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TRAITEMENT DE LA COVID-19 : Pourquoi la polémique sur l’usage de hydroxychloroquine doit interpeler les décideurs africains

La polémique sur l’usage de hydroxychloroquine (associé à l’azithromycine) ne cesse de s’enfler sur fonds sans doute d’enjeux financiers faramineux. Associé à un essai clinique dans lequel l’hydroxychloroquine et l’azithromycine guérissaient 90% des cas de Covid-19 s’ils étaient testés très tôt, le Pr. Didier Raoult est devenu la cible à abattre de l’industrie pharmaceutique blottie derrière des dirigeants politiques. Et cela malgré que les premiers tests massifs soient au cœur de la réussite de la stratégie sud-coréenne. Ce débat peu équilibré entre les gains financiers et la réalité doivent surtout nous interpeller en Afrique, particulièrement au Mali, où la nivaquine a été utilisée pendant près d’un siècle comme principal remède (préventif et curatif) du paludisme. Pourquoi les Occidentaux, pendant des décennies en Afrique, ont fermé les yeux sur l’usage d’un médicament qu’ils jugent aujourd’hui « toxique » ?

 

L’antipaludéen, chloroquine, et l’un de ses dérivés (l’hydroxychloroquine), ont des effets secondaires graves, a averti le 23 avril 2020 l’Agence européenne des Médicaments (EMA). Elle se joint ainsi à la polémique qui a pris la forme d’un « concert d’inquiétudes » autour de ces traitements.

Pour l’EMA (basée à Amsterdam, en Hollande), les effets bénéfiques de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine (qui comptent parmi leurs principaux partisans le président Donald Trump et Pr Didier Raoult) n’ont « pas encore été démontrés ». « De récentes études ont fait état de problèmes graves et, dans certains, cas fatals de rythme cardiaque avec la chloroquine et l’hydroxychloroquine, notamment prises à forte dose ou en combinaison avec l’antiobiotique azithromycine », a poursuivi l’EMA dans son communiqué.

Ces traitements, selon l’agence, sont également susceptibles de causer des problèmes de foie et de reins, d’endommager des cellules nerveuses pouvant provoquer des convulsions et une hypoglycémie. Pour l’EMA, les données issues d’études cliniques de ces traitements sont « encore très limitées et peu concluantes et les effets bénéfiques de ces médicaments sur la maladie Covid-19 n’ont pas été démontrés ».

Et curieusement, la chloroquine et dérivés (nivaquine) constituent la thérapeutique spécifique principale de l’accès palustre depuis le début des années 1940, surtout en Afrique.  La chloroquine (ou chloroquinine) est un antipaludique de la famille des aminoquinoléines qui a été largement commercialisée sous forme de sels (sulfate ou phosphate). Avec la quinine (dont elle est un substitut synthétique) et l’hydroxychloroquine (une molécule qui lui est proche), elle est le traitement (préventif et curatif) qui a été le plus employé contre le paludisme.

Elle est aussi très utilisée contre des maladies auto-immunes telles que le lupus et des maladies rhumatoïdes telles que la polyarthrite rhumatoïde. Ce médicament montre in vitro des effets antiviraux, mais qu’on n’arrive pas ou mal à reproduire in vivo.

Entre effets secondaires transitoires et nocivité

Selon des médecins traitants, ses effets secondaires sont le plus souvent légers et transitoires. Tout comme, dans certains ou chez certaines personnes, ils peuvent être graves. « La dose thérapeutique est proche du seuil de toxicité. Le surdosage induit notamment des troubles cardiovasculaires graves et potentiellement mortels », nous explique Dr Baba Diarra, médecin dans une clinique privée de la capitale.

« Je me rappelle dans les années 80, j’ai fais une très grave crise de paludisme. Et mon médecin, une Française, m’avais prescrit jusqu’à 8 comprimés de nivaquine à prendre trois fois (24 comprimés au total) dans la journée. Mais, au bout de trois jours, tout mon corps était couvert de boutons l’obligeant à réduire le nombre de comprimés par prise », témoigne une consœur qui nous a interpelé par rapport au débat actuel sur la chloroquine et ses dérivés.

Dans le monde, la chloroquine est de moins en moins utilisée au profit de l’hydroxychloroquine qui est deux à trois fois moins toxique et mieux tolérée à dose élevée. Et pourtant, il a fallu attendre 2020 et voir la chloroquine figurer parmi des médicaments testés contre le COVID-19 pour assister à un lever de boucliers contre ce traitement.

Curieusement, la quinine ou la nivaquine, la chloroquine… (je ne sais quoi d’autres) a été utilisée en Afrique pendant près d’un siècle sans que personne ne bronche en Occident. Et on ne peu pas malheureusement dire que c’était par méconnaissance de ses effets. Sa toxicité aiguë et chronique est en effet citée par des études médicales dès les années 1940. Et dès les années 50, ses effets nocifs ainsi que ceux de ses dérivés et spécialités commerciales ont été peu à peu précisés.

Et cela même s’ils concernent notamment les usages autres qu’antipaludéens (anti-inflammatoire, antiviral), souvent chroniques et où les doses sont plus élevées. « Ces traitements induisent un cumul de doses dépassant celui des thérapies antipaludiques », nous ont indiqué des spécialistes. Les effets toxiques incluent des réactions neuromusculaires, auditives, gastro-intestinales, cérébrales, cutanées, oculaires, sanguines et cardiovasculaires.

Même si les premières chloroquino-résistances datent des années 60, ce n’est que dans les années 90 que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réellement prôné réellement son retrait du marché. Un choix que le Mali a fait en juin 2007. Une option que les autorités sanitaires de l’époque ont expliquée par la multiplication des foyers de résistance à la chloroquine.

Ce qui aurait contraint notre pays, en 2005, à réviser sa politique nationale de lutte contre le paludisme. C’est ainsi que les Combinaisons Thérapeutiques à base d’Artémisinine (CTA) ont été introduites dans les formations sanitaires publiques en juin 2007.  Et cela sur recommandation du comité technique du Programme de Développement Sanitaire et Social (PRODESS I et II, 1998-2007, puis prolongé pour 2011) qui exhortait les autorités sanitaires à une adaptation de la politique au nouveau contexte.

L’OMS a retenu les CTA du fait de leurs nombreux avantages, notamment une guérison clinique et parasitologique plus rapide, une bonne tolérance, leur facilité à être déployées dans les villages. Ces « atouts » qui constituaient la nouvelle option pour le traitement du paludisme non compliqué. Avant le Mali, plusieurs pays avaient démarré le processus de vulgarisation des CTA.

Mais, curieusement, ce n’est que le 13 janvier 2020 que le ministre français de la Santé (Agnès Buzyn) a classé la chloroquine comme « substance toxique » et qui n’était désormais uniquement disponible que sur ordonnance.

Une décision étonnante, étant donné qu’elle était vendue sur étagère en France depuis un demi-siècle. La peur de l’automédication à grande échelle contre le Covid-19 justifie-t-elle à elle seule cette décision politique ?

Moussa Bolly

LE MATIN

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