Dans les salons feutrés de Bamako, l’on s’étouffe d’un mélange de rage et de dérision devant les déclarations faites par le président IBK et son fils Karim Keïta, non moins président de la Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée nationale, relativement aux hélicoptères Super Puma acquis en 2017 et déjà inutilisables.
C’est le premier nommé qui en a fait la révélation dans son interview de début juillet à Jeune Afrique dont le tollé suscité dans bien des compartiments de la société malienne n’est pas près de retomber. Il y disait ceci : » Nous avons acquis auprès de la France deux hélicoptères Puma qui sont cloués au sol faute de maintenance appropriée« .
Quelques jours plus tard, comme poussé par un irrésistible besoin d’en rajouter, l’honorable élu en commune 2 du district affirme, lors d’une conférence organisée par la Coordination des Elus français d’origine malienne (CEFOM) autour du thème : » 7 ans après Serval, où en sommes-nous ? » : » Les hélicos que nous avons achetés ne peuvent plus voler. Je me demande si l’on n’a pas été floué« .
Ce double aveu est pour le moins inattendu de la part de personnes occupant des fonctions stratégiques dans « un pays en guerre » comme IBK donne la fâcheuse impression de le découvrir dans l’interview citée. En effet, lui d’abord, son fils ensuite sont censés savoir que dans la situation de détresse où se trouve le Mali, ils n’ont pas droit à l’erreur, s’agissant d’acquisition de matériels de guerre. Celle-là peut être fatale. A tout le moins constituer un facteur aggravant.
Les chefs militaires ont conseillé l’acquisition d’hélicoptères parce qu’ils sont le mieux adaptés à la traque des terroristes dans l’environnement où ils évoluent. Au final le choix s’est porté sur deux Super Puma d’occasion. L’un a coûté 3,87 milliards F CFA auprès d’Airbus Hélicoptères. L’autre sera acheté à 3,46 milliards F CFA auprès d’une société irlandaise. Un troisième marché, ayant trait à la fourniture de pièces de rechange, à la formation et à l’assistance technique, est passé auprès d’Airbus Hélicoptères pour 3,9 milliards F CFA.
Plusieurs anomalies rendent ces transactions suspectes.
Le choix du Super Puma à une période où il sortait d’une interdiction de vol prononcée par l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) après un accident mortel au Japon qui a confirmé son manque de fiabilité.
Le versement en espèces sonnantes et trébuchantes des 3,46 milliards FCFA pour l’hélico » irlandais« . Ce qui constitue une infraction criminelle au regard des normes internationales.
Le caractère » illisible » du contrat de 3,9 milliards FCFA conclu avec Airbus Hélicoptères.
A l’évidence les acheteurs maliens ne se sont pas préoccupés de s’entourer sur de juristes confirmés- il en existe- pour se protéger d’éventuelles arnaques qui ne sont pas rares sur le marché de l’occasion.
Le président du Mali et celui de la Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée nationale n’ont pas été vigilants également dans le dossier de l’acquisition des avions de chasse brésiliens Tucano. Des informations non démenties à ce jour ont indiqué qu’à la commande ce sont six appareils de ce type qui ont été négociés pour 51 milliards FCFA mais seuls quatre ont été réceptionnés pour 53 milliards FCFA décaissés par l’Etat malien.
Où sont passés les deux aéronefs manquants et qu’a-t-on fait des deux petits milliards FCFA arrivés en sus ?
Ces affaires de Super Puma, Tucano rappellent celle de l’avion présidentiel qui a défrayé la chronique aux premières heures de l’ère IBK. A-t-il coûté 15 milliards, 21 milliards ou seulement 7 milliards FCFA ?
Pour faire œuvre d’utilité publique et mériter les millions controversés qu’ils perçoivent à la faveur d’une double prorogation inconstitutionnelle de leur mandat, les députés ont le devoir de mettre en place une commission d’enquête parlementaire aux fins de tirer au clair tous ces dossiers.
De son côté, la justice qui, à travers ses deux plus puissants syndicats, s’irrite des attaques de corruption dont elle fait l’objet, tient là l’occasion de montrer qu’elles ne sont pas fondées.
Saouti HAÏDARA
Source: l’Indépendant