L’ancien ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tièman Hubert Coulibaly (président du parti Union pour la démocratie et le développement “UDD”) était l’invité de l’émission “Politik” d’Africable Télévision du dimanche 2 décembre 2018. Les sujets abordés avaient trait à l’état de santé de l’UDD, la sortie du gouvernement de Tièman Hubert, le report des élections législatives, le redécoupage administratif, le référendum constitutionnel, la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger.
Sur sa sortie du gouvernement le 9 septembre 2018, Tiéman Hubert Coulibaly a expliqué que le gouvernement a été formé par le Premier ministre suite à sa reconduction décidée par le président de la République. Un nouveau mandat, c’est de nouvelles exigences, des contraintes nouvelles. “Le Premier ministre m’a signifié que je ne ferai pas parti de cette équipe. Evidemment sans aucune raison négative, certainement des ajustements nécessaires par rapport à des objectifs précis”, a-t-il argumenté. Il a clairement dit que son engagement pour le soutien au second mandat, qu’ils ont cherché ensemble, demeure : “L’UDD a toujours été dans la cohérence et nous restons dans cette cohérence. Nous travaillons pour élargir la base qui a soutenu le président IBK, consolider cette base et de faire en sorte que le soutien soit puissant pour la réussite du mandat”, a-t-il dit. Il a ajouté que beaucoup de commentaires ont été faits autour de son départ du gouvernement. Il a dit comprendre ces commentaires venant de ses partisans qui se sont interrogés et qui ont vu ce départ comme une sanction, un aspect négatif pouvant porter préjudice à leur travail politique.
A la question s’il n’a pas été limogé, Tiéman Hubert Coulibaly répondra par la négation. “Non, je n’ai pas été limogé. Plusieurs ministres ont quitté le gouvernement suite à la formation du gouvernement du 9 septembre 2018. Je ne suis pas le seul. Cette sortie du gouvernement ne signifie pas une séparation ou quoi que ce soit de négatif. La preuve, j’interagis régulièrement avec le Premier ministre par rapport aux problèmes du pays. Nous apportons notre soutien partout où cela est nécessaire y compris dans le sens de la consolidation de la base qui a porté la conquête du second mandat du président de la République. Je n’ai aucun mauvais sentiment, je n’ai aucun ressentiment. C’est vrai, il y a eu des commentaires souvent étonnants. J’ai entendu des choses qui m’ont un peu étonné. Mais je crois que cela relevait plus du sensationnel dont certains ont besoin en certaines occasions“, a-t-il répondu.
En tant que poids lourd du gouvernement et allié de première heure du président et en tant que ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, la logique n’aurait-elle voulu que Tièman continue au gouvernement ? Comme réponse, il a soutenu que la fonction de ministre est une mission qui a un début et une fin. “Maintenant, la trajectoire des uns et des autres se poursuit. La trajectoire politique ne se trace pas simplement ou exclusivement au sein d’un gouvernement. J’ai été pendant 6 ans ministre. J’ai été ministre de l’Administration territoriale, j’ai occupé de très hautes fonctions qui m’ont amené à être au cœur de l’Etat. J’ai travaillé sur des questions essentielles de notre pays. Et cela est très important. Et aujourd’hui que je suis hors de l’appareil gouvernemental, je continue mon travail politique dans le même sens. Quand vous arrivez dans un ministère après votre nomination, vous trouvez des galeries de photos, des portraits de ceux qui vont ont précédé. Ils sont nombreux aujourd’hui au Mali. Il faut comprendre simplement qu’il y a un temps pour être ministre, il y a un temps pour sortir du gouvernement, et peut être engager une réflexion de manière à penser l’action future ou la manœuvre suivante comme on le dit chez les militaires. Tout cela fait partie de la trajectoire d’un responsable politique. Aujourd’hui, j’anime le parti. J’ai des contacts au niveau international pour des questions et d’autres. Mais je travaille beaucoup dans le sens du soutien au mandat, dans le sens de la consolidation de la base qui porte le mandat du président”, a-t-il justifié.
“La diplomatie malienne n’a jamais perdu le leadership sur les questions essentielles de la souveraineté de notre pays”.
A la question sur le point de sa satisfaction au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tièman Hubert a répondu qu’il est difficile pour lui-même d’exprimer son satisfecit. Il a dit qu’il laisse cette tâche de le noter aux différents Premiers ministres et aux différents présidents de la République qui ont été ses patrons. “Ce que je peux dire, agissant au nom du Mali en tant ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, j’ai toujours eu à cœur de me montrer digne de cette mission, me montrer à la hauteur des enjeux. Que ce soit dans l’interaction avec d’autres pays sur le plan sous régional ou continental, que ce soit au niveau international et aux Nations unies, je me suis attaché à défendre notre pays, à porter sa parole, à me battre pour ses intérêts. Un des derniers épisodes dont je me souviens à New York lors du dernier renouvellement pour la Minusma, cela a été une bataille difficile, mais que nous avons fini par remporter. C’est cela l’efficacité. Le Mali, quant à sa diplomatie, n’a jamais perdu que ce soit avec moi ou d’autres ministres. Le Mali a toujours eu des diplomates au niveau technique et des ministres qui ont conduit la mise en œuvre de notre politique extérieure de manière efficace, peut être souvent de façon discrète. Je ne pense pas avoir été le plus discret des ministres. J’ai plutôt tendance à aller au charbon, à aller au feu. La diplomatie malienne n’a jamais perdu le leadership sur les questions essentielles de la souveraineté de notre pays”, a-t-il ajouté.
Et que dire de la présence de la CMA qui est un mouvement séparatiste devant la tribune Nations unies et qui n’a pas été comprise par l’opinion nationale ? Comme réponse, Tiéman Hubert Coulibaly réagira que l’interaction au niveau international fait intervenir beaucoup d’acteurs. “Et bien souvent, il faut savoir que quand une expression est portée, il faut savoir à quel niveau elle est portée. Aux Nations unies, il se passe beaucoup de choses. Il y a des organisations non gouvernementales qui servent de lobbyistes à certains acteurs pendant les crises. Mais ce ne sont pas des organes officiels des Nations unies. Il est bon de savoir cela. Pendant tout le temps (deux fois) que j’ai été à la tête de la diplomatie malienne, je n’ai pas vu de mouvement séparatiste malien ou autre ayant eu une expression à la tribune des Nations unies, ni à l’Assemblée générale, ni au Conseil de sécurité”, a-t-il précisé.
Sur la question de sa perception sur la grogne des conseillers au niveau du département des Affaires étrangères, M. Coulibaly soulignera que les revendications qui sont des questions qui sont liées à la revalorisation d’un nombre d’avantages, un sentiment de frustration d’une catégorie de travailleurs sont normales. Il précisera que ces revendications ne sont pas propres qu’aux travailleurs du département des Affaires étrangères. “Les revendications nombreuses viennent de différents syndicats. J’ai toujours dit aux syndicats du ministère des Affaires étrangères que le diplomate est un corps particulier et en cela, les revendications devaient se faire de manière diplomatique. J’avais commencé à porter un certain nombre d’actions. Je pense que la nouvelle continuera de le faire, mais il faut que cela se passe dans un cadre de dialogue et de concertation. Que chacun sache que les moyens du Mali sont limités. Quand bien même, pour ceux qui sont à la décision, il faudrait procéder à des ajustements pour permettre de plus de confort pour les travailleurs. Mais cela doit se faire dans un cadre de dialogue, dans un processus soutenable par l’Etat”, a-t-il prôné. Il a précisé que certaines doléances des travailleurs des Affaires étrangères ont été satisfaites. Il a reconnu que la plupart des revendications au Mali sont liées aux conditions de travail.
“L’UDD se porte bien et travaille beaucoup pour l’élargissement de sa base”
Parlant de l’état de santé de l’UDD dont il est le président, Tièman Hubert Coulibaly a laissé entendre que son parti se porte bien et qu’il travaille beaucoup pour l’élargissement de sa base, pour son rapprochement avec un certain nombre de formations politiques. “Ce rapprochement est un chantier qui est ouvert et qui est important. Nous nous sommes fixés des objectifs d’ici la fin du 1er trimestre 2019 pour que nous nous présentions devant nos militants, nos sympathisants, nos amis avec un projet beaucoup plus grand dans l’objectif de formuler notre politique conforme aux attentes de notre pays, mais surtout, partant de l’analyse que depuis 1991, au moins une génération statistique est passée, plusieurs générations culturelles sont passées. Ceux qui ont 20 ans aujourd’hui n’étaient pas nés en 1991. Il est nécessaire d’adresser à ceux-là une offre politique nouvelle pour que les appareils que nous allons créer puissent être le réceptacle de leurs ambitions, mais aussi un creuset où nous serions en même de former les leaders politiques de demain parce que nous devons déjà penser aux générations qui vont venir après nous”, a-t-il laissé entendre.
Il a révélé qu’ils ont des contacts avancés avec un certain nombre de leaders de partis politiques et qu’ils parlent de rapprochement et même de fusion à un certain niveau. Parmi ces leaders, il a cité Mamadou Sidibé du Prvm-Fasoko, l’Honorable Niangadou de Mouvement pour le Mali, l’Urp de Modibo Soumaré. “Nous travaillons dans le même sens avec ces partis politiques. Nous n’allons pas nous arrêter à ces partis. Il faut que nous arrivions à proposer une offre politique, sociale, libérale capable de porter les ambitions de développement du Mali. Nous avons une révolution libérale en retard. Il faut aujourd’hui que notre économie s’ajuste sur le point de la libération des énergies. Beaucoup a été fait. Nous devons nous battre pour un secteur privé dynamique, puissant, capable de produire les richesses nécessaires pour l’épanouissement non seulement de chefs d’entreprises, mais pour la création d’emplois réels, durables, soutenables par le secteur privé qui nécessite, pas seulement des mesures administratives ou une régulation d’Etat, mais une philosophie réelle des conduites des affaires économiques de notre pays”, a-t-il indiqué.
“Les antagonismes et les dynamiques qui ont façonné le renouveau politique de 1991 ayant engendré l’Adéma, le Cnid, l’Udd ne sont plus déterminants. L’histoire a été écrite et continue d’être écrite”
A la question s’il n’était pas bon pour l’Udd de cheminer avec de grandes formations comme l’Adéma-Pasj, le Cnid-Faso Yiriwaton, le Rpm au lieu des partis poids plume, le président de l’Udd enseignera qu’en matière politique, il y a deux choses, le contenu idéologique, la doctrine avec laquelle il faut agir et l’énergie à déployer au service de cette doctrine. “Un petit parti deviendra grand. Il n’y a pas de petits partis. Il y a des hommes déterminés, des hommes décidés ayant une vision et capables de porter cette vision”, a-t-il soutenu. Il a rappelé qu’en 1997 du temps du premier président de l’Udd, Moussa Balla Coulibaly, il y a eu une alliance historique entre l’Udd et l’Adéma et que cette alliance continue. Selon lui, en 2012, l’Udd a investi Dioncounda Traoré comme son candidat à Koutiala. “Et quand Dioncounda est arrivé président de la Transition, j’ai été son ministre des Affaires étrangères. L’Udd a la meilleure relation avec l’Adéma. Quand nous sommes sur des idées et des projets d’alliance politique, sociale, libérale, il faut attendre que les choses mûrissent avant de tout dire”, a-t-il conseillé. Par rapport à l’histoire, l’Udd ne pouvait-elle pas avoir de bonnes relations avec le Mpr ? Tièman Hubert Coulibaly a assuré que son parti a de bonnes relations, de bonne courtoisie avec le Mpr. Il a expliqué qu’en politique il arrive souvent des phénomènes physiques. “Le Mpr est né du départ d’un certain nombre de cadres de l’Udd il y a quelques années. Il a fait son chemin, il a construit son appareil, une manière d’agir sur le plan politique. Nous avons pris acte de cela. Il y a aussi le Rds du Professeur Younous Hamèye Dicko. Nous avons pris acte de ces départs. Ce sont des phénomènes physiques pour faire cette analogie scientifique. Cela ne nous empêche pas de travailler ensemble. J’ai beaucoup travaillé avec Choguel Maïga qui est un aîné que je respecte beaucoup. Demain, est ce qu’il est possible que nous nous retrouvions au sein de l’Udd originelle ? Je ne sais pas. La construction politique vers laquelle nous nous sommes lancés est une construction conforme aux évolutions de notre pays depuis 1991. Comme je l’ai dit, ceux qui ont 20 ans aujourd’hui, n’étaient pas né en 1991. Ce sont ceux-là qui vont faire le Mali bientôt. Il s’agit de faire une construction politique pouvant parler à ces générations. Donc, les antagonismes et les dynamiques qui ont façonné le renouveau politique de 1991 ayant engendré l’Adéma, le Cnid, l’Udd ne sont plus déterminants. L’histoire a été écrite et continue d’être écrite. Il faut, aujourd’hui, sur la base des évolutions culturelles, de nouvelles nécessités qui sont nées pendant cette période, faire une offre politique qui parle à ces jeunes. Et je veux porter ce projet qui consistera à rassembler le plus grand nombre, mais en qualité. Il faut rajeunir le leadership politique. Si nous ne rajeunissons pas le leadership politique, nous allons tomber dans la décrépitude. La politique est comme le corps humain. Il faut des ressources nouvelles de façon quotidienne, sinon c’est le dépérissement. Dans la politique, il faut le rajeunissement, il faut ce cadeau qui nous est fait par l’histoire pour pouvoir travailler avec une génération qui viendra après nous. Mais, c’est une grâce cela. Je ne suis pas tourné vers l’arrière. Mon regard est sur l’avenir”, a-t-il avancé.
“Le report des élections législatives est l’un des rares points sur lesquels majorité et opposition se sont accordées pour prolonger le mandat de manière à mieux faire le travail “
Quelle appréciation l’Udd fait-elle du report des élections législatives du 25 novembre (1er tour) et 16 décembre 2018 pour le 2e tour ? Le président de l’Union pour la démocratie et le développement a indiqué qu’au sein de son parti, ils avaient énormément travaillé sur ces élections législatives qui sont très importantes. Mais, a-t-il affirmé, les contingences et les contraintes ont amené à revoir le calendrier. Il a fait observer que ce report est l’un des rares points sur lesquels majorité et opposition se sont accordées pour prolonger le mandat de manière à mieux faire le travail.
“En tant que ministre de l’Administration territoriale, plusieurs fois, j’ai dû renoncer à l’organisation de certaines élections pour préserver notre capacité à dialoguer avec non seulement l’opposition, les partenaires mais aussi se réserver les chances d’une réussite certaine. Il ne faut pas insister à organiser une élection quand nous savons que certains facteurs déterminants ne sont pas réunis. Il faut avoir les facteurs-clés du succès pour lancer l’opération. La sagesse veut qu’un mouvement de prudence, de concertation se fasse et que les acteurs se retrouvent pour mieux organiser tout ça. C’est cela qui a été fait. Nous en prenons acte, nous ne sommes pas mécontents de ce report. Nous n’en sommes pas heureux non plus. Nous prenons simplement acte et nous continuons notre travail de préparation”, a-t-il fait savoir. Ne faudrait-il pas mettre un terme aux reports des élections ? Le président de l’Udd réagira que le report des législatives de cette année est une exception différente de celle de 2012 intervenue à la suite d’un coup d’Etat et l’annexion des régions du Nord, la rupture politique à Bamako et à travers le pays. Pour lui, le report des élections de 2012 n’était pas illégal. A son entendement, ce report était une nécessité pour préserver et ajuster le pays.
“Le processus de redécoupage administratif a commencé en 2012 de manière lucide, absolument transparente […] avec la création de 11 nouvelles régions”
Quel est le point de vue de l’Udd sur l’avant-projet de loi de redécoupage administratif initié par le gouvernement ? Tièman Hubert Coulibaly est revenu la genèse de ce redécoupage administratif entamé au mois de mars 2012 peu avant le coup d’Etat sous le régime d’Amadou Toumani Touré. Il a rappelé qu’à cette date, l’Assemblée nationale a adopté deux lois. La première loi qui crée 11 nouvelles régions au Mali. Et la seconde qui créa les circonscriptions administratives dans les nouvelles régions. ” Je veux faire observer avec force que le processus de redécoupage administratif a commencé en 2012 de manière lucide, absolument transparente. La représentation nationale a décidé de la création de 11 nouvelles régions. Bien entendu que nous étions dans un contexte d’urgence. Et cette loi ayant été adoptée, promulguée, il faut bien la mettre en œuvre. Quand une région se crée, il faut créer les cercles et tous les autres ressorts administratifs nécessaires pour le fonctionnement. C’est vrai, cela a des conséquences sur le plan électoral, notamment sur le plan de la représentativité à l’Assemblée nationale. Puis, il y a des communes nouvelles qui seront créées, etc. Donc, il y a de manière subjacente un enjeu électoral. Dans un contexte où nous nous sommes battus contre la partition, où nous nous sommes battus contre un projet sécessionniste, nous sommes arrivés à nous entendre au sein d’un accord pour la paix et la réconciliation pour que le Mali en tant qu’Etat, le Mali en tant que Nation continue de vivre dans ses frontières. Evidemment, je pense que psychologiquement, beaucoup sont choqués ou en tout cas soupçonnent quelque chose de négatif quand ils entendent parler du projet de redécoupage administratif. Il est nécessaire aujourd’hui de mieux organiser notre territoire. Donc, le projet de redécoupage administratif, de réorganisation territoriale démarre en 2012 et non en 2018. Puis, nous avons eu l’accord pour la paix et la réconciliation qui a créé de nouvelles nécessités, à savoir la question du Sénat par exemple et un certain nombre de mesures tendant à renforcer la décentralisation pour que, fidèlement à notre Constitution, il y ait le maximum de pouvoirs de décisions conférés au niveau local. Cela est clair et n’est pas nouveau “, a-t-il mentionné.
Il a ajouté qu’il y a un débat qui doit se focaliser sur l’essentiel, une situation de rupture de confiance qu’il faut pouvoir résorber. ” C’est pour cela que je suis partisan du dialogue, je suis partisan de la concertation, je suis partisan de ce qu’au plus haut niveau de l’Etat, au niveau du président de la République, le Premier ministre, qu’il y ait le maximum d’efforts afin d’amener chacun autour de la table pour discuter de cette question essentielle. Pour ce travail, il faut y procéder de manière équitable, juste et de manière fidèle à notre structure sociale et politique “, a-t-il prôné.
“Il ne faut pas toujours stigmatiser Kidal, cristalliser nos frustrations sur la région de Kidal au risque d’en faire un épouvantail. Kidal n’est pas pour moi un épouvantail..”
Par rapport au projet de redécoupage territorial, des Maliens ont du mal à comprendre que la nouvelle région de Kidal avec moins de 200 000 habitants puisse avoir 8 cercles alors que la nouvelle région de Koutiala avec 1 500 000 habitants n’a que 3 cercles. Certains pensent qu’avoir plus de cercles est un subterfuge pour avoir plus de députés à l’Assemblée nationale et créer le surnombre pour demander l’autodétermination puis l’indépendance. Il n’y a-t-il pas de paradoxe ?
L’ancien ministre de l’Administration territoriale a répondu qu’il est possible d’avoir de la marge pour des corrections possibles dans le projet de loi. Il se posera la question s’il importe d’avoir beaucoup de cercles ou s’il importe d’avoir la représentation nationale en termes de sièges de députés conforme à son poids démographique ? “Importe-t-il d’avoir une concentration d’un certain nombre de territoires dans un cercle de manière cohérente en assurant la continuité territoriale, en assurant une cohérence économique pour que l’avenir économique d’une telle région puisse être assurée ? On ne réfléchit pas de la même manière à l’organisation territoriale et administrative à Koutiala qu’à Kidal. Les nécessités ne sont pas les mêmes dans les deux régions, surtout maintenant. Sur quoi, il faut surtout se battre, c’est construire ces régions et ces cercles de manière à y maintenir paix et surtout à construire des espaces de prospérité. C’est le plus important. Et après, en terme électoral, s’assurer que la représentation au niveau national et à tous les niveaux électifs soit fonction du poids démographique”, a-t-il dit.
Il a conseillé de faire confiance aux partenaires engagés pour la paix. A son entendement, les concertations sont des occasions de débattre des griefs. “Nous parlons du pays, nous ne devons pas être obsédés par le cas d’une seule région. Les griefs ne doivent pas se résumer aux régions du Nord du pays. Les concertations est un débat national. En tant que ministre de l’Administration territoriale, j’ai installé le gouverneur à Kidal et j’ai travaillé avec lui. Nous avons accompli des progrès. Le gouverneur de Kidal travaille à Kidal. Les reproches ou le chiffon rouge qui est agité pour dire que l’Etat n’est pas présent à Kidal n’est pas très productif. Parce que tout ce qui est fait depuis des années, c’est de faire taire les voix qui se lèvent contre le Mali uni, le Mali réunifié, un Mali ré-harmonisé. C’est ce travail qui est en cours. Et pendant que ce travail se fait, pendant que l’ensemble des forces politiques sont en train de faire ce travail y compris les forces politiques de Kidal, y compris ceux qui, il y a quelques années étaient dirigeants de la rébellion qui, aujourd’hui, travaillent pour que la paix revienne, pour que l’unité revienne. Il ne faut pas toujours stigmatiser Kidal, cristalliser nos frustrations sur la région de Kidal au risque d’en faire un épouvantail. Kidal n’est pas pour moi un épouvantail. Aujourd’hui, ma réflexion est plus focalisée sur l’équité en termes de représentation à l’Assemblée nationale, sur l’équité en termes d’effectif de conseillers municipaux dans chaque commune qui sera créée sur le territoire national. Il faut faire en sorte pour que la réorganisation territoriale se fasse pour que l’Administration soit plus près des populations et que nous ayons une Administration juste et occupée à son travail”, a-t-il riposté.
Les Maliens peuvent-ils espérer sur l’indivisibilité du territoire national ? Tiéman a rappelé qu’en 2012 il était ministre des Affaires étrangères et qu’ils ont obtenu que le règlement de la crise se passe en tenant compte, entre autres, de la préservation de l’intégrité territoriale du Mali ; le caractère laïc et républicain de l’Etat du Mali ne soit disputé par personne ; que l’esprit de nation hérité depuis des siècles, le fait national, demeurent. “Nous avons obtenu cela. Tous les accords, tous les arrangements pour la paix ont consacré l’intégrité territoriale du Mali. A partir de ce moment, la question qui se pose est de savoir quelles décisions devons-nous prendre pour que les deux, trois siècles à venir nous ayons une paix définitive au Mali. Que les générations qui viendront après n’aient pas à être confrontés à ce contre lequel nous nous battons depuis plus d’un demi siècle. Il faut faire en sorte que nous ayons une organisation nationale, une structure institutionnelle capable de nous permettre de vivre en paix pour les siècles à venir. C’est ça que nous devons chercher. Aucun arrangement n’a été fait sans la condition qui préservait l’intégrité territoriale du Mali, qui préservait le caractère laïc et républicain de l’Etat”, a-t-il lancé comme message.
Tiéman Hubert Coulibaly s’est félicité de la neutralisation du chef terroriste Amadou Kouffa. Cette élimination du chef terroriste, à ses dires, a été un travail long et acharné des armées maliennes qui, pendant de longs mois a fait un travail de recueillement d’information, un travail d’analyse, de suivi de mouvement qui a permis de neutraliser le terroriste.
“Le travail n’est pas fini. La lutte contre le terrorisme est très longue et il y a des objectifs qui sont atteints au fur et à mesure. La neutralisation d’Amadou Kouffa donne la preuve qu’au bout de l’effort, nous pouvons obtenir des résultats”, a-t-il dit. Il a tenu à féliciter les armées du Mali, les forces françaises qui ont été aux côtés forces maliennes pour neutraliser le chef terroriste. “Il ne faut pas dénigrer cette action en y jetant un doute. Cela est très mauvais. Les uns et les autres doivent savoir que c’est au bout d’efforts extraordinaires que nos armées sont arrivées à ce résultat”, a-t-il éclairci.
“Les débuts du mandat sont difficiles parce que le mandat précédent a été lui aussi difficile”
Que pense l’Udd du second quinquennat d’Ibrahim Boubacar Kéita qui, selon l’opposition, est calamiteuse ? Tièman Hubert Coulibaly a répliqué qu’il ne prend pas en compte les qualificatifs de l’opposition. Il a reconnu que le quinquennat a connu un début difficile, tout comme le mandat précédent qui a été difficile. Malgré ces difficultés, il a soutenu que le gouvernement respecte ses engagements vis-à-vis des fonctionnaires, vis-à-vis de ses partenaires. “Le gouvernement arrive à payer ses dettes, à lever des fonds sur le marché international. Le ministre de l’Economie et des Finances travaille beaucoup pour la mise en œuvre de solutions de financement alternatif à notre programme économique. Tout cela, sur fonds de crise exceptionnelle que nous vivons au Mali. Les débuts du mandat sont difficiles parce que le mandat précédent a été lui aussi difficile. Gouverner au Mali n’est pas facile. La conférence sociale a pour objectif de nous réunir au sein d’une instance qui traiterait de l’ensemble des problèmes de revenus, de salaires dans notre pays. Nous savons que le niveau des salaires est bas, il faut remonter le niveau. Mais beaucoup a été fait dans ce sens. Les points d’indices ont été revalorisés. Certaines catégories de fonctionnaires ont eu un certain nombre d’avantages qui ont été accordés. Beaucoup d’effort a été fait, cela est indéniable même si cela n’est pas suffisant. La conférence est importante parce qu’elle permettra à l’ensemble des acteurs de se retrouver de manière à travailler en totale transparence et prendre des décisions ensemble. Elle va être comme une Conférence nationale souveraine sur les salaires, les revenus et les conditions de travail de notre pays. Le gouvernement a certes des difficultés, mais gère les situations au plus près. Des performances extraordinaires ont été accomplies sur le plan économique et la gestion des finances publiques. J’en conviens, cela ne suffit pas. La conférence sociale est une occasion en or pour revenir sur les grandes décisions politiques.”, a-t-il reconnu.
“Il faut faire en sorte que les uns et les autres n’empêchent pas la mise en œuvre du projet d’interrogation du peuple qui aura toute la faculté de dire OUI ou NON. Bloquer le référendum n’est pas constitutionnel”
Le gouvernement a-t-il appris la leçon du mouvement de protestation de “Antè a bana” ayant abouti au report du référendum constitutionnel qu’il veut remettre sur la table ? Tièman Hubert Coulibaly a rafraichi les mémoires en disant qu’il était ministre de l’Administration territoriale, organisateur du référendum de 2017. Il a laissé entendre que la sagesse a prévalu. “Un vendredi, le président IBK a pris la décision de surseoir. Il n’a pas pris la décision d’enterrer. Le ferait-il ? Qu’il nous réponde ! Parce qu’il y a un certain nombre de décisions qui ont été prises. A moins que nous disions que nous ne sommes plus d’accord avec ces décisions, à savoir la création de la Cour des comptes pour être en conformité avec notre organisation sous régionale, y compris la création du Sénat qui fait partie des engagements qui ont été pris. Si nous revenions sur ces points, peut-être pourrions-nous surseoir à ce Référendum constitutionnel. En 1992, il y a eu cette Constitution. Et depuis, il s’est passé beaucoup de choses. N’est-il pas nécessaire de nous mettre au goût du jour nous-mêmes et ce texte fondamental qui nous permet de vivre ensemble ?”, a-t-il indiqué.
Et faut-il aller à une IVe République ? “Pourquoi pas !”, a répondu M. Coulibaly, avant d’ajouter que le processus de dialogue, de concertation est le plus important. “Ceux qui se sont opposés à l’époque au référendum constitutionnel, devraient aujourd’hui mettre les raisons sur la table dans un cadre créé de manière à ce que nous puissions discuter du comment faire et bien faire et réunir le maximum de Maliens autour du projet. Il faut faire en sorte que le processus ne soit pas bloqué. Il faut faire en sorte que les uns et les autres n’empêchent pas la mise en œuvre du projet d’interrogation du peuple qui aura toute la faculté de dire OUI ou NON. Bloquer le référendum n’est pas constitutionnel”, a-t-il affirmé.
Siaka DOUMBIA
Source: Aujourd’hui-Mali