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Toufinan Bablen Diarra parle : «Ceux qui ont poussé les musulmans sur le terrain politique, ils en répondront devant Dieu…»

 

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12 ans d’adolescence dans la cité des Balanzans entre les 4 villages, 47 ans d’apprentissage à l’école du savoir ancestral, biblique et coranique, il a toujours été à l’école des grands féticheurs, des grands maîtres du sable, de la vérité, et de la poussière (tiènda, tinyèda, bugurida). Il est unique élève vivant de certains grands marabouts. À la cinquantaine révolue, il s’est consacré à l’adoration du Dieu Unique, à la pratique de la religion musulmane. C’est à la faveur de la fin de l’année musulmane que nous avons rencontré Abdoul Kadri Mohamed Lamine Koné Diarra dit Toufinan Bablen Diarra. Il n’est pas un inconnu dans les milieux mystiques de notre pays, puisqu’il dit avoir travaillé pour des milliers de marabouts, féticheurs et autres vendeurs d’illusions. Ne connaissant pas lui-même son vrai âge, ses disciples lui donnent plus de 95 ans. Nous l’avons rencontré chez un de nos amis qui a souhaité garder l’anonymat.

Vous pouvez vous présenter à nos lecteurs…

Toufinan Bablen Diarra : Avant de répondre à vos questions, je tiens à te dire que je n’ai jamais parlé dans la presse. Ça sera la première et la dernière fois. Je ne cherche aucun intérêt à travers cet entretien. Je t’ai expliqué mes conditions. Tu ne dois diriger personne vers moi ; tu ne mets pas le nom de mon village, encore moins là où je suis actuellement, ni le nom de mon village à Ségou. Si tu acceptes mes conditions -tu es un Bamanan comme moi, un Bamanan n’est rien d’autre que sa parole donnée- je te donne ma première et dernière interview. Ce que je vais te dire peut servir les pauvres, les riches, les décideurs, même le président de la République… Je ne demande à personne de le faire, ça dépendra de la compréhension des uns et des autres. S’ils le veulent qu’ils le fassent, s’ils ne veulent pas qu’ils laissent. Quand Rassoulou créait le monde, la terre, les fleuves, les mers, les océans, le vent, le feu, les arbres, les animaux, les oiseaux, les insectes, les diables, et nous les humains, il ne nous a rien demandé. On a tout cela gratuitement. Est-ce qu’on peut payer Dieu ? Donc moi, j’ai accepté pour la première de parler pour que ça serve, mais personne n’est obligé de faire ce que je dis. Tu dis que tu es Traoré de Ségou, je te connais de A à Z. Tu n’es pas l’objet de cet entretien, mais je dois te remercier pour avoir accepté mes conditions. Qu’est-ce que tu disais encore à propos de moi-même ?

Si vous pouviez vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis un oiseau sans nid, un pigeon voyageur, fils de l’homme. Je suis de Ségou mais de Sikoro. Je suis descendant des guerriers Diarra. Ma mère est Sarakolé et elle vient de l’un des 9 villages sarakolés de Ségou. Dans le Ségou ancien, ce sont les érudits et grands connaisseurs du Saint Coran de Tombouctou qui baptisaient les enfants de notre grande famille Diarra. À ma naissance, mon père, en guise de reconnaissance au guerrier de Toufinan Néné, m’a donné le nom Toufinan Bablen Diarra. Les érudits de Tombouctou m’ont donné un nom kilométrique qui est Abdoul Kadri Mohamed Lamine Koné Diarra. Mais dans ma contrée, il faut dire Toufinan Bablen Diarra.

Pourquoi Diarra et Koné ?

On m’a dit que tu es vigilant et que tu ne te décourages jamais. Je fais des prières et bénédictions pour toi, petit-fils de Ferko. Diarra, Koné, c’est une longue histoire. Je ne veux pas réveiller une vieille histoire entre Koné et Diarra. C’est pourquoi j’ai pris les deux pour éviter des histoires. Mais sache que Koné vient de Diarra et que Diarra vient de Koné aussi. Je ne t’en dirai pas plus.

Vous êtes réputé féticheur, géomancien et athée. Pourquoi ce changement ?

Vraiment tu me plais, j’admire des gens comme toi. Personne n’a pu me qualifier ainsi. Tu es mon cousin à plaisanterie, ça, c’est très sacré chez nous. Sans quoi tes jours étaient finis sur cette terre. Mieux, j’ai accepté aussi tes conditions en t’autorisant à poser toutes les questions que tu souhaitais. Je ne suis pas fâché. Et n’aie pas peur. La force d’un homme, c’est sa parole. Un homme ne vaut que par ce qu’il dit. Traoré, tu fais bien ton travail. Je ne suis plus athée, je ne suis plus féticheur, encore moins géomancien. Je suis un musulman. Pendant les 12 ans de mon enfance à Ségou, j’ai appris plus vite que les enfants de mon âge. Je n’ai jamais été à l’école coranique, ni française. Mais j’ai appris et connu nos fétiches, pratiqué la géomancie. Pendant 47 ans, j’ai parcouru le pays, de Gao au Mandé, parce que Tombouctou n’était pas à l’époque une région encore moins Kidal. À Essouk, non loin de Kidal, j’ai touché au Coran pour la première fois. Il n’y a pas un grand féticheur au Mali que je n’aie pas fréquenté. À l’époque, la formation était de 99 jours. Les grands géomanciens aussi m’ont formé de Beleko dans le Banconi, à Kouroussa, actuelle Guinée, en passant par Kaba. J’ai fait 99 jours de formation partout. Les Séno de Foro à Kadiolo, les Bamanans de chez nous, avec les portes des grands Komo, n’domo. Après tout cela, j’ai fait 10 ans à Tombouctou avant de revenir à Sama Marakala, dans le Farako, puis rejoindre mes parents. Mon constat a été que tous ceux que j’ai fréquentés, parlent le même langage, disent la même chose, adorent, admirent, et prient pour le même Dieu. Allah Le MAITRE des MAITRES, DIEU Wahidoun.

Donc vous êtes musulman maintenant. Vous avez abandonné la trace des anciens ?

Je n’ai rien abandonné. J’étais en train d’apprendre. Pendant et après mon apprentissage, j’ai vu et compris qu’il y a quelque chose de plus puissant que nos dieux, nos morceaux de bois, nos sacrifices. Mieux, tout ce qu’on fait, même avec nos dieux, c’est à Dieu qu’on demande. Autant adorer ce Dieu, qui est le Vrai Dieu, que de persister dans l’erreur. Mon père était un vrai Bamanan, mais il vaut mieux aujourd’hui que nos leaders religieux. Il vaut mieux que tous nos responsables ; il vaut mieux que moi-même. Parce qu’il respectait sa parole donnée, il ne mentait pas, il n’haïssait pas, il n’était pas égoïste. Il ne pensait pas seulement à sa famille, mais à tout le monde. Lui, Bamanan à 7 reprises, a accepté mon nom Abdoul Kadri Mohamed Lamine Koné Diarra dit Toufinan Bablen Diarra. Aujourd’hui, je sais faire la part des choses. C’est pourquoi, ça fait 30 ans que j’ai brûlé tous mes fétiches. Je suis redevenu moi-même. Je suis avec Dieu de nuit comme de jour. Tu vois mes disciples, il n’y a que le Saint Coran qui me guide. Mais toi, je te vois venir, mais sache que rien ne peut réussir sur cette terre sans Dieu. Moi Abdoul Kadri Mohamed Lamine Koné Diarra dit Toufinan Bablen Diarra, je prie et je rends grâce à Dieu, mon créateur, et je vais continuer ainsi pour le restant de ma vie.

Vous n’êtes plus Bamanan ou bien vous ne pratiquez plus la géomancie pour «faire parler le sable» ?

Je suis Bamanan et reste Bamanan. Personne ne peut me l’enlever. Bamanan ne veut pas dire féticheur, géomancien ou athée, sinon les hindous, les Béninois, les Agnis, les Ibos et autres ethnies d’Afrique qui adorent les fétiches seraient tous Bamanans. Non, Bamanan est différent de tout cela. Une fois, j’étais dans la cour de El Hadj Sékou Siraman Diarra, paix à son âme, un homme est venu, il disait la même chose que toi. Il qualifiait le marabout de Dougabougou de Bamanan Walidjou. El Hadj Sékou Siraman Diarra ne pouvait être vu par tout le monde, il était un adepte de Dieu, il est mort en bon musulman, mais c’est un Bamanan comme moi. Nous sommes de la même famille, comme son fils qui lui a succédé, Adama Diarra. Guidjo Alamamy, paix à son âme, aussi me disait que le Bamanan, c’est : honnêteté, sagesse, savoir agir, savoir parler, tout en respectant ce que l’on dit. Un Bamanan n’est pas obligatoirement féticheur, encore moins irréligieux. Mais ce que tu veux, je vais le faire. Je vais faire parler le «sable» (NDLR : dire les prescriptions sacrificielles de l’année) devant toi, et nous allons faire la jonction avec les prescriptions du Saint Coran sur le sacrifice à faire par les musulmans cette année. Mais personne n’est obligé de le faire.

 Abdoul  Kadri Mohamed Lamine Koné Diarra dit Toufinan Bablen Diarra, quelles sont les prescriptions sacrificielles de la nouvelle année ?

Je n’ai plus de «sable». Je ne suis plus géomancien. Ce que le Saint Coran et ce que ton féticheur vont te dire, c’est à toi de faire la part des choses et de croire ou pas en eux ou en nous. L’année musulmane commence avec Achoura, c’est le début de l’année musulmane. C’est le but de votre présence chez moi. Mais tu as fait le journaliste, c’est ton droit le plus absolu. La nouvelle année musulmane annonce la fin de l’ancienne, qui s’en va avec ses malheurs, désespoirs, angoisses, décès, naissances, etc. La nouvelle année a aussi commencé avec ses malheurs et bonheurs, tristesse et joie, naissance et vie, désespoir et espoir, ainsi va la vie. Pour le début d’année, tout le monde doit se préparer, s’assurer, se protéger comme il peut contre les malheurs, et autres mauvaises choses qui peuvent survenir. Mais personne ne peut éviter la mort. Les gens doivent faire l’aumône pendant toute l’année. Ceux qui ont de grands moyens doivent penser aux plus faibles, démunis et autres. Donner à celui qui ne s’attend point à quelque chose est la chose que Dieu aime, et récompense très bien. Celui qui fait l’aumône chaque fois a plus de chance dans la vie que celui qui ne donne rien. Je te donne un exemple : les périodes de solde dans les boutiques, c’est une sorte d’aumône, cela est pratiqué chez nous comme ailleurs. Je ne vous demande pas l’aumône parce que pour le restant de ma vie, vous ne me rencontrerez plus. Kassim Traoré, tu ne dois diriger personne vers moi. Je ne veux l’aumône de personne et je ne travaille pour personne. Ça fait partie de mes conditions pour t’accorder cette interview. Dieu protège et aime ceux qui font l’aumône, mais les gens doivent savoir que l’aumône est différente du sacrifice de l’année, sinon des sacrifices de l’année. Parce que les gens ont tendance à tout mélanger ; les deux sont différents et ne servent pas la même chose. Les grands commerçants, les opérateurs économiques, les hommes d’affaires, les hommes politiques et vos marabouts politiciens de Bamako, le savent très bien.

Quels sont les sacrifices de cette nouvelle année musulmane ?

Cette année sera difficile pour tout le monde. C’est l’année du Prophète Moussa. C’est une année difficile parce que beaucoup de responsables vont perdre leur place ; beaucoup d’enfants et de femmes vont mourir, surtout des célébrités. Les décès vont s’enchaîner. Il y aura beaucoup de morts-surprises, des maladies chez les jeunes. Au point que les gens vont se demander, sans réfléchir, comment un tel et une telle sont morts alors qu’ils n’avaient rien. Les accidents mortels dans la circulation vont se multiplier, les guerres avec les avions aussi, des combats dans le ciel. Ce que je suis en train de te dire ne concerne pas uniquement le Mali, mais c’est de façon générale, parce que les années sous le signe du Prophète  Moussa ne sont pas faciles. C’était le cas en 1991. Les années se placent sous le signe des Prophètes. Ça, c’est un fait de Dieu. Chaque  Prophète a son année. L’année n’est pas mauvaise. Il y aura le dénouement de certaines crises ; les militaires vont s’éloigner du pouvoir ; les jeunes seront responsabilisés tout comme les femmes. Plusieurs crises vont finir. Mais tout cela va avec des sacrifices annuels. Il y a des sacrifices pour les hommes, femmes, enfants, les dirigeants et les chefs d’Etat.

Pouvez-vous nous les détailler de façon explicite ?

Les années ne sont pas les mêmes, donc les sacrifices aussi. Cette année, tous les hommes doivent sacrifier 17 cauris ou son équivalent en argent au nom de chaque membre de la famille, ce qui fait 85 Fcfa. Les femmes mariées doivent donner 15 cauris ou 75 Fcfa. Ça, c’est le sacrifice de ceux qui n’ont pas assez de moyens. Les opérateurs économiques, les commerçants, hommes d’affaires, maires, députés, ministres jusqu’au président de la République, chacun doit sacrifier un bœuf dont la viande doit être partagée entre les démunis et les familles nécessiteuses. Une partie doit rester dans la famille du bienfaiteur. Certains vont dire que ce n’est rien, c’est parce qu’ils ne connaissent pas Dieu. Un bœuf, ce n’est pas trop demander à eux. Ce que je viens de vous dire n’est pas nouveau, ça ne date pas d’aujourd’hui. Depuis la nuit des temps, les gens donnent des informations sur l’année, les sacrifices à faire, surtout que cette année ne sera pas facile. Juste pour dire : les arbres de cette année sont : sounsou, ngounan, ngoundjé ; se laver avec leurs feuilles est une bonne chose. Il suffit de formuler vos vœux et vous laver avec à n’importe quel moment de l’année. Surtout les enfants, il faut les laver avec sounsou et ngounan (feuilles).

Qu’est-ce que vous pouvez dire en plus des sacrifices ?

Les choses ne sont plus faciles dans le monde. Il y a des problèmes partout dans le monde. Il faut beaucoup de patience, or les gens sont pressés. Notre pays n’est pas une particularité dans le monde, partout il y a des problèmes, mais faisons ces sacrifices. Ce que je viens de vous dire est sans contrepartie. Personne ne viendra me voir parce qu’on ne se verra pas. Mais faites ce que je viens de vous dire ou ne le faites pas. Beaucoup de femmes vont se marier cette année. Des jeunes filles quitteront leur famille pour leur foyer, c’est l’un des points positifs de l’année. Les jeunes vont avoir du boulot, certains leur premier job. D’autres auront la chance d’avoir des boulots décents. Je reviens là-dessus, je ne parle pas que du Mali, parce que tout ce que je dis dépend de la volonté de Dieu. Dieu ne parle pas d’un pays, mais de façon générale. Il faut que les gens comprennent cela.

Est-ce que vous avez des mots pour conclure cet entretien ?

Je dois te remercier tout de même, malgré tes provocations et questions souvent embarrassantes. Ce que je viens de te dire ne sera plus refait. Il y a un serment qui nous lie, fais tout pour rester Bamanan, respecte ta parole donnée. Je t’ai fait confiance, respecte tes engagements, comme ça on pourra se voir et échanger. Mais je ne donne plus d’interview dans ma vie. Parce que, vu mon âge, je vis de mes efforts. Je me consacre à Dieu, les prières et les bénédictions. Je prie pour notre pays, je prie pour la paix, je prie pour l’entente entre les Maliens. Je ne vais pas dans les radios encore moins sur des places publiques. Ceux qui vont vilipender la religion de Dieu, ceux qui ont poussé les musulmans sur le terrain politique en 2000 et 2002, ils en répondront devant Dieu. Ils ne se jouent pas des Maliens, ils ne trompent pas les Maliens, mais ils se trompent eux-mêmes. Qu’ils laissent nos populations en paix. C’est moi Abdoul  Kadri Mohamed Lamine Koné Diarra dit Toufinan Bablen Diarra qui le dit. Nos populations souffrent plus aujourd’hui par le mauvais comportement des leaders religieux que par celui des hommes politiques. Ils ont transformé la religion en affaire et business, c’est mal connaître Dieu. Ils perdent leur temps. Ils doivent craindre Dieu au lieu de continuer à faire du cinéma. Merci Kassim Traoré et à ton journal, on te confie à Dieu, en te souhaitant courage et bon travail dans tout ce que tu fais en bien.

Kassim TRAORE

Source : Le Reporter

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