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Théâtre : Silence sur les planches

L’art dramatique a connu ses moments de gloire dans notre pays au début des années 90. Grâce à une génération d’acteurs talentueux et des metteurs en scène de génie, le théâtre a contribué à l’éveil des consciences et favorisé les changements socio-politiques.
Aujourd’hui, ce formidable outil de divertissement et de sensibilisation est tombé dans la léthargie.

Forme d’expression théâtrale traditionnelle en milieu bambara constituée entre autres de chants, de danses, de comédies, le Kotéba a joué un rôle extrêmement important dans la communication, la gestion des faits de société au Mali ainsi que l’éveil des consciences.

D’éminents acteurs ont su extérioriser, de façon empirique, les pensées populaires dans la compréhension et la résolution des phénomènes et des faits sociaux afin d’assurer un équilibre dans le vivre ensemble et la gestion commune des préoccupations afin d’éviter l’exclusion et les tensions.

La création du Théâtre national a été inspirée par un certain nombre d’événements dont le Festival africain organisé en 1958 à Bamako et qui, selon Magma Gabriel Konaté, a permis au Mali de s’affirmer dans le domaine de la culture sur le continent.

L’artiste précise que dès les années 60, les premiers dirigeants du pays avaient compris que l’art avait une grande importance dans la vie d’une nation et c’est ce qui a amené, d’après lui, la reforme de 1962 qui a instauré la Semaine de la Jeunesse.

En 1964, il y a eu la création de l’Ensemble instrumental national avec Birama Sacko comme directeur et la Troupe folklorique avec Mamadou Badjan.

En 1971, la Compagnie du Théâtre national du Mali a été créée avec des amateurs et quelques sortants de l’Institut national des arts (INA) notamment Abdoulaye Diarra, Daouda N’Diaye, Ismaël Samba Traoré, Abdoulaye Ascofaré et Mamoutou Sanogo.

Cette compagnie jouait en français des pièces de Massa Makan Diabaté, Amadou Hampaté Ba et des auteurs français. C’est après que les Balla Moussa Keïta, Moussa Maïga, Kardjigué Laïco sont arrivés pour s’ajouter à Abdoulaye Maïga, conteur dans « Kaïdara ». à cette période, la troupe jouait dans les salles vides, parce que le public ne comprenait pas le message.

Magma Gabriel Konaté rappelle aussi que dans les années 80, les autorités de l’époque notamment Alpha Oumar Konaré, alors ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts et de la Culture a engagé de grandes réflexions pour la valorisation des langues nationales dans le théâtre. Ainsi, il a dépêché des missions à Massantola et à Kirango Markala, grands foyers du Kotèba pour s’imprégner des valeurs traditionnelles en les adaptant au contexte de modernité.
C’est au retour de la mission que la Compagnie du Théâtre national a commencé à mettre en valeur les langues nationales avec des sketches en langue bambara.

Des œuvres théâtrales écrites par des metteurs en scène ont commencé à s’intéresser aux faits de société en mettant sur la place publique, l’aspiration et les vœux du public. à titre d’illustration, « Wari » de Ousmane Sow réalisé en 1988 et « Féréké nyamibugu » en 1989, ont posé, à l’époque, les grandes préoccupations sociales tels l’emploi des jeunes, les dépravations sociales (alcoolisme, drogue et prostitution) liées à l’exclusion, les mauvaises conditions de vie et de travail, l’exode rural, entre autres, dans un contexte de mondialisation.

Les auteurs de l’époque ont su évoquer avec talent et inspiration les maux qui rongeaient les communautés. Ils ont su capter « l’esprit » des citoyens et attirer l’attention des décideurs sur la résolution des problèmes sociaux qui s’accumulaient dans différents domaines.

En 1980, à l’ouverture de la Biennale, la pièce « Djoronanko » ou l’Angoisse paysanne a fait salle comble et des gens se sont même identifiés à des acteurs. Quand le président Moussa Traoré a compris, à travers la pièce que des dépenses folles étaient effectuées pour des réceptions des autorités dans les localités, dépenses provenant de la collecte au niveau des populations, Il a pris un décret pour dire que les « populations ne seront plus saigner ».

SOUS L’ÉTEIGNOIR- Dans la pièce jouée au pavillon Modibo Keïta, quand l’épouse d’un douanier a déclaré à l’ami de son mari, de surcroît un enseignant « Hé Damis, tu as disparu comme le franc malien », Moussa Traoré a tourné la tête pour regarder son ministre des Finances, qui a commencé le lendemain à régler les 4 mois d’arriérés de salaire.

De retour de la Yougoslavie, Ousmane Sow a compris qu’il ne fallait pas rester uniquement dans ce domaine du théâtre traditionnel. Il a commencé à écrire des œuvres modernes, bien structurées avec une histoire qui se développe, avec des personnages bien précis et l’action dramatique se déroulant jusqu’à son paroxysme et à la chute. Ce fut d’abord « Bougougnery », ou l’usage abusif qu’on faisait des aides ménagères ou « bonnes ou filles de ménage » ou encore l’exploitation de la femme par la femme. Puis, ce fut la pièce « Wari » ou l’argent est arrivé. Cette œuvre qui faisait la critique de la société a eu un grand succès populaire. Ensuite, Ousmane Sow a réalisé « Frékégnagamibougou », qui suggérait que le changement était inévitable.

Le Kotèba a tout changé au Mali, exactement comme le Kotèba traditionnel le faisait. Le Kotèba traditionnel dans le village symbolisait l’unité. Il y avait quatre éléments gardés à l’Est, à l’Ouest, au Nord et au Sud. Après les récoltes, les jeunes se retrouvaient autour de ces quatre éléments (toujours au centre) et cela faisait l’unité et c’est ce qui constitue la coquille de l’escargot et tout tourne autour de ça : tu as les batteurs, les enfants, les femmes, les hommes et le public.

Le théâtre n’évoque plus les préoccupations qui sont pourtant multiples. à cette interrogation Magma Gabriel affirme que c’est le grand questionnement. Il pense que les décideurs n’ont pas pris conscience de l’importance du Kotèba, cette forme de théâtre.

L’artiste comédien note qu’après les évènements de 1991, les décideurs ont réduit notre culture au folklore uniquement notamment aux chants et danses. « Je ne sais pas si c’est voulu. On a mis le théâtre sous l’éteignoir. On ne montre plus les tares pour qu’on puisse les évoquer.

Malheureusement, l’orientation culturelle a changé de camp et on s’est beaucoup intéressé à l’apologie de ceci ou de cela. Le théâtre s’est pratiquement éteint», déplore Magma Gabriel Konaté qui explique cette situation par le départ volontaire à la retraite de certains grands acteurs à cause des conditions difficiles. Il n’y a pas eu d’accompagnement politique pour que le théâtre puisse aller plus loin.

Magma Gabriel estime qu’aujourd’hui, un accompagnement politique et financier est indispensable. Il suggère aussi de revoir les formats de la formation. Le comédien pense également qu’aujourd’hui, il faut doter le groupe dramatique d’un budget de création, rassembler les acteurs afin qu’ils produisent.

Enfin, le professeur du Conservatoire Balla Fasséké note qu’il urge que les décideurs s’engagent résolument dans la revalorisation de notre culture en appuyant les œuvres et les genres artistiques qui ont, de tout le temps, contribué au rayonnement de notre pays à travers le monde.

amap

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