Les partenaires et amis du Mali ne font pas mystère de leur exigence à pousser les autorités du pays à organiser au moins la prochaine élection présidentielle au mois de juillet prochain. Comment comprendre que ce délai du mois de juillet soit devenu, aux yeux des acteurs, une aussi infranchissable ligne rouge, un incontournable dead line!
Le gouvernement avait laissé entendre que le premier tour de l’élection présidentielle pourrait se tenir le premier dimanche du mois de juillet. Le ministre chargé des élections, le Colonel Moussa Sinko Coulibaly, dont la bonne foi ne fait aucun doute, tant l’homme incarne à lui seul un symbole fort du changement intervenu le 22 mars 2012, avait certes fondé son espoir sur une évolution satisfaisante de la donne sécuritaire sur le territoire national. Si on peut noter aujourd’hui que la reconquête de l’intégrité du territoire national est une réalité, la sécurisation des zones précédemment occupées par les hordes jihadistes reste encore précaire.
Les attentats kamikazes, les incursions d’une certaine guérilla urbaine à Gao, Tombouctou et aux confins de Kidal et Tessalit n’ont pas fini de faire leurs bilans macabres, même si, heureusement, ils se raréfient. Mais il semble que, selon plusieurs experts en matière de lutte contre le terrorisme, le retour de la quiétude dans le septentrion malien n’est pas pour demain. De probables groupuscules résiduels de jihadistes pourraient continuer à se faire entendre encore pendant plusieurs mois voire des années.
En clair, la pacification totale des contrées de Gao, Tombouctou, Kidal et leurs environs ne peut avoir lieu à brève échéance. Il s’ensuit que conditionner la tenue des élections au Mali à une sécurisation totale de nos villes et campagnes ne fera que repousser ces consultations électorales aux calendes grecques. Plusieurs observateurs estiment qu’à situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles. Il faut donc déployer des forces de défense et de sécurité en grand nombre dans les zones septentrionales du pays pour sécuriser la mise en œuvre du processus électoral.
Des pays comme le Sénégal arrivent à tenir des élections libres et démocratiques alors que la vaste région insurrectionnelle de la Casamance n’a jamais été totalement pacifiée. La République démocratique du Congo, le Libéria, la Sierra-Leone ont organisé des élections dans des conditions sécuritaires relativement précaires dans certaines parties du territoire. La Somalie dans la bourrasque meurtrière des combattants Shebabs, a pu organiser des élections acceptables. Idem pour l’Afghanistan, l’Irak et d’autres pays qui sont allés aux urnes quand de vastes zones de leur territoire étaient sous la menace de groupes criminels.
Par ailleurs, comme le soulignent certains acteurs politiques, il urge de sortir définitivement des effets résiduels du coup d’Etat sur la gouvernance du Mali. Le gouvernement actuel, rappelait lundi dernier Housseini Amion Guindo de la CODEM, est issu du coup d’Etat du 22 mars. Il n’a donc pas la confiance de tous les partenaires du Mali. Plusieurs projets de développement sont bloqués faute de financement, simplement parce que les Occidentaux rechignent à appuyer un gouvernement « illégitime » issu d’un putsch. Si donc les autorités actuelles du Mali aspirent à un relèvement rapide du pays, elles doivent tout mettre en œuvre pour régler les derniers détails et appeler le peuple aux urnes en juillet prochain. Ces derniers réglages portent, entre autres, sur la question du fichier biométrique ou de l’identifiant de la carte NINA, trancher la question du couplage ou non, étant entendu que certains leaders politiques rejettent ce procédé.
Point besoin de rappeler que le président de l’Assemblée nationale et plusieurs partis politiques réclament à cor et à cri que ces élections se tiennent au mois de juillet. « Je voudrais lancer à mes compatriotes cet appel qui vient du plus profond de moi-même : faisons l’union sacrée pour relever ensemble le défi de la transition, pour que les deux objectifs sécuritaires et institutionnels soient réalisés dans les meilleures conditions possibles, réussissons les élections envisagées pour le mois de juillet prochain ; engageons-nous pour un dialogue politique sincère en vue d’une réconciliation effective des cœurs et des esprits… « , déclarait, lundi dernier, Younoussi Touré à l’ouverture de la session d’avril de l’Hémicycle. Ce cri de cœur lancé en présence du Premier ministre Diango Cissoko sera-t-il entendu ? Les prochains jours nous édifieront.
Bruno D SEGBEDJI