Le mardi 6 janvier 2015, s’est tenu à New York un débat public sur l’examen du rapport du secrétaire général des Nations unies sur la situation au Mali. Le ministre des Affaires étrangères de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine, Abdoulaye Diop, y a fait un discours dans lequel il n’a pas manqué de dire quelques vérités. Pour lui, les groupes d’auto-défense constitués par les communautés et qualifiés à tort de pro-gouvernementaux ne sont pas soutenus par le gouvernement malien. Aussi, a-t-il demandé aux membres du Conseil de sécurité qui en ont les moyens, d’exercer les pressions nécessaires pour amener les premiers responsables des mouvements armés à s’impliquer personnellement dans le processus d’Alger, lors de sa prochaine reprise. Nous vous livrons ici son discours.
A l’entame de mon propos, permettez-moi tout d’abord d’exprimer la satisfaction du Mali de voir votre pays le Chili présider les travaux du Conseil de sécurité au titre du mois de janvier 2015.
Permettez-moi également de féliciter le Tchad pour sa remarquable conduite des travaux du Conseil de sécurité au cours du mois dernier, en particulier pour l’organisation du débat public sur le terrorisme et la criminalité transfrontière qui a été présidé par mon frère, le Ministre Moussa FAKI MAHAMAT.
Permettez-moi aussi de réitérer les félicitations de ma délégation à l’Angola, l’Espagne, la Malaisie, la Nouvelle Zélande et le Venezuela qui ont rejoint le Conseil de sécurité cette année ainsi que nos vœux de bonne et heureuse année 2015 à tous les Etats membres. Nous remercions vivement le Rwanda, le Luxembourg, l’Australie, l’Argentine et la République de Corée pour le travail accompli durant leur mandat.
Permettez-moi enfin, de saluer Monsieur Hervé LADSOUS, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix pour la présentation qu’il vient de nous faire du rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali.
Monsieur le Président,
Le Gouvernement de la République du Mali, par ma voix, remercie le Secrétaire général, Monsieur Ban Ki-Moon pour son rapport et je voudrais à mon tour faire les remarques ci-après :
La première concerne la situation sécuritaire.
Le Gouvernement de la République du Mali note que la présentation du rapport du Secrétaire général intervient dans un contexte marqué par la recrudescence des attaques terroristes dans le nord du pays.
En effet, comme le souligne le Secrétaire dans son rapport, la situation sécuritaire au nord de mon pays reste toujours instable et préoccupante.
Il vous souviendra Mesdames et Messieurs que, déjà le 8 octobre dernier, dans mon intervention devant votre auguste assemblée, j’ai attiré l’attention de la Communauté internationale sur la multiplication des actes terroristes visant les forces de défense et de sécurité maliennes, les populations civiles et les forces de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Depuis cette date, les actes terroristes, notamment la pose d’engins explosifs improvisés sur les principales artères, les tirs d’obus et des roquettes sur les camps des forces armées maliennes et les bases de la MINUSMA ainsi que les attentats suicides se sont intensifiés, causant encore, malheureusement la mort des casques bleus, des soldats de l’armée malienne et plusieurs civils.
Sur la période considérée par le rapport, ce sont au total 16 casques bleus qui ont perdus la vie suite à des attaques terroristes.
A cela s’ajoute tout un chapelet de nouvelles attaques menées par des groupes terroristes et par des forces hostiles, enregistrées après la période considérée par le rapport.
Il s’agit notamment :
– de l’attaque du camp mixte de la MINUSMA à Tessalit, survenue le 29 décembre 2014 et revendiquée par le groupe terroriste Ançar Dine qui est inscrit sur la liste de votre Comité de sanction;
– l’attaque perpétrée par des forces hostiles, dans la nuit du 29 au 30 décembre 2014 contre un bateau de la Compagnie Malienne de Navigation entre Bamba et Tombouctou;
– de l’embuscade qui a causé la mort par balles le 03 janvier 2015, du Maire de la commune d’Anderaboukane (Ménaka), Monsieur Aroudeiny Ag Hamatou, un élu touareg profondément attaché au processus de paix en cours ;
– l’attentat à l’engin explosif, du 04 janvier 2015 contre les casques bleus dans la région de Gao qui a causé plusieurs blessés graves du contingent nigérien;
– l’attaque armée perpétrée le 05 janvier 2015 par des assaillants non identifiés contre la ville de Nampala, dans la région de Ségou, causant de nombreuses pertes en vies humaines.
Ces différentes attaques qui montrent à suffisance la détermination des groupes terroristes et des forces hostiles à entraver le processus de paix en cours, nous interpellent tous.
Le Gouvernement de la République du Mali pour sa part, considère ces attaques terroristes comme une violation flagrante des accords du cessez-le-feu, de la Feuille de route et des résolutions pertinentes adoptées par le Conseil de sécurité sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Monsieur le Président,
Il vous souviendra aussi que dans mon intervention du 8 octobre dernier, face à la recrudescence des attaques terroristes qui ont prouvé à suffisance que la MINUSMA n’évoluait plus dans un environnement de maintien de la paix, j’avais proposé la mise en place, sur le modèle de la brigade de la MONUSCO, d’une force d’intervention parmi les pays contributeurs, à déployer au nord du Mali, avec des règles d’engagement et des moyens robustes, pour lutter contre les groupes terroristes et les narcotrafiquants.
De même, pour parer à l’urgence, et sur initiative de mon frère le Ministre des Affaires étrangères du Niger Mohamed BAZOUM, une réunion ministérielle des pays africains contributeurs des troupes à la MINUSMA s’est tenue le 5 novembre 2014 à Niamey.
Cette réunion a, entre autres, demandé l’accélération de la réflexion sur la mise en place d’une Force d’intervention rapide pour le Nord Mali dans le cadre du Processus de Nouakchott sur le renforcement de la coopération sécuritaire et l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) dans la région sahélo-saharienne, aux fins de soumettre des recommandations détaillées au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.
La réunion ministérielle de Niamey s’est faite également l’écho des résolutions du Conseil de sécurité sur l’importance que revêt l’aboutissement rapide des pourparlers inter-maliens qui se déroulent à Alger, relevant que la conclusion d’un Accord entre le Gouvernement malien et les Mouvements armés du Nord favoriserait une lutte plus efficace contre les groupes terroristes et criminels qui opèrent dans cette partie du pays.
Les conclusions de la réunion ministérielle de Niamey ont été transmises au Conseil de sécurité dans la perspective du brainstorming sur la MINUSMA tenu le 10 novembre 2014.
D’ores et déjà, le Gouvernement du Mali se félicite des mesures de renforcement de la MINUSMA, préconisées par le Secrétaire général au paragraphe 65 de son rapport et attend avec intérêt les mesures de suivi que le Conseil de sécurité voudra bien réserver aux conclusions de la réunion ministérielle de Niamey.
Monsieur le Président,
Ma deuxième remarque porte sur le processus politique, en particulier les négociations en cours à Alger.
En effet, le rapport du Secrétaire général en examen revient opportunément sur les pourparlers de paix qui se déroulent à Alger entre le Gouvernement et les Mouvements et groupes armés du nord du Mali, sous l’égide d’une médiation internationale conduite par l’Algérie.
En ma qualité de Chef de la délégation gouvernementale à ce processus, je voudrais réitérer ici devant vous l’engagement personnel de Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République pour parvenir à un accord de paix définitif et global avec nos frères des mouvements armés.
Dans son message à la nation du 31 décembre 2014, le Président de la République a réaffirmé sa détermination à résoudre par la voie du dialogue la question du nord du Mali.
Dans ce cadre, le Président de la République reste convaincu que la décentralisation, au sein d’un pays unitaire, est le socle des pourparlers inclusifs inter-maliens engagés à Alger. L’offre de la décentralisation est sincère et elle sera totale. Elle constitue la meilleure réponse aux demandes légitimes de nos concitoyens, qu’ils soient du nord ou du sud du pays, eux qui, tous aspirent au bien-être, donc à un droit de regard sur les ressources et les institutions locales.
Par la même occasion, le Président de la République s’est engagé à faire prendre toutes les dispositions requises pour assurer une mise en ouvre diligente et complète des engagements du futur accord de paix.
En ouvrant les bras à tous ceux qui ne voudront plus s’égarer sur la voie des armes, le Président de la République, a rappelé que ses objectifs premiers demeurent la paix, la stabilité, l’intégrité territoriale, la cohésion sociale, la justice, l’équité, l’inclusion sans distinction et la réconciliation nationale.
Il reste entendu que la forme républicaine, le caractère unitaire et laïc de l’Etat malien ne sont pas négociables.
Monsieur le Président,
Ma troisième remarque porte sur le respect des engagements.
Le Gouvernement du Mali a constamment honoré ses engagements dans ce processus de paix en cours. Depuis la signature de l’accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014, les Forces de défense et de sécurité du Mali n’ont posé aucun acte de nature à être interprété comme violation, risquant de porter ombrage au processus politique.
Bien entendu, on ne peut pas en dire autant des autres signataires de la déclaration de cessation des hostilités du 24 juillet 2014.
Par ailleurs, l’irruption constante des groupes armés dans les espaces inoccupés par les Forces de défense et de sécurité nationales pour agresser et violenter certaines communautés explique en grande partie la constitution des groupes d’auto-défense par les communautés concernées pour protéger leurs terroirs.
A cet égard, je saisis l’occasion qui m’est offerte pour souligner avec force que ces groupes communautaires d’auto-défense, qualifiés de pro-gouvernementaux dans le présent rapport du Secrétaire général, ne sont ni suscités ni soutenus par le Gouvernement de la République du Mali.
Au delà du fait que certaines allégations avancées dans le présent rapport sont sujettes à vérification, je tiens à réitérer la détermination du Gouvernement de la République du Mali à respecter ses engagements en matière des droits de l’homme, qui justifient amplement la poursuite des enquêtes en cours.
Monsieur le Président,
Permettez-moi à présent de partager avec le Conseil de sécurité les décisions que les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, les Chefs d’Etat et de Gouvernement du processus de Nouakchott et les Chefs d’Etat et de Gouvernement du G5 Sahel réunis respectivement le 15 décembre 2014 à Accra, du 17 au 18 décembre et le 19 décembre 2014 à Nouakchott ont adoptées et par lesquelles ils ont : réitéré leur attachement à la souveraineté de la République du Mali, à son intégrité territoriale, au caractère unitaire (je le répète au caractère unitaire de la République du Mali) et à la forme républicaine de l’Etat malien ; réitéré leur appel à tous les groupes armés du nord du Mali, signataires de l’accord de Ouagadougou du 18 juin 2013, à se démarquer des groupes terroristes ; apprécié les résultats enregistrés dans le cadre des pourparlers de paix inter-maliens, ouverts à Alger depuis juillet 2014 avec le soutien de la médiation internationale conduite par l’Algérie et exhorté les parties maliennes à conclure un accord de paix lors de la reprise des pourparlers prévue à Alger en janvier 2015, sur la base du projet soumis aux parties par la médiation.
A la veille de la reprise des pourparlers d’Alger, je voudrais lancer un appel aux membres du Conseil de sécurité qui en ont les moyens, d’exercer les pressions nécessaires pour amener les premiers responsables des mouvements armés à s’impliquer personnellement dans le processus d’Alger, lors de sa prochaine reprise.
Par ailleurs, l’une des décisions fortes et pertinentes des Sommets du processus de Nouakchott et du G5 Sahel a porté sur la situation sécuritaire en Libye. A cet égard, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont salué les efforts déployés par l’Algérie et le Représentant spécial des Nations Unies en vue de réunir les conditions d’un dialogue entre toutes les parties libyennes.
Pour préserver l’unité, l’intégrité territoriale et la stabilité de la Libye et de l’ensemble de la région sahélo-saharienne, les Chefs d’Etat et de Gouvernement du G5 Sahel ont lancé un appel au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la mise en place, en accord avec l’Union africaine, d’une force internationale pour neutraliser les groupes armés, aider à la réconciliation nationale et mettre en place des institutions démocratiques stables.
Monsieur le Président,
Permettez-moi à présent de dire un mot sur l’épidémie de la maladie à virus Ebola, cette autre menace à la paix et à la sécurité dans le monde.
Je voudrais à cet égard, saluer l’engagement personnel du Secrétaire général Monsieur Ban Ki-Moon, dans la lutte contre ce fléau. Nous nous réjouissons du fait, qu’au-delà des rapports qui lui sont faits, il s’est déplacé sur le terrain, comme ce fut le cas le 20 décembre dernier au Mali, pour apporter sa solidarité et constater de visu les dégâts causés par cette épidémie dans les pays touchés.
Dans mon pays, la mobilisation a été totale pour prévenir la propagation de la maladie à virus Ebola. Comme le souligne le Secrétaire général dans son rapport, grâce aux efforts du Gouvernement de la République du Mali et à l’accompagnement des partenaires techniques que je salue, nous avons pu stopper la propagation du virus.
En effet, depuis le 16 décembre 2014, il n’existe plus de cas de malade à virus Ebola au Mali. Sur sept (7) cas confirmés, cinq (5) ont entrainé des décès et deux (2) ont été guéris. Toutefois, la menace existant toujours, le Gouvernement de la République du Mali continue de prôner auprès des populations, la vigilance et l’observation stricte des règles de prévention.
Monsieur le Président,
Pour conclure, je voudrais remercier le Secrétaire général pour son rapport, les membres du Conseil de sécurité et l’Equipe de médiation avec à sa tête l’Algérie pour leur soutien au Mali et leurs efforts pour aboutir à une paix définitive et durable dans mon pays.
Je voudrais réitérer les chaleureuses félicitations du Gouvernement de la République du Mali à Monsieur Mongi HAMDI pour sa nomination en qualité de Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUSMA et lui offrir notre totale coopération pour la réussite de sa mission et saisir cette occasion pour exprimer toute notre gratitude à Messieurs David Gressly et Arnauld Akodjénou pour le formidable travail accompli.
Je voudrais également remercier la MINUSMA, les pays contributeurs de troupes et la force Barkhane pour le travail de qualité qu’ils effectuent au Mali, dans un environnement difficile et hostile.
Last but not the least, je voudrais rendre ici un vibrant hommage à mon collègue le Ministre Bert KOENDERS, ancien Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali pour le remarquable travail qu’il a accompli à la tête de la MINUSMA.
JE VOUS REMERCIE.