Dans un courrier confidentiel datant du 24 février dernier, le ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, Chargé de l’Accord pour la paix et le réconciliation nationale, en l’occurrence le colonel-major Ismaël Wagué s’explique au sujet de l’épineuse question de retour de la paix au Mali. Dans un langage véridique, franc et sans équivoque, le chef du département s’adresse au chef de file de la Médiation internationale.
Le courrier confidentiel comporte des observations sur le rôle de la médiation internationale et les cas de violations par certains mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Dans ce document de quatre (4) pages, le responsable malien fait des confidences au ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’Etranger de la République démocratique et populaire de l’Algérie, non moins chef de file de la Médiation internationale en matière du fameux Accord d’Alger. Il regrette des violations répétitives et précise que le « gouvernement malien, sous l’impulsion du président de la transition, le colonel Assimi Goïta, est attaché au processus de paix engagé depuis la signature de l’Accord ».A cet effet, témoigne le ministre, de nombreux efforts ont été déployés par le gouvernement malien pour la mise en œuvre de cet Accord. L’engagement du Mali à mettre en œuvre cet Accord s’est, rappelle-t-il au chef de file de la Médiation internationale, traduit par l’implication des mouvements signataires de l’Accord dans la désignation du Président de la transition, la nomination de leurs responsables au sein du Gouvernement et au sein du conseil national de transition (organe législatif). Ces responsables (des mouvements signataires) ont été systématiquement consultés et associés à toutes les étapes majeures de la vie de la nation malienne, notamment lors des Concertations nationales, les Assises nationales de la refondation, la rédaction du projet de la nouvelle constitution et sa finalisation. A son interlocuteur du jour, Ismaël Wagué cautionne que ces mesures de confiance renforcent non seulement le caractère participatif et consensuel de la transition, mais finalisent aussi la vision du président de la transition résolument attaché à la paix dans le pays. La participation et l’association des mouvements signataires aux différents évènements du pays manifestent, selon Wagué, la volonté des plus hautes autorités à privilégier le dialogue avec les acteurs desdits mouvements. Lesquels demeurent d’ailleurs considérés comme des Maliens à part entière. D’un ton véridique, le colonel-major d’expliquer que l’engagement du gouvernement se manifeste, en plus des actions ci-dessus évoquées, par « l’allocation des ressources budgétaires spécifiquement dédiées au développement des régions du Nord du Mali. Et notamment à travers le financement, sur ressources propres, du fonds de développement durables (FDD) ».
Indifférence de la Médiation suite aux violations répétitives de l’Accord par des mouvements signataires
Selon le ministre en charge de la réconciliation, force est de constater que certains mouvements signataires, singulièrement ceux de la CMA, n’ont jamais cessé de violer cet Accord. Les cas les plus récents demeurent l’installation, courant 2020 et 2021, d’Etats-majors par certains mouvements armés dans le Gourmah. S’y ajoutent la réouverture des postes de sécurité dans les zones de Kidal, Gao, Ménaka et Tombouctou ; la délivrance illégale d’autorisations de déplacement sur les sites d’orpaillages par les groupes armés ; l’installation et la mise en place de dispositifs de sécurisation sur les sites d’orpaillages illégaux de Tahaka, au sud de Gao, ainsi qu’au nord de Kidal. Parmi lesdites violations figurent, rappelle le ministre, le refus par les mouvements ramés de recevoir les médecins en charge de la lutte contre la covid-19 et les actions entravant le fonctionnement optimal des Bataillons des Forces armées reconstituées (BATFAR). A cela s’ajoutent des actions telles que la conduite de patrouille TARTIT par des entités non-reconnues (CSP-PSD) sans concertation et ni accord du gouvernement malien ; l’occupation et l’organisation des rencontres à Anefis ; l’opérationnalisation d’un tribunal islamique à Kidal qui a déjà délibéré sur le cas de deux éléments du BATFAR… « La conclusion de plus en plus manifeste avec les groupes terroristes, en violation des résolutions pertinentes du conseil de sécurité des Nations unies, notamment les résolutions S/RES/2100 (2013) du 25 avril 2013, S/RES/2164(2014) du 25 juin 2014, S/RES/2227 (2015) du 29 juin 2015 qui, entre autres, exigent de tous les groupes armés présents au Mali (…) qu’ils rompent tous liens avec des organisations terroristes », lit-on. Ces cas flagrants de violation de l’Accord sont d’autant plus préoccupants qu’ils n’ont, selon le ministre, donné lieu à aucune condamnation de la Médiation internationale. Et leurs auteurs n’ont jamais été appelés à l’ordre, crache le colonel-major au chef de la Médiation. Puis de soutenir que la Médiation internationale doit pleinement jouer son rôle pour la mise en œuvre de l’Accord. L’attitude de certains mouvements signataire, suivie de l’absence de réaction de la médiation jettent un discrédit sur cette dernière, déclare le responsable malien. Aussi, annonce-t-il, le comportement auquel se livrent certains mouvements entrave les efforts inlassables de la médiation internationale en vue de la paix et de la réconciliation au Mali. L’inaction de cette médiation laisse alors se forger auprès des ennemis de la paix un sentiment d’impunité. Sans langue de bois, Ismaël fera également comprendre que des structures chargées d’accompagner la mise en œuvre de cet Accords, telles que la Minusma, l’Observatoire indépendant et le Groupe d’experts international « n’ont jamais comblé les attentes ». L’inaction du premier et le silence du deuxième sur les violations effectuées par des mouvements posent, indique-t-on, la question de leur pertinence. En tout état de cause, crache le ministre au chef de file, les principes servant de boussole pour les autorités demeurent le respect de la souveraineté du pays, celui de ses choix stratégiques et de partenaires ; la prise en compte des intérêts vitaux des Maliens dans la prise de toutes les décisions.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS