Décidément, le ministre de la Justice est plus que jamais déterminé à mettre un terme aux excès pouvant troubler l’ordre public. De sources judiciaires, le prêcheur Bandiougou Doumbia était visé par la même plainte engagée par le Procureur Général près la Cour d’appel de Bamako, sur instruction du ministre de la Justice, contre le chroniqueur radio, Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, le 15 août 2016.
Dans le collimateur de la justice, Bandiougou Doumbia a eu la peau sauve grâce à l’intervention de certains leaders religieux. Selon nos sources, la non-interpellation du prêcheur, le même jour que celle de Mohamed Youssouf Bathily, s’est justifiée par le souci d’éviter une crise sociale à dimension religieuse. Car, explique-t-on, interpeller les sieurs Bathily et Doumbia le même jour aurait pu troubler l’ordre public, tout le contraire de ce que recherchent les autorités judiciaires.
C’est donc dire que c’est sur instruction du Garde des Sceaux que le Procureur général a ouvert une information judiciaire contre Mohamed Youssouf Bathily et une autre contre Bandiougou Doumbia. Et cela, dans le respect strict de la loi. Et, c’est soucieux du désordre qu’aurait pu causer l’interpellation simultanée des deux «Rasta» que les religieux ont plaidé en faveur du ‘’Rasta-prêcheur’’. Ils auraient tout de même indiqué qu’ils allaient lâcher M. Doumbia à la Justice en cas de récidive dans le comportement de ce dernier, lequel ne rime pas avec le sens de la responsabilité et de l’Islam. Tout en reconnaissant que leur condisciple a fait outrage à l’ordre public et porté atteinte à la pudeur; deux faits qui constituent des infractions à la loi.
Toujours est-il que le prêcheur qui se trouve aujourd’hui dans le collimateur de la justice devrait répondre aux mêmes charges retenues contre Ras Bath. Cette action judiciaire vise certains propos d’une rare violence, qui sont une offense à la pudeur, tant ils heurtent la sensibilité des particuliers qui en sont involontairement témoins et qui sont susceptibles de troubler l’ordre public et de causer un préjudice social manifeste, comme le rappelle le communiqué du Procureur général près la Cour d’appel de Bamako. En outre, ces propos constituent un «outrage envers les dépositaires de l’autorité ou de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions ». Pour les spécialistes du droit, le caractère excessif de ces propos est contraire à la loi et à la valeur humaine. Donc, une menace pour la quiétude sociale. Et cela n’avait que trop duré!
Soulignons que le prêcheur n’est pas à son premier dérapage. Pour rappel, dans l’affaire dite «Code de la personne et de la famille» en 2009, Bandiougou Doumbia s’était attaqué aux personnalités publiques, à commencer par le chef de l’Etat d’alors, en l’occurrence Amadou Toumani Touré, le Premier ministre Modibo Sidibé, le président de l’Assemblée nationale, Pr Dioncounda Traoré, les membres du gouvernement, les députés et même certains leaders de la société civile. Sa dernière forfaiture remonte à deux mois, contre Ras Bath. Son show médiatique n’a épargné ni ce dernier ni ses parents, encore moins les citoyens lambda qui ont eu le malheur de tomber sur son intervention sur les antennes d’une radio de la place. Même IBK en a eu pour son compte. Car il accusait ce dernier d’avoir livré son aîné, le Premier ministre Modibo Keïta, à un jeune « drogué » qui l’insulte tous les jours. « Je ne peux pas comprendre qu’on nomme un Premier ministre et le laisser se faire insulter par un jeune comme Ras Bath», mettait-il dos à dos ces deux hautes autorités. Voici un comportement auquel le ministre de la Justice s’oppose farouchement dans le respect strict de la loi. Pour Me Mamadou Ismaël Konaté, il faut éviter que ces comportements excessifs fassent des émules dans notre société déjà éprouvée par des leaders peu recommandables.
Conformément aux principes de la communication, un son, une image ou un écrit doit répondre impérativement à des règles. Donc, le caractère excessif d’un propos, d’un écrit ou d’une image peut faire l’objet de poursuite sur la base des dispositions du droit commun. C’est pourquoi, les organes de presse sont obligés de déposer leurs écrits au bureau du Procureur pour éviter toutes poursuites préalables. Les radiodiffusions et les télévisons sont astreintes aux mêmes règles. Selon nos sources, on ne peut faire de reproche à une enquête ou une poursuite lancée seulement à la 21ème fois de la commission de l’infraction au nom de ce que 20 fois on n’a pas été poursuivi.
Pour nos interlocuteurs, il est inadmissible de laisser prospérer certaines pratiques à caractère excessif dans un Etat de droit comme le nôtre. Aujourd’hui, le Mali a besoin d’une justice au service de la morale et de la valeur humaine, argumentent-ils.
Pour nos sources, l’excès dans lequel ont versé ces deux personnes a pris une dimension inacceptable. Il est inadmissible de mettre en cause les forces armées en situation de guerre. «Il y a des symboles qu’il faut protéger. Ce comportement est contraire à la pudeur, donc une menace pour la quiétude sociale. Imaginons l’état d’esprit, le sentiment, la situation globale d’un père, d’une mère, d’une épouse, d’un fils de soldat en opération périlleuse à Nampala, Mopti, Gao Tombouctou, etc. qu’ils entendent dire que leur fils n’a aucun mérite national et que les vivants sur le théâtre de l’opération doivent laisser tomber les fusils et tourner le dos au territoire national. Ce n’est pas en période de guerre qu’il faut critiquer les militaires. Les meilleures chroniques sont celles qui respectent l’opinion et les observations des autres. La chronique n’est pas un monologue», s’indignent-ils.
Nos sources ont été on ne peut plus claires. «Le ministre de la Justice est plus que jamais déterminé à mettre fin à certaines pratiques contraires à la loi. L’arrestation de Ras Bath n’est que le début du commencement. Les jours à venir, le ministre donnera des instructions pour l’ouverture de plusieurs informations judiciaires portant sur l’armée, les dossiers de corruption dans les services de contrôle de l’Etat (la Centif et le bureau du Vérificateur général), l’insécurité routière et toutes autres formes de violence, y compris les violences conjugales», ont-ils conclu.
Nouhoum DICKO
Source : Le Prétoire