Une journaliste soudanaise critique du gouvernement, Shamael al-Nur, s’est plainte d’être la cible d’islamistes radicaux qui l’accusent d'”avoir insulté l’islam” dans l’une de ses chroniques. L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a exhorté “les autorités à faire tout le nécessaire pour (la) protéger (…) et condamner ces appels à la haine et à la violence”.
Shamael al-Nur a confié être devenue la cible d’islamistes radicaux et de certains médias après avoir critiqué l’action du gouvernement en matière de santé publique dans une chronique publiée le 2 février dans le quotidien indépendant El-Tayar. Elle y dénonçait “l’obsession grandissante des régimes islamiques pour les questions de vertu et d’habillement des femmes plus que pour celles de santé ou d’éducation”. “Il est facile de couper les dépenses de santé, mais bien plus difficile pour le ministère de la Santé de distribuer des préservatifs”, avait-t-elle ironisé. Selon cette journaliste de 36 ans, moins de 3% du budget du Soudan est alloué à la santé et à l’éducation. Ce n’est pas la première fois que Shamael al-Nur rédige un article critique contre le gouvernement mais cette dernière chronique a provoqué une virulente campagne à son encontre.
“C’est parce que je suis une femme que les attaques ont gagné en intensité”, a-t-elle assuré dans les bureaux d’un journal à Khartoum. “Dans la société soudanaise, c’est problématique lorsqu’une femme commence à parler de ce genre de sujets ou critique des penseurs islamiques”, ajoute-t-elle, habillée d’une veste en cuir et d’un jean.
“Ce que Shamael al-Nur a écrit insulte l’islam et ses principales vertus”, a affirmé un imam radical de la capitale, Mohamed Ali al-Ghazouli. Il a porté plainte contre la journaliste pour “apostasie”, un chef d’accusation passible de la peine de mort au Soudan.
L’imam a même condamné les écrits de la journaliste lors de son sermon de la grande prière du vendredi dans une mosquée de Khartoum. Shamael al-Nur a aussi dit avoir été ciblée par le rédacteur en chef du quotidien conservateur El-Sina, Mustafa al-Tayeb, également oncle du président soudanais Omar el-Béchir.
Sa famille est inquiète pour sa sécurité, a-t-elle confié. “Je ne peux pas me déplacer librement, je ne peux aller nulle part toute seule”. Shamael al-Nur est en revanche soutenue par son journal El-Tayar dont le rédacteur en chef Osman Mirgania a salué “une journaliste promise à un bel avenir”.
Il a lui-même été la cible d’attaques de radicaux et des autorités pour ses positions critiques. Les services de sécurité soudanais ont ainsi plusieurs fois saisi des exemplaires de son journal.
Le président soudanais gracie un journaliste tchèque emprisonné
Le président soudanais Omar el-Béchir a gracié avant-hier le journaliste tchèque Petr Jasek, après qu’une cour soudanaise eut condamné celui-ci à 20 ans de prison pour espionnage contre le Soudan.
“Au nom des liens historiques qui existent entre le Soudan et la République tchèque, le président el-Béchir a libéré dimanche le journaliste tchèque”, a déclaré le ministre soudanais des Affaires étrangères Ibrahim Ghandour, au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue tchèque Lubomir Zaoralek, arrivé dimanche à Khartoum.
“Le président a soigneusement pris en considération les relations bilatérales qui existent entre les deux pays, sur la base desquelles il a décidé de faire preuve de tolérance et de décréter ce pardon. Le journaliste sera remis au ministre tchèque des Affaires étrangères, et pourra rentrer dans son pays dès aujourd’hui”, a fait savoir M. Ghandour.
Le ministre tchèque des Affaires étrangères s’est déclaré “satisfait” du dénouement heureux de cette affaire. M. Zaoralek a affirmé que sa visite au Soudan marquait le début d’une nouvelle étape dans les relations bilatérales entre les deux pays, soulignant que ses discussions avec les responsables soudanais avait été l’occasion de réaffirmer le désir de son pays de renforcer ses relations avec le Soudan dans tous les domaines. Fin janvier, un tribunal soudanais a condamné le journaliste tchèque Petr Jasek à 20 ans de prison, sous des chefs d’accusation d’espionnage à l’encontre du Soudan. La cour a également établi que M. Jasek s’était servi d’une organisation américaine hostile au Soudan comme intermédiaire pour disséminer des informations insinuant que le gouvernement soudanais persécutait les Chrétiens du pays, et attaquait des civils dans les monts Nouba, dans l’Etat du Kordofan du Sud. En octobre 2015, les autorités soudanaises ont arrêté le journaliste tchèque quatre jours après son entrée dans le pays.
Source: lemaghrebdz