L’arrivée du M5-RFP aux responsabilités gouvernementales, notamment la présence d’un des siens à la Primature, coupe manifestement le sommeil à une bonne partie de la classe politique. Celle-là qui avait méprisé le combat du M5-RFP contre les dérives du pouvoir IBK, en soutenant le Roi Fainéant ou en se vautrant dans l’attitude stérile du spectateur du mouvement populaire. Les moins scrupuleux ont vite fait le siège de la junte au lendemain du 18 août 2020 pour offrir leurs services aux nouveaux maîtres de Kati, toute honte bue.
Ces irréductibles adversaires du M5-RFP n’ont pas hésité à enfoncer un coin entre le mouvement et les militaires dans le but évident de se protéger en protégeant les arrières du régime IBK. La nomination de Bah N’Daw, Président de la Transition et Moctar Ouane premier ministre a fini de convaincre la « fameuse » classe politique de sa bonne étoile.
Deux célèbres inconnus au bataillon de la lutte venaient de rafler la mise de quatre mois de mobilisation de centaines de milliers de Maliens, avec pour conséquence le refus catégorique du M5-RFP de cautionner l’imposture en se retirant des combinaisons politiques. Les partis signataires qui donnent aujourd’hui des leçons de « bonne transition » n’ont pipé mot des neuf mois perdus avec Moctar Ouane très clairement dépassé par les exigences de sa fonction.
Jamais, personne n’a vu les leaders signataires de la déclaration en rangs d’oignons pour demander au duo Bah N’Daw-Moctar Ouane de se délester des idées farfelues comme les Assises de l’éducation que le Mali n’a eu de cesse d’organiser avec des conclusions moisies dans les tiroirs. Personne de la « classe politique » n’a levé le petit doigt pour dire à Ouane que les « choses sérieuses » devaient attendre la fin de la Transition et l’avènement d’un nouveau pouvoir issu des urnes.
Au demeurant, l’équipe de Choguel n’a jamais prétendu qu’elle fera le Mali en huit mois mais qui peut lui dénier le droit d’aspirer à poser les pierres d’angle de l’édifice à rebâtir ? Les signataires de la déclaration sur la Transition instruisent donc un procès en sorcellerie qui dit à la fois une frustration et une peur. Frustration d’être passé à côté du mouvement le plus populaire, par sa taille, dans l’histoire politique du Mali (même si le gain politique ne le reflète pas), mais aussi peur de voir se mettre en place des mécanismes de contrôle plus rigoureux, notamment en matière électorale pour éviter le ridicule de ces élections de 2018 et d’autres où un village entier de 525 électeurs (personne n’a manqué à l’appel) où tout le monde (pieux mensonge et vraie fraude) a porté sa voix sur un candidat nommé IBK). La Transition n’a aucun intérêt à jouer inutilement la montre, mais personne ne la fera courir pour ses seuls intérêts mesquins. Si les uns et les autres avaient mis la même ardeur à défendre la démocratie quand Manassa Danioko de la Cour constitutionnelle la mettait à mort, si le RPM avait eu le courage de dire à IBK qu’ils n’ont pas conquis le pouvoir pour le livrer aux turpitudes d’une famille, le conglomérat des partis signataires n’aurait aucune raison de jouer les alarmistes aujourd’hui. La mansuétude à l’égard du gouvernement Ouane devrait inciter les uns et les autres à être moins sentencieux avec celui de Choguel en dépit du ressentiment à peine voilé contre le M5-RFP.
La Transition réussira parce que c’est une question d’honneur pour toutes les parties prenantes, à commencer par le Mouvement du 05 Juin. La Transition doit réussir parce que c’est l’intérêt du Mali, qui n’aura pas une chance infinie pour se permettre de gaspiller des occasions.
La Transition doit réussir aussi et surtout dans l’intérêt des militaires qui seront également comptables du bilan. D’ailleurs, les signataires de la Déclaration, avec un art consommé de l’esquive, se gardent soigneusement de la moindre allusion à la junte en concentrant le tir sur Choguel et son gouvernement.
Pour une transition réussie, chacun doit… réussir à garder son calme !
Bakary Diarra in Refondation du Mali
Source: L’Aube