À la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien, des dizaines de migrants ont été chassés de Sfax (centre-est). Ces migrants subsahariens ont été conduits vers des zones frontalières inhospitalières et laissés sur place à la suite des violences survenues à Sfax. Cette situation survient après l’épisode sombre du mois de février dernier qui avait occasionné le retour forcé des milliers de migrants dans leurs pays d’origine.
Pour le cas des migrants maliens qui se trouvent dans ce pays, le ministre des Maliens établis à l’extérieur a déclaré avoir secouru dix personnes qui sont actuellement prises en charge par la mission diplomatique et que des dispositions étaient en cours pour leur rapatriement.
Dans un communiqué en date du mardi 11 juillet 2023, le ministre des Maliens établis à l’extérieur et de l’intégration africaine a indiqué que l’Ambassadeur du Mali en Tunisie avait secouru dix personnes qui sont actuellement prises en charge par la mission diplomatique.
Selon lui, des dispositions sont en cours pour leur rapatriement par le département, conformément à sa vocation d’assistance et de protection de nos compatriotes vivant à l’extérieur. Ce calvaire des migrants sub-sahariens en Tunisie fait suite à des affrontements ayant coûté la vie à un tunisien.
Depuis le début de ces violences, plusieurs centaines de migrants, abandonnés dans une zone désertique à la frontière avec la Libye après avoir été évacués de la ville tunisienne de Sfax la semaine passée, ont été mis à l’abri, le lundi 10 juillet, dans des villes du sud de la Tunisie. Mais les ONG s’inquiètent du sort de dizaines d’autres, repoussés vers la frontière algérienne.
« La totalité des 500 à 700 migrants qui se trouvaient à la frontière avec la Libye ont été transférés ailleurs », a déclaré à l’AFP Salsabil Chellali, directrice du bureau de l’ONG Human Rights Watch (HRW) à Tunis.
Pour Salsabil Chellali, de HRW, « c’est un soulagement de savoir qu’ils ont pu quitter la zone frontalière avec la Libye, mais de nombreuses autres personnes expulsées près de la frontière algérienne risquent leur vie si elles ne sont pas immédiatement secourues ». Selon HRW, elles seraient au moins 150 à 200 dans cette situation.
« S’il vous plaît, aidez-nous, si vous pouvez envoyer la Croix-Rouge ici, aidez-nous, sinon on va mourir, il n’y a rien ici, il n’y a pas à manger, il n’y a pas d’eau », a dit Mamadou, un Guinéen, par téléphone à l’AFP. Selon lui, ils sont une trentaine abandonnés à leur sort dans une zone désertique près du village algérien de Douar El Ma, à deux pas de la frontière tunisienne.
Dans un communiqué, l’organisation d’aide aux réfugiés Refugees International a dénoncé « les arrestations violentes et expulsions forcées de centaines de migrants africains noirs » à Sfax, soulignant que certains étaient pourtant « enregistrés auprès du Haut-Commissariat aux réfugiés ou ont un statut légal en Tunisie ».
L’Organisation mondiale contre la torture en Tunisie (OMCT Tunisie) a annoncé pour sa part avoir saisi le Comité des Nations unies contre la torture pour dénoncer le cas spécifique de « VF, un migrant d’origine subsaharienne déporté à la frontière entre la Tunisie et Libye le 2 juillet » après avoir été arrêté sans motif et « roué de coups avec une barre de fer dans des postes sécuritaires » à Ben Gardane (dans l’est du pays).
En effet, un discours de plus en plus ouvertement xénophobe à l’égard des migrants subsahariens s’est répandu depuis que le président tunisien, Kaïs Saïed, a pourfendu en février dernier l’immigration clandestine, la présentant comme une menace démographique pour son pays, en proie à une crise sociale et économique qui s’est aggravée depuis qu’il s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.
Rappelons qu’en février dernier, le chef de l’État tunisien en personne, Kaïs Saïed, avait franchi un dangereux cap dans la montée des discriminations en s’en prenant directement aux migrants subsahariens présents dans son pays, qui, selon lui, constituent une menace pour la Tunuisie.
En réaction, l’Union africaine (UA) avait rejeté ces propos et appelé ses États membres à « s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste, susceptible de nuire aux personnes ».
La situation avait été marquée par des arrestations arbitraires et systématiques, agressions verbales racistes sur les médias et les réseaux sociaux, menaces d’expulsions.
PAR MODIDO KONE
Source : Info Matin