Depuis mardi 18 mai 2021, une trentaine de dirigeants africains et européens se réunissent à Paris avec les grandes organisations économiques internationales, pour tenter d’éviter un décrochage financier, économique et social de l’Afrique après la pandémie.
L’Afrique fait figure de continent relativement épargné sur le plan sanitaire, avec seulement 130.000 morts du Covid-19, selon les chiffres officiels, sur un total mondial de près de 3,4 millions de morts.
Cependant, le continent africain sort financièrement exsangue, au moment où elle devrait justement investir massivement pour enrayer la pauvreté, développer les infrastructures, affronter le changement climatique et la menace djihadiste.
La réunion de Paris débuté, sous la houlette du président Emmanuel Macron, a été consacrée au fardeau de la dette publique, mais aussi au soutien du secteur privé. Le président veut mobiliser 100 milliards de dollars pour la relance de l’économie africaine.
L’idée de ce « Sommet sur le financement des économies africaines » a germé à l’automne, quand le FMI a chiffré à 290 milliards de dollars les besoins de financement non couverts de l’Afrique d’ici 2023.
Certes, l’économie du continent, qui a connu sa première récession en un demi-siècle l’an passé à cause de la pandémie, devrait rebondir de 3,4% en 2021 et de 4% en 2022. Un moratoire avait été mis en place en avril 2020. Celui-ci avait permis de donner un peu d’air au pays africains les plus endettés.
Mais cela ne suffira pas. Les dettes publiques explosent et en 2021, 39 millions d’Africains pourraient tomber dans l’extrême pauvreté, selon une étude la Banque africaine de développement (BAD).
Alors que les pays développés dépensent sans compter, l’Afrique « n’a pas les moyens financiers aujourd’hui de relancer son économie », a souligné le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire mardi sur RFI. Il a mis en garde contre le risque d’une « grande divergence économique entre le continent africain qui repartirait en arrière, alors que les États-Unis, l’Europe et l’Asie repartiraient fort ».
Or les États africains ont aussi besoin d’argent pour financer la lutte antiterroriste, alors que « l’épicentre du terrorisme s’est déplacé du Moyen-Orient en Afrique ».
Un entretien bilatéral entre le président français et celui du Mozambique est d’ailleurs prévu en marge du sommet mardi matin, pour aborder notamment la situation dans le nord du pays, aux prises avec une guérilla djihadiste.
– Recours aux DTS –
Pour aider les pays africains sans alourdir leur dette, une idée est de recourir aux droits de tirage spéciaux (DTS), en quelque sorte à la planche à billets du FMI. Ces DTS peuvent être convertis en devises par les pays et dépensés, sans créer de dette.
Si le principe d’une émission globale de DTS de 650 milliards de dollars est acquis, reste à savoir ce qui sera alloué aux pays africains.
En effet, ces DTS sont répartis en fonction des quotes-parts de chaque pays au FMI: le plus gros va donc aux pays les plus riches. Sur le papier, l’Afrique ne bénéficierait que de 34 milliards de dollars.
D’où la discussion qui va s’engager sur une réallocation par les pays développés de leurs précieux DTS aux pays les plus pauvres, en plus des débats sur une restructuration des dettes existantes.
Sans compter les divers plans d’aide, bilatéraux ou multilatéraux, orchestrés par les organisations internationales, sous condition de réformes.
Le FMI a par exemple confirmé la mise à disposition de 240 millions de dollars de ressources supplémentaires au Togo, selon le président du pays. « Le sommet vise à poser les bases d’un nouveau cycle de croissance en Afrique », a déclaré mardi Faure Gnassingbé, en appelant toutefois à ne pas se concentrer que sur les aides publiques.
Selon lui, « l’appui au secteur privé africain » sera décisif, pour un continent qui aspire à sortir de la logique de l’assistance, mais qui bute encore sur la défiance des investisseurs.
Par ailleurs, ce sommet se tient au moment où les africains, notamment de l’espace CEDEAO, souhaitent la rupture avec la monnaie coloniale le F CFA pour l’Eco. D’où plusieurs observateurs pensent que la France chercherait des mécanismes par lesquels elle pourra continuer à avoir la main mise sur les économies de l’UEMOA et la CEMAC.
Bourama Kéïta
Source: LE COMBAT