Les tracasseries routières demeurent un défi pour les transporteurs de marchandises au Mali. Avec 1 346 FCFA prélevés de manière illégale sur chaque kilomètre parcouru par les transporteurs de marchandises. Les chiffres sont cinq fois plus élevés selon un rapport d’analyse de politique de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, intitulé ‘’lutter contre les tracasseries routières pour garantir la sécurité alimentaire au Mali’’.
Le document paru en 2017, indique que le pays qu’en 2015, le Mali était le pays avec le plus grand nombre de postes de contrôle de la sous-région. L’impact du phénomène sur l’accessibilité aux denrées alimentaires inquiètent les spécialistes du Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA).
« Les tracasseries routières freinent le développement du commerce et ainsi affectent directement la sécurité alimentaire en réduisant l’accessibilité économique mais aussi physique des consommateurs aux denrées alimentaires. Les tracasseries routières renchérissent les coûts d’acheminement des produits ce qui a pour effet d’augmenter les prix à la consommation et de tirer les prix au producteur à la baisse », préviennent-ils
Au Mali, les experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture estiment que ‘’le problème est malien avant tout’’. Car le fléau affecte l’ensemble du territoire malien et toutes les filières. Les camions transportant du grain ou du bétail sont les plus affectés par les taxes illicites. Elles sont avant tout prélevées par la police et la gendarmerie tout au long des corridors. Les douanes sont présentes aux postes frontaliers mais aussi dans 80% des postes internes.
Les chiffres de l’étude indiquent que sur le corridor de Koutiala à Dakar entre le Mali et le Sénégal, les tracasseries routières augmentent les coûts d’acheminement du mil et du sorgho de 43%. L’étude démontre qu’en éliminant les taxes illicites, les bénéfices des collecteurs de mil à Ségou augmenteraient de 14 % et les grossistes de mil à Bamako bénéficieraient de 18 %.
Les douanes participent à cette activité à 50% alors que la police et la gendarmerie se partagent équitablement les autres 50%. Quant au le corridor entre Bama au Burkina Faso et Kouri au Mali, le temps d’attente aux postes de contrôle pour le riz étuvé, a augmenté de 64 minutes par trajet sur le territoire malien en février 2014 à 181 minutes en décembre 2015. Alors que le ratio des taxes illicites aux 100 km au Mali est trois fois plus élevé qu’au Burkina Faso.
Entre Kati et Dakar, si les taxes illicites sur la filière bétail étaient éliminées, les coûts d’acheminement baisseraient de 32%. En ce qui concerne le corridor Kati à Conakry, la distance parcourue au Mali est de 153 km, avec 11 postes de contrôle, contre deux arrêts par voyage comme recommandé par la CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). En dépit de l’exonération des droits de douane, 88 376 FCFA sont prélevés en moyenne tous les 100 km sur le territoire malien, cinq fois plus que les montants moyens prélevés sur le territoire guinéen pour le même produit.
En termes de bénéfices commerciaux, pour un collecteur qui aurait commercialisé dix tonnes de mil en 2014, de Bla à Ségou, l’analyse de la Chaine de Valeur (VCA) suggère que les prélèvements illicites et les retards pénalisent à hauteur de 1 507 FCFA par tonne. En effet, en l’absence de tracasseries routières, un collecteur ferait un bénéfice de 12 660 FCFA/tonne au lieu de 11 090 FCFA/tonne. La suppression de ces tracasseries engendrerait donc une hausse de 14 % des bénéfices par tonne de mil collecté.
Plusieurs observateurs soulignent que les textes qui sont censés réguler le fléau sont aussi des facteurs qui expliquent les tracasseries routières. Il s’agit notamment des réglementations de la CEDEAO relatives au transport et à la circulation des marchandises qui n’ont pas été adoptées dans le droit malien ou qui souffrent de mesure d’accompagnement. A cela, s’ajoutent, les infractions de la part des transporteurs mais tributaires des contraintes administratives ainsi que du développement insuffisant des infrastructures routières. Le contrôle encourage les pratiques collusives entre transporteurs et corps habillés.
Selon l’intérêt et les priorités politiques du pays, une stratégie de lutte contre les tracasseries routières à travers l’amélioration des mécanismes institutionnels de gouvernance routière pour le commerce des produits agricoles, l’adoption et l’application du cadre réglementaire de la CEDEAO tout en renforçant le niveau d’information et la transparence sur les tracasseries.
Andiè A. DARA
Source: Bamakonews