De son passage au ministère des Affaires foncières et de l’Habitat, en passant par le département de la Défense et des Anciens combattants, au ministère de l’Administration territoriale, Tièman Hubert Coulibaly porte depuis toujours le bonnet d’âne du gouvernement. Il n’a jamais été à la hauteur de ses missions.
Le ministre de l’Administration territoriale, Tièman Hubert Coulibaly, est un doyen du régime d’Ibrahim Boubacar Keita et même un fidèle du président. Fraîchement élu en 2013 avec un score honorable, IBK a porté son choix sur Tièman Hubert Coulibaly pour diriger le ministère des Affaires foncières et de l’Habitat. Avec l’objectif précis de redresser le système en proie à la spéculation et redonner ainsi espoir à une population victime des prédateurs fonciers.
Malgré ses expériences acquises au cours de la transition, Tièman Hubert Coulibaly a fait ami-ami avec les spéculateurs véreux. Il n’a fait que coopérer avec les agences immobilières soupçonnées d’avoir dépouillé les populations de leurs terres coutumières. Cette collaboration du ministre avec les agences immobilières a occasionné une crise foncière dans le cercle de Kati, notamment à NToumbana, Sirakoro-niaré, Ntabakoro, Kalaban-coro, et autres. Même les réformes foncières engagées par ses prédécesseurs en ont pris un sérieux coup.
En réponse aux attentes du président de la République, Tièman Hubert Coulibaly lance un mouvement fantôme dénommé l’Alliance des forces démocratiques pour le Mali (AFD-Mali). Même si Tièman avait été on ne peut plus clair, dans la réalité des faits, l’opinion s’est vite fait une idée sur ce nouveau regroupement politique dont l’objectif n’était rien d’autre que d’être un organe de propagande politique. «Nous sommes membres de la majorité présidentielle. Après analyse, nous avons vu que chaque force, prise individuellement, ne serait pas plus efficace. C’est pourquoi, nous avons créé l’AFD. Nous n’avons pas l’intention d’être une dissidence de la majorité présidentielle. Pas de malice, rien de pernicieux. Nous n’allons pas faire un travail fractionnel au sein de la majorité présidentielle», avait-t-il précisé. «Nous nous sommes mis ensemble pour devenir une seule entité politique. Je crois que c’est ce qu’il faut encourager. On dit qu’il y a plus de 150 partis politiques au Mali. Nous n’avons pas besoin de tout cela. C’est en cela qu’il faut encourager notre regroupement».
Au lieu d’une action concertée avec le gouvernement, Tièman s’est plutôt consacré à son mouvement. Il ne trompera pas longtemps la vigilance du président de la République. Lequel l’enverra de suite au département de la Défense et des Anciens combattants. Là, Tièman avait la lourde responsabilité de mettre en œuvre le volet sécuritaire de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger. Par son inefficacité dans l’action, le Mali est tombé dans une véritable crise sécuritaire après la signature de l’accord. Des partis politiques ont fait le décompte des victimes plus élevé que pendant la période transitoire.
C’est dans ce contexte particulièrement tendu qu’est intervenue la débâcle de l’armée malienne à Nampala. Au moins une dizaine de soldats ont été tués et près de 30 personnes ont été blessées dans cette attaque, revendiquée par le groupe islamiste Ansar Dine. L’incapacité du ministre a favorisé une collaboration entre le Front de libération du Macina (FLM), un groupe apparu début 2015 et dirigé par le prédicateur radical malien Amadou Koufa, un Peul, et le groupe islamiste Ansar Dine. IBK a été obligé de démettre Tièman.
Mais ce temps de repos n’aura pas duré. Puisqu’il est vite appelé par l’actuel Premier ministre pour organiser les élections de 2017 et 2018. Et dans cette perspective, le ministre de l’Administration territoriale, Tiéman Hubert Coulibaly, a proposé au gouvernement, qui les ont adoptés au Conseil des ministres du 5 octobre 2017, quatre projets de décret de convocation de collèges pour le même dimanche 17 décembre 2017, des élections de conseillers communaux, de conseillers de cercle, de conseillers régionaux et de conseillers du district de Bamako. Ces décrets ont été entérinés par le président IBK.
Mais les observateurs de la scène politique avaient décelé des incohérences dans le processus. Plusieurs d’entre eux avaient dénoncé des illégalités et de nombreuses autres irrégularités indignes d’un Etat de droit et qui ne sauraient aucunement servir de fondement juridique à une élection démocratique. Puisque le collège électoral en ce qui concerne les membres des Forces armées et de sécurité n’avait pas été convoqué le dimanche 17 décembre 2017, du fait du décalage légal du vote des membres des Forces armées et de sécurité qui précède d’une semaine celui du reste du corps électoral.
«Il aurait fallu, en application de l’alinéa 2 de l’article 87 de la loi électorale, annoncer dans les décrets de convocation des collèges électoraux, la date anticipée d’une semaine en ce qui concerne le vote des membres des Forces Armées et de Sécurité. Encore moins les listes électorales et d’émargement et dans quels bureaux de vote spécifiques les membres des forces armées et de sécurité vont voter…» dénonçait Dr. Bréhima Fomba.
Et de poursuivre : «Le dernier alinéa de l’article 87 de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale a comme implication logique et naturelle à la charge du gouvernement, la mise en œuvre obligatoire des alinéas 3, 4 et 5 de l’article 39 relatifs à la révision exceptionnelle des listes électorales, afin d’identifier dans le fichier électoral et les en extraire, les électeurs membres des Forces Armées et de Sécurité».
«En introduisant le vote intuitu personae par anticipation des seuls électeurs membres des Forces Armées et de Sécurité, le législateur a de ce fait, indirectement, condamné le gouvernement à une révision exceptionnelle des listes électorale qui aurait dû intervenir depuis le 17 octobre 2016. Faute d’une telle opération qui n’a jamais eu lieu, il n’existe pas de listes électorales ni de listes d’émargement pour les membres des Forces Armées et de Sécurité qui ne peuvent en conséquence voter par anticipation. Il est impossible d’envisager dans ces conditions la création de bureaux de vote devant recevoir leur vote anticipé…», avait dénoncé Dr. Fomba. Pour le constitutionnaliste, ces graves irrégularités qui, sans doute par pur opportunisme, ne semblaient pourtant guère émouvoir outre mesure la classe politique, constituent une véritable négation de la démocratie.
Face à cette situation de déni d’Etat de droit, toute la question était de savoir quelle serait l’attitude exacte de la CENI dans laquelle sont injectées de faramineuses ressources publiques.
En plus de ces observations, des groupes de pression s’étaient fait entendre notamment le Collectif des régions non-opérationnelles et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). S’agissant de la question des régions non-opérationnelles, le ministre de l’Administration territoriale, Tiéman Hubert Coulibaly, a proposé un nouveau calendrier pour les localités de Koutiala, Bougouni, San, Nioro du Sahel, Dioïla, Nara, Bandiagara, Douentza et Kita, sur trois ans. Cette proposition a été rejetée par le Collectif des régions non opérationnelles. Lequel exige l’opérationnalisation de toutes les régions avant les élections régionales de décembre.
«Nous ne pouvons plus attendre. Nous voulons l’opérationnalisation simultanée de ces neuf régions vu que l’article 4 de ladite loi est épuisé. Nous rejetons le calendrier du ministre et exigeons la nomination des gouverneurs desdites régions d’ici les élections régionales de décembre. Faute de quoi, il n’y aura pas d’élections dans ces localités», avait prévenu Mamba Coulibaly, président du Cernop, juste après l’interpellation du MAT à l’Assemblée nationale.
D’ici là, le Collectif, qui a déjà fait le tour de toutes les localités concernées, projette une marche de protestation contre le calendrier du MAT. «Nous marcherons le 18 novembre prochain, à Bamako, pour exiger l’opérationnalisation de nos régions. Les coordonnateurs et les chefs de village viendront de toutes les localités concernées pour prendre part à la marche», avait annoncé Mamba Coulibaly.
Le Crnop n’est pas seul. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) s’est fait entendre. Dans un communiqué publié, la CMA a informé l’opinion nationale et internationale que, depuis le samedi 21 octobre, date de la rencontre des parties signataires de l’Accord issu du processus d’Alger en présence des membres de la mission du Conseil de sécurité de l’ONU à Bamako, il avait été identifié un ensemble de points prioritaires qui handicapent la mise en œuvre dudit accord. Ces points ont également été portés le 24 octobre à la dernière session du Comité de suivi de l’Accord (CSA) afin de les inscrire dans un chronogramme consensuel réalisable, qui serait discuté entre les parties maliennes.
Au même moment, le gouvernement persiste dans la logique unilatérale d’organiser les élections communales et régionales en convoquant le collège électoral sans discussions préalables avec les parties signataires. Au regard de cette situation, la CMA s’oppose à l’organisation des élections dans les régions de l’Azawad sans une prise en compte des aspects politiques inscrits dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment l’opérationnalisation des Autorités Intérimaires, l’organisation du retour des réfugiés/déplacés, la révision des listes électorales, la relecture des lois portant libre administration et codes des Collectivités Territoriales et bien d’autres aspects y afférents. «La CMA demande au Gouvernement du Mali de surseoir à la tenue de ces élections jusqu’à la mise en place des conditions optimales, idoines et transparentes pour la tenue de ce rendez-vous décisif pour l’ensemble des populations et ce, sous l’égide de la Communauté Internationale… ».
Malgré ces observations, le ministre de l’Administration territoriale affiche sa volonté de tenir les élections des conseillers communaux, des conseillers de cercle, des conseillers régionaux et des conseillers du district de Bamako, le 17 décembre 2017.
De son côté, le questeur de l’Assemblée nationale, l’honorable Mamadou Diarrassouba, vient de souhaiter le report de ces élections. Ce député de la majorité demande le report au nom de l’unité nationale. Le député élu à Dioïla, sous les couleurs du parti présidentiel, Mamadou Diarrassouba, 1er questeur de l’Assemblée nationale, s’inquiète de la partition du pays si le scrutin n’était pas inclusif.
Réputé pour sa fidélité au président de la République Ibrahim Boubacar Kéita, l’honorable Diarrassouba craint un scrutin non inclusif pouvant renforcer la position des séparatistes. «Si on ne fait pas attention, on risque d’aller à la division du pays sans le vouloir», prévient-il.
Il fonde son raisonnement sur le fait que 59 communes ne pourront pas participer aux élections. Du coup, explique-t-il, elles manqueront ainsi à trois scrutins majeurs : les communales du 20 novembre 2016, mais aussi les locales et régionales, et surtout le renouvellement du Haut conseil des collectivités.
Voilà qu’à une semaine de l’ouverture de la campagne électorale, le gouvernement vient de donner raison aux groupes de pression et aux observateurs. En tout état de cause, ce report marque l’incompétence du ministre à relever les défis. La nouvelle date annoncée, le 18 avril, est à seulement trois mois de la présidentielle qui paraît un peu irréaliste. Ce qui risque de plonger notre pays dans une nouvelle crise politique après celle de 2012. Ce deuxième échec cinglant, après son passage éphémère à la défense en 2015, comme nous l’avions annoncé dans nos colonnes, doit inspirer le chef du gouvernement à garder un œil vigilant sur le dossier électoral.
Zan Diarra
Soleil Hebdo