieurs produits – dont plus d’une centaine de faux- se retrouvent aussi bien à Dabanani et Dibida que chez les grossistes officiels ?
Et le pire est que ces médicaments sont vendus dans les officines grâce à la complicité de certains fonctionnaires véreux du département de la Santé. Notamment de certains agents de la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM), du Laboratoire National de la Santé (LNS), de l’Inspection de la Santé et de l’Action sociale…
GMT
Source: Le Challenger