Quand un membre de la tontine organise un évènement social, mariage, baptême et décès, les chaises et les bâches sont gratuitement mises à sa disposition
Les Maliennes ont l’imagination fertile. Dans le contexte difficile que traverse notre pays à cause de la Covid-19 et de la crise sécuritaire, nos épouses ingénieuses arrivent à aider les époux à faire bouillir la popote. Ces femmes ont mis sur pied une chaîne hebdomadaire de tontines sur leur terrain d’activité. L’originalité dans la solidarité résout ainsi chaque jour des petits problèmes dans les « Ténèni », au « Taratani », au « Arabani », au « Alamoussani », au « Dioumani», au « Sibiribi », au « Karini ». Le nom en bambara de chaque jour de la semaine devient le label du maillon de solidarité.
À Bamako particulièrement, rares sont les femmes qui n’adhèrent pas à ces tontines dans les quartiers, les marchés et les services publics. La contribution journalière à la cagnotte des centaines de tontines varie entre 200 à 1.200 Fcfa. Les membres se retrouvent au moins une fois par semaine pour verser la somme convenue. Les tontines aident à économiser de l’argent afin d’effectuer des réalisations. Au-delà du côté financier, les réunions sont des occasions de détente et d’information sur les mariages, les baptêmes et les décès.
Nous sommes dans une concession du quartier Samé. Les membres de la tontine qui sont réunies ici sont des amies. Elles sont assises côte – à – côte. Toutes sont vêtues d’une tenue cousue dans le même tissu Wax.
Pour payer les frais d’études des enfants. Les foulards de plusieurs conceptions sont bien attachés sur leur tête. Les discussions vont bon train au sein de petits groupes. Un peu à l’écart, une bonne volonté se charge de faire bouillir du thé ou du bissap . Une secrétaire de séance circule au milieu du cercle munie d’un cahier et d’un stylo. Elle dresse la liste des adhérentes présentes Elle encaisse l’argent et dessine une croix devant le nom de celle qui vient de s’acquitter du montant de sa cotisation.
Cette scène est le lieu d’une rencontre de ‘’arabani’’ La responsable de cette tontine est Mme Diallo Coumba Diallo. Elle nous révèle que son association accueille 73 femmes mariées résidant à Samé. Elle a déclaré que « l’objectif de notre ‘’ arabani’’ est de se réunir entre femmes une fois par semaine pour échanger, discuter et gérer ensemble des évènements sociaux. »
Tous les mercredis chaque adhérente paie 1.200 Fcfa. Il est prélevé 200 Fcfa qui sont versés dans notre caisse. Le montant total de la collecte des 100 Fca, qui reste, s’élève à 73.000 Fcfa. Cette somme est partagée entre deux personnes après un tirage au sort.
à la fin de chaque tour de tontine, le dépôt dans la caisse est utilisé pour acheter des chaises et des bâches utilisées lors des cérémonies sociales. Quand un membre de la tontine organise un évènement social, mariage, baptême et décès, les chaises et les bâches sont gratuitement mises à sa disposition. Une personne retenue après le tirage au sort, dont le besoin d’argent n’est pas pressant, peut céder la main à une adhérente dans une situation difficile.
Selon Mme Koumaré Assetou Ballo, la tontine de Same, lui a permis de payer les frais pour l’éducation de ses enfants. Et elle rappelle les circonstances : « Je suis vendeuse de condiments au marché de Samé, et mon mari est maçon.
J’ai reçu l’argent de « arabani » pour inscrire mes enfants à l’école. Mon mari est malade depuis quelques mois. Il ne peut plus travailler. Raison pour laquelle j’ai utilisé l’argent pour l’éducation de mes enfants » Mme Keita Adiaratou Doumbia est fonctionnaire d’état. Elle est aussi un membre de tontine de Same. à l’issue du tirage effectué en notre présence, elle a été retenue pour recevoir le montant de ce « arabani ». Elle nous dévoile son projet à financer : « Je vais utiliser cet argent pour le mariage de la fille de ma sœur.
Je suis la marraine (demba diala tigui). Cette tontine permet de se regrouper entre femmes. Je vous jure que j’attends impatiemment les réunions des « arabani » pour me détendre et me divertir. Un autre quartier, une autre manière de faire. Après Samé nous somme aujourd’hui à la réunion du « dioumani » du Banconi. La participante Mme Touré Korotoumou Lah retrace le parcours de son association : « Nous avons commencé le « dioumani’ » il ya plus de six ans. Nous nous regroupons tous les vendredi soirs, à partir de 16h.
Chacune verse la somme de 325 Fcfa. Cette somme est gardée dans la caisse pendant un an. à la fin de l’année, la cagnotte est éventrée en la présence de nous toutes. Le montant collecté est partagé entre les membres, après déduction des frais d’organisation de notre fête solennelle animée par un groupe artistique renommé..
La Covid-19 a ralenti les regroupements de personnes à Bamako, notamment les membres de la tontine « taratani » de Djélibougou dont Mariétou Togola est la présidente. Depuis l’avènement de la pandémie, la tontine ne se réunit plus. Tous les mardis chacune trouve le moyen de me faire parvenir son argent. Auparavant, tous les mardi, soirs les femmes se regroupaient chez moi.
Chacune me versait la somme de 700 Fcfa . Sur cette somme le montant global du prélèvement de 500 Fcfa est partagé entre les membres.
Les 200 Fcfa restants sont versés dans la caisse qui sert de banque. L’argent des gagnantes aux tirages au sort, qui ne sont pas dans le besoin de le dépenser, est gardé dans notre banque. Ce fonds est mis à la disposition de tous les membres qui veulent emprunter de l’argent. Tout prêt est remboursé avec un intérêt de 5%.
Dans le respect et la convivialité-Ce samedi, il est 11h au marché de Ouolofobougou-Bolibana. La dame Fatoumata Diawara passe d’un étal à un autre. Elle reçoit 200 Fcfa des mains de chaque vendeuse, du lundi au samedi. Pour le compte de sa tontine, « le sibirini » elle reçoit 1.200 Fcfa de chaque adhérente. L’objectif est de consolider les relations entre plusieurs vendeuses évoluant sur le marché. La caissière souligne les difficultés que rencontrent les vendeuses sur les marchés. En effet, les marchandises coûtent cher. Les tontines aident toujours à renouveler les fonds de commerce en cas de perte. Les plus ambitieuses agrandissent leur business.
Ces « teninni » et « dioumani » sont des sources de financements de proximité qui maintiennent durablement le contact entre les membres dans le respect des règles fondatrices. Mais beaucoup de tontines, tel le « dioumani » de Medina Coura, se disloquent à cause de l’indiscipline de certaines personnes. Mme Traoré Kadidia Ouologuem témoigne. « Je faisais partie d’un « dioumani » à Médina Coura , mon quartier. Environ 40 personnes se regroupaient tous les vendredis sur le terrain de foot. Chaque adhérente versait 1.000 Fcfa à la trésorière. La somme totale collectée se chiffrait à 40.000 Fifa.
Après le tirage au sort, la personne qui gagnait, empochait 20.000 Fcfa et le reste était versé dans la caisse. Ce dépôt servait à mettre à l’aise les adhérentes lors des cérémonies sociales. La tontine achetait 40 uniformes pour bien fêter un mariage célébré dans la famille d’un élément du groupe. Cette personne recevait un appui financier de 100.000 Fcfa.
Certains membres n’organisaient pas de mariage durant le déroulement de la tontine. à la fin du « dioumani » ces personnes recevaient aussi 100.000 Fcfa. Le tour étant bouclé, on recommençait une autre tontine. »
Les Maliennes actives adhérentes des tontines ne sont-elles pas à hauteur de responsabilité avec leurs époux dans la stabilisation des familles ? Il est avéré qu’elles sont les premières militantes de la parité genre depuis des décennies. Gloire à ces trimeuses sur l‘ensemble du territoire national.
Baya Traoré
Source : L’ESSOR