C’est grâce à un projet de système hybride réalisé avec le soutien de la Banque mondiale
Mercredi, 15 août. Depuis 9 heures, cinq véhicules transportant une forte délégation de l’Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et de l’électrification rurale (Amader) a pris la destination de Yorobougoula (cercle de Yanfolila) pour visiter une centrale hybride. «Cette visite s’inscrit dans le cadre du suivi de projet système hybride réalisé par l’entreprise Sagemcom, avec le soutien de la Banque mondiale. Car, les travaux ont atteint un certain niveau d’avancement», explique Mohamed Ouattara, le Président directeur général (PDG) de l’Amader.Tout paraissait fugace sur le trajet. Les arbres, les concessions, les villages. Vus de loin, ils se dressent comme des remparts imprenables. Mais, les chauffeurs s’élancent avec enthousiasme à leur conquête, avant de les abandonner derrière eux avec le même zèle. Il est environ 15 heures. Après de longues heures de route, Yorobougoula qui se dérobait à nous, vient de capituler. Le village se dévoile progressivement au sein d’une nature luxuriante. Les arbres, Les champs rivalisent dans la verdure. Quelques villageois, alertés par le ronronnement des voitures, sortent de leurs demeures en lançant des yeux curieux sur ces «étranges engins» venus de Bamako. Quelques enfants en joie agitent les mains en l’air pour saluer la délégation de l’Amader. Une fois à la mairie, les salutations fusent de partout. «Ayi nin tié!» (Soyez la bienvenue), scande-t-on dans le groupe.
Plus loin se trouve la centrale hybride. Juste à l’entrée, un géant château d’eau. Le PDG de l’Amader, accompagné de ses autres collègues, se dirige vers le champ solaire. Là, au moins 235 panneaux gisent inclinés sur des trépieds rien que pour recevoir le maximum d’énergie qui émane de l’astre diurne. «La puissance est de 75 Kilowatts WC», explique un technicien.
Pendant que le PDG et compagnie marchent dans la centrale pour constater les travaux qui ont été faits, de fines pluies se laissent choir par intermittence. Mais, personne ne paraît être importuné par cette météo capricieuse. Au milieu de la cour, des salles contiguës. A la salle de groupes électrogènes, silence total des moteurs. Pourquoi un tel silence ?, interroge-t-on. Abdoulaye Sangaré, technicien de l’entreprise Sagemcom, de prodiguer des explications. «La journée, les panneaux sont à l’œuvre. Vers le petit soir, quand il n’y a plus d’ensoleillement, les batteries chargées prennent le relais pour alimenter le village. Une fois que ces batteries sont à leur tour déchargées, les groupes se déclenchent automatiquement pour continuer l’alimentation», développe.
Après, nous nous sommes dirigés vers une deuxième salle, où des onduleurs sont fixés au mur. Ils sont tous interconnectés par des câbles. «Ces onduleurs sont là pour veiller à la bonne marche du système hybride. C’est un réseau qui lie les éléments constitutifs de ce système, notamment les panneaux, les batteries, les groupes», entend-on. «Il y a un fait important qu’on a pas souligné : la supervision à distance.Voilà un coffret qui contient un élément connecté directement à un serveur qui sera installé dans les locaux de l’Amader. Donc, tout ce qui se passe en temps réel ici est suivi depuis Bamako», informe l’ingénieur, aiguisant ainsi les curiosités. Conséquence : incrédulité et stupéfaction s’installent parmi les visiteurs. La preuve ? Voilà un homme, la cinquantaine révolue, qui s’exclame en dardant les yeux, comme pour montrer son étonnement. «Kabako !» (incroyable), tonitrue-t-il. Aussitôt, des rires incoercibles se sont déchaînés. «Qu’il est plein d’ingéniosité l’enfant de cette femme qui ne se tresse jamais» (périphrase désignant la science occidentale), renchérit un autre.
LUEUR D’ESPOIR-Le PDG de l’Amader, foulard blanc au cou, arbore un bonnet de cette même couleur. Selon lui, les installations sont satisfaisantes. A ses yeux, la centrale hybride de Yorobougoula, qui a mobilisé au moins 292 millions de Fcfa, est presque terminée, avant d’ajouter qu’il ne reste plus que quelques interventions pour permettre à la population d’en bénéficier.
A l’extrémité, dans les herbes, une salle aux murs vétustes. «C’est l’ancienne centrale», nous dit-on. Il y a environ huit ans de cela, un projet d’électrification a tourné au fiasco pour les habitants. «Les factures coûtaient cher à cause du prix élevé du gasoil qui montait en flèche. On souhaite que ce partenariat entre l’Amader et le Sagemcom mette ces mauvais souvenirs dans les tiroirs du passé», ajoute-t-il
Djan Diakité, sourire aux lèvres, le maire de la Commune rurale de Yorobougoula se dit comblé par ce projet système d’électrification, qui sera fonctionnel avant la fin de l’année. «Par le passé, nous avons tenté avec l’Amader des systèmes d’électrification qui n’ont pas réussi. Car leur fonctionnement dépend du gasoil. L’Amader a voulu nous appuyer maintenant à travers ces systèmes hybrides», dit-il avant d’ajouter que leur rêve est de voir la lumière jaillir des poteaux avant la fête de l’indépendance. Sans l’électricité, rien ne marche aujourd’hui. L’école, la santé, tout, professe-t-il. Sur ces entrefaites, le tonnerre a grondé. Les écluses du ciel ont craqué. Il pleut à verse. «La pluie est bon signe. Ce projet suscitera le bonheur de notre village», prophétise un vieil homme.
Dans la foulée, un jeune homme avance, la voix à peine audible, à cause de la pluie qui s’abat avec furie sur les tôles. Il se nomme Drissa Diallo. Gérant d’un atelier de menuiserie et de soudure, il fonde beaucoup d’espoir sur ce projet d’électrification. Avant, il était obligé d’acheter du carburant pour alimenter un groupe. Lequel carburant s’épuisait souvent quand le travail battait son plein.
On regarde, à travers portes et fenêtres entrebâillées si la pluie faiblit. Pour l’heure, aucun signe. L’impatience règne. D’où cette ruée qui commence. Certains, tels des funambules, mêlent course et sauts éclairs pour atteindre les véhicules prêts à partir.
Envoyé spécial
Lassana NASSOKO
Source: L’Essor- Mali