Les crises sécuritaire et politique que traverse le Mali depuis 2011 sont à leur paroxysme. En dépit du rôle joué par la France dans la résolution de la crise, l’avenir politique du pays reste entre les mains des Maliens.
Au Mali, l’état de la gouvernance, qu’elle soit politique ou économique, reste à parfaire. Des analystes, experts et politologues maliens, tout comme moi, ont très souvent pris d’assaut les journaux, les télés et les radios maliennes, françaises et internationales pour exprimer leurs inquiétudes et lister tous les maux du pays au grand public. Frustrés par Ibrahim Boubacar Keita, notre chef d’État, nous, Maliens, avons pris les rues de Bamako, Mopti ou Tombouctou pour exprimer notre ras-le-bol. Cela dit, même si Ibrahim Boubacar Keita ne sait visiblement plus où donner de la tête, il reste le président des Maliens et il incarne la plus haute autorité de l’État. Cette légitimité dont les Maliens jouissent pour critiquer leur chef de l’État, nous ne l’avons jamais prêtée à quelque journaliste ou ami du Mali que ce soit. De fait, nous n’accepterons jamais que nos autorités, notre gouvernement et notre président soient vilipendés, et ce, en réduisant le Mali et les Maliens en sujets de la France.
Haro sur ce journaliste ignorant qui cherche à ridiculiser le Mali
Ce qui m’amène à poser une telle mise en garde, c’est que la semaine dernière, une vidéo du journaliste d’Europe 1 Vincent Hervouet dans l’émission « Figures Libres » a fait le tour des réseaux sociaux. En à peine 24 heures, la vidéo a été vue près de 100 000 fois et des Maliens du monde entier se sont indignés de la caractérisation dure, infantilisante et surtout impropre que le journaliste fait du chef de l’État malien, le président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Ce qui rend la douleur d’autant plus insupportable, c’est l’ignorance que démontre le journaliste dans sa description des problématiques qui frappent le Mali. Les Maliens se sont vus catégorisés en « Maliens du Nord » et « Maliens du Sud ». Hervouet va jusqu’à dire que « les électeurs du Sud n’ont que mépris et rancune pour ceux du Nord » et que le président IBK « refuse » d’appliquer les Accords d’Alger pour ne pas « chagriner les électeurs du Sud » … bon Dieu, quelle caricature ! Un adage dit que le ridicule ne tue pas. En revanche, lorsque le bouffon se donne pour objectif de ridiculiser tout un pays à travers un discours insolent, irresponsable, ignorant et tribaliste, il se doit d’être rappelé à l’ordre. Et c’est ce que je fais même si le reportage d’Europe 1 est la triste conséquence d’un dilemme mal exprimé par des Maliens inquiet de voir leur pays sombrer. Ainsi, même si la France joue un rôle primordial dans la résolution de la crise sécuritaire au Mali et dans le Sahel, ce sont les Maliens qui décideront du sort d’IBK.
Les Accords d’Alger contrariés
Les Accords de Paix d’Alger ont accusé d’énormes retards dans leur application depuis leur signature en 2015. De cessez-le-feu en conférence d’entente nationale, de réunions du Comité de suivi de l’accord en violations de droits de l’homme, chaque partie – gouvernement et ex-groupes armés compris – en a pour son compte. Le projet de sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’appliquera à tous les individus qui entraveraient le processus de paix, s’est préparé en toute intelligence avec le gouvernement malien qui en était même demandeur. En effet, personne autant que les Maliens ne peut témoigner de la force avec laquelle cette paix est souhaitée. Le problème, c’est que ce vœu ne semble pas partager par certains groupes armés.
Aussi, faudrait-il rappeler que le cas malien n’est pas un cas d’école, d’où l’intérêt que portent les chercheurs, experts en politique, sécurité, etc., au pays qui fut autrefois un modèle de stabilité démocratique dans la sous-région.
© The Wilson Center Africa Program
Kamissa Camara, elle est Franco-Malienne et a souhaité réagir à la chronique du journaliste Vincent Hervouet. © The Wilson Center Africa Program
22 Septembre