Gaskindé, province du Soum, dans le [nord du pays et à la limite sud du] Sahel. Voilà une localité dont le nom résonnera désormais comme l’une des pires horreurs du terrorisme au Burkina. Il y a eu Inata [attaque survenue le 14 novembre 2021 avec plusieurs dizaines de morts parmi les membres de la gendarmerie burkinabè], Solhan [dans la nuit du 4 au 5 juin 2021 dans la province du Yagha, dans le nord-est du pays], Seytenga [attaque de l’État islamique au Grand Sahara contre l’armée burkinabè, le 9 juin 2022, dans la province du Séno], Solenzo [incendie du haut-commissariat le 4 septembre 2022 par des “hommes armés”], pour ne citer que celles-là, il y a maintenant Gaskindé qui vient d’être le théâtre d’un holocauste dont l’onde de choc a touché la nation tout entière.

Carnage et décomptes macabres

En effet, le lundi 26 septembre 2022, un convoi de ravitaillement sous escorte militaire en direction de Djibo est tombé dans une embuscade terroriste d’une violence inouïe, comme en témoignent certaines vidéos qui ont vite fait le tour de réseaux sociaux. Des camions évidés, leur cargaison en feu, des corps gisant au sol, c’est le triste spectacle qu’offrait la scène de carnage.

Selon plusieurs témoignages, ce sont plus de cent camions qui ont été pris dans le piège mortel tendu par les groupes armés terroristes, qui se sont rendus maîtres de cette route si vitale pour les populations du Sahel, particulièrement celle de Djibo.

Après le communiqué de l’état-major général des armées, qui fait état de “dégâts humains et matériels” sans apporter de chiffres exacts, plusieurs sources ont commencé à nous abreuver de bilans, les uns plus catastrophiques que les autres : 80, 100 personnes tuées – voir plus –, militaires et civils confondus.

Des décomptes macabres qui sont loin de ceux donnés par le porte-parole du gouvernement qui évoquait, lui, vingt-quatre heures après le drame, “11 corps de militaires retrouvés, 28 blessés et une cinquantaine de civils portés disparus”.

Quelles complicités ?

À quel bilan se vouer ? Difficile de se faire une idée claire de l’ampleur de ce massacre tant les autorités militaires et politiques semblent pour le moment entretenir une certaine omerta sur cette affaire qui est le premier gros coup porté au nouveau pouvoir.

En attendant d’en savoir certainement davantage au cours de la conférence de presse de demain, vendredi [30 septembre], annoncée par le ministre délégué à la Défense, le général Silas Keïta, bien des questions taraudent les esprits.

La première d’entre elles vient de la déclaration du même ministre qui fait état de “complicités malheureuses qui ont livré le convoi à la merci de ces hommes sans foi ni loi”.

Alors, mon général, s’il y a eu des complicités comme vous le dites, d’où sont-elles venues ? Des militaires du 14e régiment inter-armes qui escortaient le convoi ? De civils qui se rendaient à Djibo ? Si c’est une intelligence avec l’ennemi qui est vraiment à l’origine de ce déluge de feu et de sang, que toutes les responsabilités soient situées et qu’on en tire les conséquences qui s’imposent.

Troublantes interrogations

L’autre interrogation, et non des moindres, procède du témoignage d’un rescapé recueilli par nos confrères de VOA, lequel indique clairement que l’hélicoptère qui protégeait le convoi a rebroussé chemin sans avoir effectué la moindre semonce.

Si cette révélation est fondée, pourquoi cet aéronef de combat a-t-il abandonné sa mission à un moment aussi crucial ? Ne pouvait-il pas, dans la cohue, faire le distinguo entre terroristes et “amis”, pour reprendre le jargon militaire, ou tout simplement était-il à court de carburant, comme l’écrit Le Courrier confidentiel à la une de sa dernière parution ?

Il a également été question de “pauses pipi”, pour ne pas dire de “pauses prière” tout au long du trajet. Au regard des risques sur cet axe de la mort et de l’importance du convoi, particulièrement long, était-il opportun de marquer des haltes pour sacrifier à des obligations religieuses que l’on pouvait rattraper une fois à destination ? Pourquoi les militaires qui étaient chargés de la sécurité du convoi et des passagers ont-ils autorisé ces “pauses prière”, sachant que ce sont des moments propices à une attaque ?

Autant de questions qui peuvent heurter toute forme de sensibilité mais qui méritent d’être posées au regard de la gravité des événements.