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Tchad-Mali : pourquoi deux poids, deux mesures

Contrairement à la junte malienne, le Conseil militaire que dirige Mahamat Idriss Déby Itno est pour l’instant largement épargné par les critiques de la communauté internationale. À cela plusieurs raisons, dont le « pré-dialogue inclusif » entre le pouvoir et les groupes politico-militaires tchadiens qui doit s’ouvrir au Qatar dans les jours à venir.

À mi-chemin de la première séquence d’une transition de 18 mois (renouvelable une fois) et à moins de deux mois du premier anniversaire de l’accession de Mahamat Idriss Déby Itno au pouvoir, c’est une conférence cruciale qui devrait s’ouvrir à Doha, au Qatar. Présenté à N’Djamena comme un « pré-dialogue inclusif » et placé sous la houlette de l’ancien président Goukouni Oueddei, ce rassemblement de près de 300 participants issus de la diaspora, dont 59 groupes politico-militaires venus de Libye, du Soudan, de la Centrafrique, du Sénégal et de divers pays européens, rappelle à qui l’aurait oublié que, depuis l’indépendance, l’opposition est au Tchad avant tout une question armée. De sa réussite ou de son échec dépendra donc largement le destin du Dialogue national tant attendu par les Tchadiens et désormais prévu pour le 10 mai prochain.

Circonstances différentes
Voulue par le président du Conseil militaire de transition (PCMT), l’initiative est audacieuse et inédite puisqu’elle vise à inclure, dans ce qui est présenté comme une réplique de la conférence nationale souveraine de 1993, la totalité des chefs rebelles en exil, dont des figures historiques comme Mahamat Nouri, Abakar Tollimi ou Timan Erdimi, mais aussi Mahamat Mahdi Ali, dont le groupe armé est à l’origine de l’offensive d’avril 2021 au cours de laquelle le maréchal Idriss Déby Itno a trouvé la mort. Objectif : déboucher sur un accord de paix avant un grand dialogue considéré par beaucoup comme une opportunité historique de refondation de l’État tchadien et qui devrait être suivi par l’adoption d’une nouvelle Constitution, puis par la tenue d’élections générales.

MÊME S’IL EST PARVENU AU POUVOIR PAR DES VOIES EXTRA-CONSTITUTIONNELLES, LE FILS DU MARÉCHAL DÉFUNT N’A PAS RENVERSÉ UN CHEF D’ÉTAT ÉLU

Cette perspective, ainsi que les spécificités du contexte tchadien expliquent pourquoi, contrairement à la junte malienne, le Conseil militaire que dirige Mahamat Idriss Déby Itno est pour l’instant largement épargné par les critiques de la communauté internationale. Ce « deux poids, deux mesures » tant reproché au président français Emmanuel Macron à Bamako, mais aussi à Paris, est en réalité le reflet de circonstances différentes. La première est que, même s’il est parvenu au pouvoir par des voies extra-constitutionnelles, le fils du maréchal défunt n’a pas renversé un chef d’État élu. La deuxième est que ni l’organisation régionale à laquelle le Tchad appartient – la CEEAC – ni l’Union africaine (UA) n’ont explicitement condamné, a fortiori sanctionné, le nouveau régime militaire. La troisième est que les partenaires extérieurs du Tchad ont, au lendemain du 19 avril 2021, été saisis d’une véritable angoisse géostratégique devant la perspective de voir des colonnes de rebelles venus de Libye et aux allégeances indéterminées (à la fois islamistes et russophiles) fondre sur N’Djamena et s’en emparer en profitant du vide sécuritaire et de leadership suscité par la disparition d’Idriss Déby Itno.

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Dix mois plus tard, le maintien du statut de pilier de la lutte anti-jihadiste au Sahel – encore renforcé par l’annonce, le 21 février, de l’envoi d’un contingent supplémentaire au sein de la Minusma au Mali – demeure une carte maîtresse entre les mains du PCMT. Après le retrait de Barkhane, qui, parmi les chefs d’État africains, juge prioritaire l’organisation d’élections démocratiques au Tchad ? Aucun.

Des militaires qui ont vocation à se retirer dans leurs casernes
Même un président aussi sourcilleux sur le respect des échéances transitionnelles – et aussi critique vis-à-vis des militaires au pouvoir – que le Nigérien Mohamed Bazoum considère que la prise du pouvoir par Mahamat Idriss Déby Itno n’était « pas une mauvaise chose » et que « la transition évolue dans le bon sens ». Le dialogue interne qui se noue au Tchad est en effet la quatrième raison pour laquelle il y a « deux poids, deux mesures » entre N’Djamena d’une part, Bamako, Conakry et Ouagadougou de l’autre. À la différence de ses collègues militaires d’Afrique de l’Ouest, le PCMT a dès le départ été clair : le dialogue auquel tous les Tchadiens aspirent sera souverain, ses décisions s’imposeront à tous et les travaux préparatoires se sont jusqu’ici déroulés de manière plutôt sereine, sans heurts ni manipulations. « Les membres du Comité militaire ne se présenteront pas à l’élection une fois leur mission accomplie », précisait-il à Jeune Afrique en juin dernier, ajoutant que leur vocation n’était pas de « s’éterniser au pouvoir » mais de « se retirer dans leurs caserne ». Le dialogue national permettra de vérifier la validité de ces bonnes intentions.

Source : Jeune Afrique

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