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Un an truffé de scandales : Le plébiscite vire au cauchemar

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Deux mois seulement après sa prise de fonction à la tête de l’Etat malien (soit en novembre 2013), Ibrahim Boubacar Kéïta « attribue », en violation des règles des marchés publics, à un proche de la famille présidentielle, un contrat d’armement de près de 70 milliards de FCFA. Ce sulfureux marché donnait le ton d’une série de scandales qui vont ébranler la République au cours des douze premiers mois de gestion du président. L’achat d’un Boeing 737 à 20 milliards de FCFA, des liens supposés avec un parrain de la mafia corse, des dépenses de prestige engagées à la douleur du contribuable malien, etc. sont entre autres dossiers brûlants qui noircissent le bilan annuel d’IBK. Jamais, un régime au Mali, de Modibo Kéïta à Dioncounda Traoré, n’a connu autant de soubresauts en un si petit laps de temps que sous IBK. Pour le déshonneur du Mali ! Pour le malheur des Maliens. En somme, le plébiscite (plus de 77% des voix à la présidentielle) a viré au cauchemar.

 

 

Aujourd’hui au Mali, c’est une lapalissade que de dire que « la situation est grave », ou « le pays va mal », ou encore « nous nous sommes trompés de choix ». S’il y avait un supplice pire que l’enfer, nous aurions approché le qualificatif du calvaire que les Maliens vivent actuellement. Un vécu caractérisé par un marasme économique abracadabrant, une crise financière sans précédent, un chaos, si ce n’est un KO, social et des scandales à donner le tournis.

 

Justement à propos de scandales, ils se sont succédé comme au jeu à la roulette et s’avèrent plus sales et grossiers les uns que les autres.

 

108 milliards offerts à Sidi Mohamed Kagnassy

Sans être forcement la plus scandaleuse, la première affaire qui a éclaboussé l’An I d’IBK est extrêmement grave au vu de la violation flagrante des règles élémentaires en matière de passation des marchés publics en République du Mali. Il s’agit du contrat d’armement attribué à Sidi Mohamed Kagnassy, directeur général de la société Guo-Star SARL et promu aussitôt après conseiller spécial du président IBK. C’est un protocole d’accord relatif à la fourniture aux forces armées de véhicules et de matériel militaires. Ce marché de gré à gré, en date du 13 novembre 2013, porte sur un montant de plus de 69 milliards de FCFA (105 millions d’euros). Les signataires ? Soumeylou Boubeye Maïga et Sidi Mohamed Kagnassy, respectivement ministre de la Défense et des anciens combattants à l’époque, et directeur général de Guo-Star Sarl. Avec l’avenant, le marché a finalement porté sur 108 milliards de FCFA. Le fait que le marché soit attribué de gré à gré est un piétinement flagrant des principes élémentaires de passation de marché public. Mais, le ridicule était pour plus tard.

 

 

En effet, dans le même contrat, les Maliens apprendront que le ministre des Finances a couvert ce marché par une garantie de 100 milliards de francs CFA. C’est-à-dire, en français facile, que l’Etat a payé la caution de l’adjudicataire à sa place. Ce qui a provoqué l’ire du FMI qui a retiré le dossier du Mali à 48 heures de son Conseil d’administration qui devait statuer sur le dernier appui budgétaire. Du jamais vu, ni entendu, nulle part ailleurs. Aujourd’hui, des questions : d’où a été tirée cette somme mirobolante du contrat d’armement? Pourquoi ce marché a-t-il été attribué à Kagnassy, un ami de Karim Keïta ? Qui se cache dernière ce marché ? Les partenaires financiers demandent des comptes.

 

 

L’oiseau de malheur : l’avion de toutes les controverses

La maladresse du pouvoir dans l’opération douteuse de contrat d’armement n’avait pas fini de faire des vagues, que surgit l’affaire de l’achat d’un nouvel avion présidentiel. Malédiction ?

 

 

En effet, hors de toute inscription budgétaire, 20 milliards de francs CFA ont été sortis des caisses de l’Etat pour acquérir un Boeing 737 non encore immatriculé au compte du Mali, alors même que le pays dispose d’un avion présidentiel (Boeing 727) en bon état et dont l’assurance contractée auprès de l’assureur londonien, Allianz, avait été renouvelée jusqu’en 2015. Ni le gouvernement, ni l’Assemblée nationale, n’avaient été consultés pour l’achat de cet oiseau de malheur qui aurait été mis en circulation en 1999, pour 6000 heures de vol effectuées. Le peuple malien, n’en parlons pas.

 

Pour les Maliens et les bailleurs de fonds, c’est moins l’achat proprement dit de l’avion qui pose problème, que le contexte dans lequel il est acheté et les conditions douteuses de son acquisition avec des frais d’intermédiation exorbitants (environ 4 milliards selon certaines sources).

Effectivement, le Mali vit dans une crise politico-sécuritaire et économique depuis 2012 du fait du coup d’Etat et de l’occupation du septentrion par des terroristes djihadistes. La communauté internationale s’est mobilisée pour lui permettre de se débarrasser de ces extrémistes. Mais, la guerre n’est pour autant pas fini et l’intégrité territoriale est loin d’être recouvrée. Aussi, la crise a eu des répercussions profondes sur l’économie nationale, donc tous les secteurs socioéconomiques du pays.

Et, c’est dans ce contexte qu’IBK s’est offert le Boeing incriminé, pour son confort personnel et celui de sa famille.

 

Comme dans le contrat d’armement, dans l’affaire de l’oiseau de malheur également, il s’agit de plusieurs milliards dépensés pour satisfaire aux vœux d’IBK, qui, on le sait, a un goût immodéré pour le luxe, le pouvoir et les attributs du pouvoir.

Il n’en fallait pas plus pour irriter encore plus les bailleurs de fonds, fondamentalement le Fmi qui a saisi les autorités maliennes pour en savoir plus sur la provenance des ressources qui ont été injectées dans les deux affaires : contrat d’armement et achat de l’avion présidentiel. En attendant, le Fmi a suspendu son aide budgétaire au Mali, imité aussitôt par la Banque mondiale et l’Union européenne. Dieu sauve le Mali !

 

 

IBK, l’ami du « parrain des parrains »

Le président Ibrahim Boubacar Kéïta le reconnait, Michel Tomi est « son ami » et « frère ». Eh oui, Michel Tomi, un richissime corse et sulfureux homme d’affaires qui traîne un lourd passé étant condamné en 1976 dans une affaire de détournement de fonds dans un casino en France. La fortune de l’homme qui a implanté le PMU en Afrique et qui détient un casino à Bamako, fait l’objet d’enquêtes judiciaires.

Cette affaire a été révélée par le quotidien français Le Monde dans sa parution du 28 mars, justement au même moment où les scandales d’armement et d’avion faisaient rage. Le nom du président IBK est cité dans le dossier, créant l’émoi dans les milieux politiques, diplomatiques et administratifs maliens, et bien sûr au sein même de la population malienne.

 

Plus précisément, Le Monde révèle que deux juges et des dizaines d’enquêteurs sont aux trousses de l’homme d’affaires corse Michel Tomi, à la tête d’un empire industriel en Afrique, qui serait le dernier « parrain des parrains » français. Le journal poursuit que « l’’affaire risque même de provoquer de forts remous dans les milieux diplomatiques, avec la mise en cause pour corruption du président malien, Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK ».

 

 

Selon les informations du Monde, depuis le 25 juillet 2013, date de l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet de Paris pour « blanchiment aggravé en bande organisée », « abus de biens sociaux » et « faux en écriture privée », les juges Serge Tournaire et Hervé Robert enquêtent en toute discrétion sur Michel Tomi, son groupe industriel Kabi, mais également sur ses réseaux politiques. L’homme est soupçonné de blanchir en France une partie de l’argent gagné en Afrique. Et de financer des présidents africains parmi lesquels IBK, les présidents gabonais, Ali Bongo, tchadien, Idriss Déby Itno et camerounais, Paul Biya.

 

Plus tard, d’autres révélations jailliront que certains des voyages et séjours d’IBK, notamment à l’hôtel Royal Monceau (le prix négocié d’une suite présidentielle au Royal Monceau est de 12 millions de FCFA, la nuitée) et dans une clinique marseillaise ont été pris en charge par Michel Tomi et ses hommes, à qui des passeports diplomatiques maliens auraient même été délivrés. Aujourd’hui encore, le peuple malien attend que le président s’explique à propos de ses liens avec son ami, le « parrain des parrains ». Silence radio !

 

 

Décidément, une première année d’IBK pleine de scandales dont nous nous passons d’allonger la liste avec toutes ces autres dépenses de prestige engagées pour soigner la condition de vie d’IBK et de sa famille. En somme, le chef de l’Etat s’est surtout « auto géré », mais il n’a pas géré le Mali, en douze mois d’exercice du pouvoir.

 

Sékou Tamboura

 

SOURCE: L’Aube

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