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Tribune : Nos libertés démocratiques en danger

Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir en 2020, les libertés fondamentales acquises au prix du sang s’évaporent à mesure que dure la Transition. Cela, avec la complicité de certains responsables politiques au pouvoir. Le report de la marche pacifique et républicaine de la Cmas du 13 octobre est un coup de crosse à la liberté d’opinion.

Le report de la marche initiée par La Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (Cmas) est l’un des symptômes d’une privation générale d’une catégorie de la population malienne à son droit d’expression, d’opinion et d’association. Pourtant dans son article 14, la nouvelle Constitution concoctée par les autorités de Transition garantit ces libertés, aujourd’hui menacées.

On a assisté ces derniers jours à un déchainement impressionnant des créateurs de contenus à la solde d’acteurs politiques (proche du gouvernement) qui profèrent des contenus haineux, intimidants et injurieux à l’encontre d’une autorité morale et religieuse du pays et de tous ceux qui seraient tentés de marcher pour réclamer leurs droits. Tout citoyen malien a le droit d’inspirer et revendiquer l’organisation des élections et la mise en place d’un gouvernement civil après 3 années de Transition.

Certes les autorités n’ont pas formellement communiqué. Mais dupe serait celui qui estimerait qu’ils n’y sont pour rien dans les prises de parole hostiles des “pseudo activistes” qui ne cessent ces derniers jours de diffamer l’imam Dicko et d’intimider ceux qui seraient tentés de suivre la Cmas, les accusant de complotisme. Certains journalistes laissaient entendre que les marcheurs seront arrêtés et extradés vers Kidal.

Que devient la loi au Mali ? Pourquoi les autorités judiciaires qui ne ratent guère l’occasion d’arrêter artistes et comédiens au nom de la loi sur la cybercriminalité, pour arrêter ceux qui aujourd’hui diffusent propagande, mensonge et propos haineux ? A moins que le gouvernement ne partage cette intention d’arrêter les manifestants, étant donné l’absence de tout démenti.

Un pays clivé, des citoyens hostiles à la critique

Les autorités en place ont surfé sur la nullité incroyable de la classe politique pour installer un système binaire au sein de la population. La neutralité n’existe plus. La population est clivée entre deux camps, les “pro et anti-Transition”.

Les derniers sont identifiés comme des traitres et osent difficilement extérioriser leur point de vue. Leur liberté d’opinion n’a plus la même valeur que ceux qui soutiennent le pouvoir. Le constat est malheureux, les propagandistes du régime ont enterré la contradiction en intimidant et injuriant tous ceux qui ne pensent pas comme eux. “Nous ne pouvons ni publier nos convictions, ni partager celles auxquelles nous adhérons au risque d’être arrêtés”, me confiait hier un ami journaliste. “Les autorités nous exigent une couverture patriotique de l’information”, dira-t-il.

La grande majorité de ceux qui soutiennent les autorités de Transition est aveuglée par un sentiment surévalué de patriotisme qui crée en eux, le doute sur le patriotisme de ceux qui osent critiquer ne serait-ce qu’un membre du pouvoir en place. On se croirait dans la République de Tunturu dans le célèbre pays imaginaire Fatôbugu. Nous devons savoir accepter la divergence des opinions, le pays n’est pas unipolaire. Vos convictions demeurent des subjectives qui peuvent vous pousser à la faute.

La censure est galopante, tout le monde craint de placer une phrase qui pourrait être mal placée. Ceux qui ont osé la critique, ont quitté le pays pour ne pas rejoindre d’autres orateurs en prison en attente de procès depuis plusieurs mois.

Aujourd’hui journalistes, chercheurs, politiques, presque personne ne risque de s’exprimer sur certains sujets. “Si vous parlez, ils ont des lois sur mesure pour vous arrêter”, disait Issa Kaou n’Djim, l’un des meilleurs orateurs et bêtes de la scène politique de ces dernières années. Il n’a malheureusement su cette évidence qu’après son abandon en plein vol par les autorités de Transition.

Que craignent les censeurs ?

En cette période de Transition, la parole devrait être accordée à tous les citoyens afin qu’ils exposent leurs visions du Mali nouveau dont espère tout le monde. Si vous vous réjouissez de la censure de l’autre, sachez qu’un jour vous n’échapperez pas à cette censure. Les défenseurs des libertés, les défendent pour tous, pour même ceux qui veulent les tuer.

C’est cela, l’acceptation de l’autre. On ne sera plus intelligent dans la refondation du pays que lorsqu’on accepte d’écouter les autres pour repenser ensemble ce qui nous oppose.

En réalité, les autorités en place craignent la force de frappe de l’Imam Dicko. Car c’est en partie et surtout à cause de l’influence de ce dernier que l’ancien président a perdu son pouvoir. Ce qui a permis la montée en puissance de ceux qui aujourd’hui veulent le soumettre au silence.

S’il n’a plus aucune influence comme vous le prétendez, laissez-le organiser sa manifestation pacifique. Le peuple sera témoin de sa popularité ou de son déclin politique.

Ayouba Sow

Enseignant-chercheur à l’Ucao-UUBa et à l’Université Clermont Auvergne

Mali Tribune

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