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Un monde en crise a besoin de commerce et d’aide

L’article d’opinion conjoint de la Directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo‑Iweala, de la Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Rebeca Grynspan, et de la Directrice exécutive du Centre du commerce international, Pamela Coke‑Hamilton, apporte sa contribution à la crise mondiale actuelle. Au centre de ce moment que traverse le monde, le texte se penche sur le commerce et l’aide pour un apport efficient. Ainsi, un commerce écologique, inclusif et plus connecté est prôné. Des thématiques qui seront abordées lors du prochain Examen global de l’Aide au commerce, qui se tiendra du 27 au 29 juillet 2022 à Genève.

La période que nous vivons est la pire que l’économie mondiale ait connue depuis la création du système commercial multilatéral il y a plus de 75 ans. Le quadruple choc de la COVID, du changement climatique, des conflits et du coût de la vie a réduit à néant des années d’avancées durement acquises en matière de développement. Avec le durcissement des conditions financières, même des pays qui semblaient sur la voie de la prospérité et de la stabilité se retrouvent aujourd’hui dans l’abîme du surendettement, de la fragilité et de l’incertitude quant à leur avenir.

Une action multilatérale coordonnée est nécessaire pour faire face aux crises auxquelles nous sommes confrontés. L’aide et le commerce ont tous deux un rôle clé à jouer pour inverser les effets de ce quadruple choc et remettre le monde sur la voie de la réalisation des Objectifs de développement durable.

Nous dirigeons les trois agences internationales qui constituent la plate‑forme commerciale de Genève: l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Centre du commerce international (ITC). L’OMC établit et administre les règles du commerce mondial. La CNUCED effectue des recherches et œuvre à la formation de consensus pour guider les pouvoirs publics. L’ITC aide les petites entreprises à se mondialiser, en particulier les entreprises dirigées par des femmes et des jeunes entrepreneurs. Nous travaillons ensemble pour faire en sorte que le commerce contribue au développement.

Nous sommes toutes trois profondément engagées à assurer une prospérité fondée sur le commerce. Nous comprenons toutes trois qu’un monde en crise signifie que nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à agir comme si de rien n’était. Et nous voulons toutes trois que nos organisations « joignent le geste à la parole » pour que l’aide et le commerce profitent réellement aux gens.

Pour faire en sorte que l’aide et le commerce contribuent à un monde meilleur, les décideurs politiques doivent tenir compte de trois aspects fondamentaux.

Premièrement, il faut rendre le commerce plus écologique. Le commerce mondial peut jouer un rôle important dans la transition vers une économie sobre en carbone. Selon des recherches préliminaires menées à l’OMC, la suppression des droits de douane et des obstacles réglementaires au commerce pour un ensemble de biens environnementaux liés à l’énergie permettrait de réduire les émissions mondiales de CO2 de 0,6% en 2030, uniquement grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Il pourrait également y avoir des retombées positives liées à l’innovation et à la baisse des prix accélérant la transition vers des produits qui utilisent des énergies renouvelables à moindre intensité de carbone.

Deuxièmement, il faut rendre le commerce plus inclusif. Favoriser le développement des activités commerciales des petites entreprises et une plus grande participation des femmes et des jeunes rend les entreprises et les pays plus compétitifs, stimule la transformation économique et réduit la pauvreté. Pourtant, les enquêtes menées par l’ITC auprès des entreprises ont révélé que seule une entreprise exportatrice sur cinq était dirigée par une femme. Les données de l’OMC montrent que les micro, petites et moyennes entreprises représentent environ 95% de toutes les entreprises au niveau mondial mais seulement un tiers des exportations totales.

Troisièmement, il faut rendre le commerce plus connecté. Dans notre monde en réseau, l’avenir du commerce passe par les canaux et les plates‑formes numériques, en particulier pour les petites entreprises. Pendant la pandémie, nous avons vu comment le commerce en ligne était passé d’utile à essentiel à la survie. Les données de la CNUCED montrent que les services fournis par voie numérique représentent désormais près des deux tiers du niveau des exportations mondiales de services.

Ces thèmes seront abordés lors du prochain Examen global de l’Aide au commerce, qui se tiendra du 27 au 29 juillet à Genève.

Cet événement intervient un mois après le succès de la douzième Conférence ministérielle de l’OMC, qui a remis le multilatéralisme commercial sur la bonne voie et a abouti à un accord historique sur les subventions à la pêche, et deux mois avant la COP27 en Égypte, qui pourrait déterminer les chances mondiales d’atteindre l’objectif des 1,5° C.

Les données montrent des signes prometteurs indiquant que l’Aide pour le commerce s’oriente vers plus de durabilité, d’inclusivité et de connectivité. Les données de l’OCDE et de l’OMC indiquent qu’il a été versé un montant record de près de 50 milliards d’USD au titre de l’Aide pour le commerce en 2020, dont la moitié était liée au climat ou à l’égalité des genres, et un tiers était en faveur de l’économie numérique. Malgré les pressions budgétaires croissantes au niveau national, il est d’une importance capitale de maintenir et d’accroître ces flux d’aide pour le commerce.

 

Mis à part une orientation thématique plus marquée sur la durabilité, l’inclusion et la connectivité, l’optimisation de la contribution de l’Aide pour le commerce à la réalisation des Objectifs de développement durable exige une attention résolue sur les questions de savoir « où » et « comment » produire des résultats en matière de développement.

Cela signifie qu’il faut se concentrer sur les pays dont les besoins en matière de commerce et de développement sont les plus élevés – en particulier les pays les moins avancés et les pays fragiles/touchés par des conflits – et sur les initiatives régionales telles que la Zone de libre‑échange continentale africaine, afin de s’assurer qu’elles deviennent des tremplins vers l’établissement de chaînes de valeur régionales plus larges et plus inclusives et d’une croissance fondée sur le commerce.

Cela implique un partenariat entre les organisations internationales. L’OMC, la CNUCED et l’ITC collaborent déjà sur des initiatives telles que le Global Trade Helpdesk, qui simplifie les études de marché en regroupant les renseignements clés sur le commerce et les entreprises sur un portail unique, ainsi que sur le soutien aux pays exportateurs de coton en Afrique.

 

Dernier point, mais non des moindres, cela signifie qu’il faut mobiliser des financements publics et privés. La Société financière internationale (SFI) estime à 300 milliards d’USD le déficit de financement des femmes dans le monde, et le déficit de financement du commerce mondial a presque doublé par rapport au montant déjà stupéfiant de 1 500 milliards d’USD. Sans accès au financement, les entreprises ne peuvent se développer, se diversifier ou se formaliser.

 

Nous souhaitons terminer en lançant un appel à l’action. La création d’un avenir plus durable, plus inclusif et plus connecté est le grand défi de notre époque. Ensemble, l’aide, le commerce et le multilatéralisme font partie de la solution. Il est normal et compréhensible que les gouvernements agissent pour soutenir leurs propres économies en période de crise. Mais nous devons agir maintenant pour faire en sorte que les plus pauvres et les plus vulnérables du monde puissent encore trouver la voie de la prospérité grâce au commerce mondial.

Source : Journal du Mali

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