Après avoir suspendu son mot d’ordre de grève en début de semaine après une semaine d’arrêt de travail, la Synergie des syndicats des télécommunications a décidé d’assigner en justice respectivement Dr. Alioune Badra Traoré pour avoir gardé des intérêts au sein de la Sotelma-SA en violation des textes de l’AMRTP durant sa mission et Adama Nantoumé (expert) pour parjure. Après avoir été déboutée par le Tribunal de la Commune IV, mercredi 2 mars, la Synergie déposera, en principe, une requête de contestation aux fins d’annulation de la grosse délivrée à une Association des consommateurs en condamnant Orange-Mali et Moov Africa/Malitel à payer 177 milliards F CFA. En tout cas, cette affaire ne cesse de ternir l’image du Mali puisque de nombreux investisseurs étrangers suivent de près ce dossier et sont totalement découragé.
Ce contentieux judiciaire opposant une association de consommateurs aux deux opérateurs de téléphonie (Orange-Mali et Moov Africa/Malitel) continue de défrayer la chronique, même si la Synergie des syndicats des télécommunications a décidé de suspendre son mot de grève en début de semaine. Cela, après deux semaines de sit-in et une semaine de grève qui ont été un franc succès, selon l’avis des syndicalistes.
Le délibéré sur l’annulation de la grosse et la mainlevée sur les comptes des deux opérateurs était très attendu, mercredi 2 mars. Malheureusement, selon nos informations, la Synergie des syndicats des télécommunications a été déboutée par le Tribunal de la Commune IV.
« Nous avons été très surpris du rejet de notre requête par le tribunal. Malgré tout, nous faisons confiance à la justice. Mais nous n’avons pas baissé nos bras dans cette affaire. Pour nous, l’annulation de la grosse et la mainlevée des comptes allaient être un début de solution à cette affaire qui continue de ternir l’image du Mali. Après la crise sanitaire et l’embargo avec des sanctions économiques, on veut ajouter d’autres problèmes encore », nous a confié un syndicaliste, très remonté juste après le verdict du Tribunal de la Commune IV, mercredi après-midi.
Cette décision fait suite à la procédure judiciaire au niveau du Tribunal du commerce où le juge s’est déclaré incompétent, le 10 février 2022 et le recours rejeté au niveau du Tribunal administratif, le 24 février. Finalement, un pourvoi en cassation a été effectué, le 23 février, au niveau de la Cour suprême où l’enrôlement de ce dossier est très attendu par la Synergie des syndicats des télécommunications.
Selon nos sources, une requête en contestation sera déposée, en principe ce vendredi 4 mars, devant la Cour d’appel de Bamako pour l’annulation de la grosse. « Toutes ces actions visent dans un premier à lever la saisie des comptes et à annuler purement et simplement la grosse. Ces procédures étant purement administratives, le soin est laissé à nos services juridiques et aux pools d’avocats de s’occuper de cette partie. Nous allons garder un œil sur l’évolution de ces procédures pas par manque de confiance, mais par mesure de précaution », nous a confié un syndicaliste.
Et d’autres actions seront entreprises par la Synergie dans les jours à venir, à commencer par des mesures de rétorsion. Ainsi, la Synergie décide de « porter plainte contre Adama Nantoumé (il s’agit de l’expert qui a produit le rapport) devant la Cour d’appel de Bamako pour parjure et contre Dr. Alioune Badra Traoré pour avoir gardé des intérêts au sein de la Sotelma-sa en violation des textes de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications/TIC et postes (AMRTP) durant sa mission chez le régulateur ».
La Synergie exige les directions générales d’Orange-Mali et de Moov Africa/Malitel une interdiction de toute forme de subvention de toutes les activités d’Adama Traoré, Adama Nantoumé et Alioune Badra Traoré… Elle exige de l’AMRTP de se passer des services de ces personnes.
Une autre plainte sera portée contre X pour violation de l’annexe 3 du code des impôts. Là, il s’agit d’un agent des impôts, pour avoir signé une dérogation permettant à une Association des consommateurs d’avoir la grosse de jugement condamnant Orange-Mali et Moov Africa/Malitel, sans payer 1 franc. Alors qu’elle devait payer plus de 5 milliards F CFA. Cette grosse a accéléré la saisie des comptes bancaires des deux opérateurs de téléphonie.
« Depuis trois semaines, nos comptes sont saisis. Les choses sont allées très vites entre la grosse et la saisie des comptes. Cela prouve à suffisance que cette affaire n’est pas très claire. Aujourd’hui, les deux entreprises n’arrivent pas à payer des mouvements sur leurs comptes. Pas de salaires, pas de paiement d’impôts, pas d’investissements pour améliorer la qualité des télécommunications. Je pense que tout cela décourage les investisseurs étrangers. C’est pour vous dire que nous sommes dépassés par cette affaire. Perte d’énergie, perte d’argent, perte de temps. Je pense que le gouvernement malien doit très rapidement trouver une solution à ce dossier. Nous ne sommes pas contre une décision de justice, mais nous voulons tout simplement que le droit soit dit. Dans ce dossier, tout le monde sait que les opérateurs ne sont pas en faute.
C’est juste de l’interprétation d’une recommandation de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Je pense que l’AMRTP est mieux placée pour dire si nous sommes en faute. Alors que tout le monde a entendu la déclaration du directeur général de l’AMRTP sur la question.
La justice devrait juste s’en référer à l’interprétation de l’AMRTP au lieu de celui d’un expert, qui n’est autre qu’un ancien de Sotelma-Malitel et qui a un contentieux avec cette même société », nous a précisé un cadre.
En tout cas, les impacts économiques de ce dossier sont énormes. Cette affaire risque de casser l’élan d’investissement des deux opérateurs de téléphonie qui promettent d’investir près de 100 milliards FCFA par an afin d’améliorer la qualité de leurs réseaux. Sans oublier que ces opérateurs contribuent à la stabilisation de l’économie nationale en versant près de 250 milliards F CFA au Trésor public.
« Un pays ne peut pas se développer sans les investisseurs étrangers. Pour l’ouverture de l’économie, tous les pays ont besoin des investisseurs étrangers. Cette affaire va sûrement créer le désordre. Nous pensons que l’AMRTP est le régulateur dans le secteur des télécommunications et elle est indépendante pour le respect des cahiers de charges en la matière. Ce qui vient de se passer ne fait que discréditer l’AMRTP. Nous pensons que l’avis de l’AMRTP devrait être pris en compte au lieu de celui d’un expert indépendant. Pour la petite histoire, l’AMRTP avait déjà donné son avis sur ce même dossier en 2013 », regrette un cadre d’un opérateur. Avant de lancer un cri de cœur : « Nous voulons tout simplement qu’on libère nos comptes et laissez-nous travailler. Nous allons continuer à nous battre ».
Pourquoi Moov Africa/Malitel ?
Cette question mérite d’être posée si l’on tient aux propos d’Adama Traoré sur une chaîne de télévision : « Nous ne sommes pas contre Sotelma, qui est une entreprise malienne, mais nous sommes contre Orange-Mali ». Cela veut tout simplement dire que cette affaire a été déjà politisée. C’est dire que Moov Africa/Malitel semble être victime de la brouille entre Bamako et Paris. Et tout le monde sait qu’Orange-Mali est une filiale de France Télécoms.
El Hadj A.B. HAIDARA
Source: Aujourd’hui-Mali