Jugeant qu’elle a fait montre de perspicacité intellectuelle dans ses travaux, le jury a déclaré que son œuvre avait une valeur académique avérée  

« Le jury a décidé d’élever Mme Fatoumata Kéïta au rang de professeur avec mention très honorable accompagnée d’une note de félicitation ». C’est sur cette note de satisfaction que le Pr Cheick Ahmadou Dieng de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, a aidé Mme Fatoumata Kéïta à enfiler la robe de nouveau professeur de la chaire de lettres de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako. C’était dans la salle de conférence de l’ex-FLASH, sur la colline de Badalabougou, en présence de l’ambassadeur du Sénégal au Mali, Hassan N’doye, du recteur de l’ULSHB et de nombre d’autres responsables universitaires. L’événement a mobilisé aussi les parents et amis de la récipiendaire et des étudiants.

Dans son introduction, le président de jury a précisé que l’élaboration de la thèse  avait mis à contribution trois universités : l’Université Cheick Anta Diop de Dakar (UCAD), l’Université Gaston Berger de Saint Louis (UGB) et l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako (ULSHB). La thèse aurait normalement dû être soutenue à Dakar mais les autorités universitaires des deux pays ont mis les bouchées doubles pour organiser la soutenance à Bamako. Le Pr Cheick Ahmadou Dieng était donc fondé de saluer l’excellente coopération universitaire entre nos deux pays.

Sur le thème « Afrocentricité et création romanesque : l’écriture de Toni Morrison », les travaux de Mme Fatoumata Kéïta sont basés sur l’analyse de l’œuvre du Nobel de littérature, Toni Morrison, à la lumière de l’afrocentricité, qui est un courant de pensée littéraire et philosophique, incarné par le Pr Molefi Kete Asante de « Temple University » à Philadelphie aux Etats-Unis. Mme Fatoumata Kéïta a démontré que tout en réfutant son appartenance à ce courant de pensée, Toni Morrison porte en elle les germes de cette philosophie. La postulante s’est efforcée de mettre en lumière la vision « morrisonienne » qui se situe dans la  représentation afrocentriste. La démarche originale prend à contre courant les méthodes d’analyse classique. Une audace de la part du nouveau professeur qui s’était aventuré dans une démarche dont l’issue était incertaine, a souligné le jury composé d’éminents professeurs comme Paul Diakité de l’ULSHB, Omar Sougou de l’UGB, Ahmadou Dieng de l’UCAD, Badara Sall de l’UGB et Oumar N’dongo de l’UCAD.

Le jury a salué le courage, la perspicacité, le goût de l’effort et l’excellence de la candidate. Le thème défendu par Fatoumata Keita dans cette thèse est innovant, a jugé son directeur de thèse, Omar Sougou de l’UGB en assurant que les travaux de Toni Morrison n’ont jamais fait l’objet d’une critique du genre.

La note de synthèse du directeur de thèse indique que l’ouvrage présenté en vue de l’obtention du doctorat compte 475 pages, 1126 notes de référence. Il est subdivisé en deux grandes parties organisées en trois chapitres. Le choix donne à la thèse un équilibre que l’on retrouve dans la réflexion qui anime le traitement du sujet. Omar Sougou note que les citations sont nombreuses mais cohérentes et qu’au plan du fond, le travail répond aux attentes académiques. Le résultat des recherches est palpable ; la candidate traite le sujet en profondeur à l’aide d’une documentation abondante et bien exploitée, relève le Pr Omar Sougou.

La thèse aborde l’œuvre de Toni Morrison à la lumière de l’afrocentricité principalement. Le corpus est constitué de sept romans lus à la lumière des contributions théoriques et critiques sur l’œuvre de Morrison, d’une part, et sur l’afrocentricité d’autre part. Cette doctrine, théorisée par Molefi Kete Asante, sert de plaque tournante à l’analyse. Ainsi se mêlent dans l’exploration de l’œuvre de Morrison les idées des deux auteurs telles qu’elles se manifestent dans leurs écrits, doublées de l’analyse d’autres chercheurs. Le discours afrocentriste de Morrison est ainsi dévoilé à travers l’étude de l’imaginaire africain américain rapportée à la racine : l’Afrique. De cette lecture informée, il ressort que l’esthétique et l’éthique qui caractérisent l’œuvre de Morrison sont « afrocentrées ».

La thèse de Mme Fatoumata Kéïta est une contribution à la connaissance, a souligné le Pr Sougou qui salue un chercheur qui démontre, sources critiques et théoriques à l’appui, l’ancrage de Toni Morrison dans la tradition afrocentriste. Élaborée par Molefi Asante, l’afrocentricité affirme la centralité de l’Afrique dans toute démarche ou praxis intellectuelle, artistique ou scientifique. Aussi s’attèle-t-elle à la remise en question du discours eurocentrique.

Le Pr Sougou souligne combien la démarche de Morrison est fondée sur la révision de l’histoire. Soumise à une relecture contradictoire, l’histoire prend le contrepied du discours officiel dans lequel l’expérience africaine américaine ne signifie que servitude et négation. Elle est reconquise par le truchement d’une stratégie narrative basée sur la culture africaine. Cette même culture  nourrit la création littéraire de Morrison.

La candidate réussit à démontrer la pertinence de la philosophie afrocentriste par rapport à la vision que Toni Morrison décline dans son œuvre romanesque. Pareille démonstration a été possible grâce à une profonde investigation.

En conclusion, les membres du jury conviennent avec le directeur de thèse que la rigueur de l’analyse et la profondeur des connaissances théoriques donnent à ce travail une valeur académique avérée. « L’auteur de la thèse fait montre d’une perspicacité intellectuelle à maints égards appréciables, tant elle s’évertue à la perfection. Le projet est très bien mené dans le respect des règles académiques. Tout ceci nous fonde à dire que c’est une excellente thèse qui mérite d’être publiée », a conclu le jury, confirmant ainsi la place conquise par Mme Fatoumata Kéïta dans le cercle restreint des professeurs en lettres.

A. O. Diallo