Dans les différents marchés de Bamako, les commerçants proposent divers articles et comptent faire un maximum de profits avant le jour de la fête.
Le marché est inondé d’articles de tous genres. Peut être pas de qualité. Mais qu’importe ! La veille des fêtes est un moment de faste pour les commerçants. Moment de bonnes affaires mais aussi moment de fatigue. «Mille autres comme moi font la même chose que moi. Regarde autour de nous, combien de personnes vendent des chaussures pour enfants ? Beaucoup !», fait remarquer le jeune Abdou, à peine majeur avec ses 18 ans au compteur.
Le marché Dabanani refuse déjà du monde. L’affluence est très grande. Il est pratiquement impossible de s’y rendre en véhicule. À pied déjà, c’est un parcours du combattant. Abdou, chemise froissée, pantalon Jean usé, est un dur à cuire. Il a juste fallu que je lui pose le regard sur sa charrette «pousse-pousse» pour qu’il ne me lâche plus d’une semelle. «Client, m’apostrophe-t-il, mes chaussures sont de qualité. C’est de l’original. Elles ne ressemblent même pas aux autres. Elles viennent de Shanghai. Or, les autres viennent de Chine».
Notre jeune commerçant m’arrache un sourire. Il ignore que Shanghai est la plus grande ville de Chine, sur la côte centrale du pays du Dragon. Mais la géographie n’est pas la tasse de thé d’Abdou.
Il ne faut donc pas lui en tenir rigueur. Son petit métier, c’est le commerce. Et dans ce domaine, il tire son épingle du jeu. N’est-ce pas le plus important ?
Téméraire, il ira jusqu’à me supplier de lui acheter une paire de chaussures. Il met malicieusement du sentiment dans les affaires. Il se rend vite compte que je ne suis pas perméable à son argumentaire. Et soudain, il actionne un autre levier : la langue.
L’accent du Nord que je tente de dissimuler pour être plus commun me trahit. Comme à chaque fois ! « Tu es koroboro?», me questionne-t-il. Sans laisser le temps de répondre, il fait remarquer que sa mère vient de Mopti et que lui-même y a vu le jour.
De 6.000 Fcfa, il finit par revoir ses prétentions jusqu’à 3.500 Fcfa. Il apprend à ses dépens que son client est un fin connaisseur de la chose marchande. Avec ce prix, il jure la main gauche sur le cœur et le doigt de l’autre pointé vers le ciel, qu’il est prêt à me vendre à perte sa paire de chaussures. En dépit de ces arguments commerciaux, il finit par céder la marchandise à 3.000 Fcfa.
La fin justifie les moyens, le plus important reste de faire un chiffre d’affaires. À deux pas de là, au bas d’un immeuble qui domine le marché, un autre vendeur ambulant me propose le même article à 2.500 Fcfa. Avec possibilité de marchander. Pendant ce temps, Abdou s’est fondu dans la foule à la recherche d’un autre client.
Les jeunes femmes monopolisent le marché des habits pour enfants. Tous les goûts sont servis. Assises sur des tabourets, elles se protègent du soleil par des hangars de fortune.
Dynamiques, elles n’hésitent pas à abandonner leurs marchandises aux mains de jeunes assistantes pour aller au contact des clients dès l’entrée du marché. C’est une véritable chasse aux clients.
À plusieurs centaines de mètres de là, s’étale le marché de «Sougouni Koura» (le nouveau petit marché). En vérité, ce marché n’a rien de petit. On y trouve un peu de tout. Korotoumou le fréquente depuis toute jeune. À 45 ans, elle connaît les moindres recoins de ce marché. Jadis, elle vendait les légumes. Cette semaine est aléatoire, selon elle. Les légumes sont périssables. «C’est pourquoi, je vends des parures pour enfants», raconte timidement la vendeuse à la rondeur bien prononcée.
À «Sougouni Koura», Korotoumou est facilement retrouvable par le diminutif «Koro». Elle peut rentrer tous les soirs à la maison avec un bénéfice de 5.000 à 7.500 Fcfa.
«En cette période de veille de fête, mes recettes peuvent grimper jusqu’à 30.000 par jour» avoue-t-elle fièrement. De cette enveloppe, elle défalque le prix de revient pour garder le bénéfice. Elle confie qu’elle aide son mari dans la prise en charge des besoins de la famille. Respectée chez elle, Koro est prête à se battre davantage pour garder l’estime de son mari.
N’en déplaisent aux organisations de lutte contre le travail des enfants. Dans nos marchés, les mômes se battent comme des diablotins. Petits commerçants de circonstance, les enfants se promènent dans les couloirs encombrés des étals avec des articles sur la tête. D’autres proposent de l’eau ou des amuse-gueules aux passants.
Dans tous les cas, le but est le même : trouver de l’argent de poche pour la fête. Cette débrouillardise est encouragée par certains parents.
Le jeune Sidiki est en terrain connu au marché de Médine. Il sillonne le marché en vendant de l’eau fraîche à 25 Fcfa par sachet. S’il arrive à écouler une centaine par jour, il empoche environ 250 Fcfa de bénéfice. De quoi faire son bonheur !
Ahmadou CISSÉ
Source: Journal l’Essor-Mali