Seydou Badian Kouyaté nous a quittés dans la nuit du 28 au 29 décembre 2018. Ses camarades de lutte, les autorités maliennes, des centaines de membres d’organisations (nationales, sous-régionales et internationales) et du corps diplomatique accrédité ainsi qu’une foule d’anonymes lui ont rendu un dernier hommage le 3 janvier 2019. Une cérémonie funéraire nationale qui s’est déroulée sur le boulevard de l’Indépendance du Mali. Le Mali vient ainsi de perdre une boussole importante au moment où il peine à trouver sa voie Sous l’Orage » depuis janvier 2012.
« L’un des dignes fils du Mali, l’homme était l’un des derniers gardiens du temple de l’histoire de nos indépendances », a réagi Mme Kamissa Camara, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Pour le chef de file de l’opposition, l’honorable Soumaïla Cissé, « Seydou Badian est un modèle pour la jeunesse et une source d’inspiration pour les générations à venir ».
« Très cher Tonton. Tu nous laisses bien seuls désormais ! Ainsi l’a voulu le Seigneur des mondes. Au nom de cette nation, tienne, que tu as toujours servie et chérie, ton fils veut avec déférence et extrême humilité, te rendre l’hommage et la reconnaissance d’un peuple en deuil mais fier, ô combien d’avoir porté un enfant exceptionnel de ta qualité… », a écrit et signé le président Ibrahim Boubacar Kéita dans le livre de condoléances ouvert pendant l’hommage national du jeudi 3 janvier 2019.
Une journée de deuil national décrétée par le président de la République. Un deuil qui a dépassé les frontières nationales puisque des hommages lui ont été rendus partout en Afrique à la dimension de l’envergure panafricaniste de l’illustre disparu. Ainsi, des délégations étrangères ont pris part à ses funérailles. Il s’agit de la délégation du Congo Brazza conduite par l’épouse du président Denis Sassou N’Guesso et de la délégation Sénégalaise conduite par trois ministres.
Tout comme les Maliens, chacune des deux délégations revendique une part de l’héritage du défunt. Conseiller et auteur du nom de la Fondation « Congo Assistance », dirigée par la première Dame du Congo, Seydou Badian était aussi un Sénégalais, a clamé le ministre de la Culture du Sénégal, représentant le président Macky Sall.
Célèbre écrivain et grand prix littéraire africain et auteur de l’hymne national du Mali, Seydou Badian Kouyaté (SBK) est décédé le 28 décembre 2018 à 90 ans. A ton appel Mali ! Et le regretté Seydou Badian a été fidèle à l’appel de la patrie toute sa vie durant pour sa prospérité. Courageusement « Débout sur les remparts », cette légende était l’un des derniers Maliens qui fait l’unanimité, tant son engagement, son patriotisme et son sacrifice permanent pour notre pays n’ont jamais été pris en défaut pendant ses soixante dernières années.
L’éternel trait d’union entre les générations
Les témoignages sont à l’image du leader que SBK a été toute sa vie durant : un rassembleur ! Un qui a su transcender les différends et les divergences de toute nature pour toujours se mettre au-dessus de la mêlée pour défendre l’intérêt de la patrie aux dépens de l’argent, du confort matériel et des postes politiques. Une élévation morale et spirituelle qui faisait de lui ces dernières décennies une boussole, un guide… Le véritable père de la nation.
« Le Mali a perdu une boussole importante au moment où il peine à trouver sa voie », a écrit l’ancien Premier ministre Moussa Mara sur son compte Facebook. « Il était l’un des derniers Maliens qui font l’unanimité, tant son engagement, son patriotisme et son sacrifice permanent pour notre pays n’ont jamais été pris en défaut pendant ces soixante dernières années », a ajouté le jeune président du parti Yéléma.
Avec le Sénégalais Cheikh Hamidou Kane et le Guinéen Camara Laye, l’auteur de « Sous l’Orage » et ancien compagnon de route de Modibo Kéita faisait partie des romanciers africains de la première génération. Figure emblématique de la lutte d’indépendance et de l’histoire politique contemporaine de notre pays, Dr. Seydou Badian Kouyaté (Seydou Badian Noumboïna) était une référence nationale et panafricaine. A lui on se referait toujours et le pays en est là aujourd’hui parce que les dirigeants des dernières décennies n’ont pas su judicieusement tirer le meilleur profit de ces judicieux conseils.
Ce médecin, écrivain et homme politique est l’un des pères de l’indépendance du Mali. Il fut ministre à 28 ans, membre fondateur du RDA, auteur de plusieurs œuvres anthologiques dont le célèbre « Sous l’Orage » et surtout de l’hymne national du Mali. Mieux, il fut le conseiller avisé de plusieurs souverains africains dont, entre autres, le regretté roi Hassan II du Maroc.
Poète talentueux, Seydou Badian Kouyaté a effectué ses études de médecine à l’Université de Montpellier en France. Il est l’auteur d’une thèse sur les traitements africains de la fièvre jaune. En 1956, il est revenu au bercail et est nommé médecin de circonscription. Proche du regretté président Modibo Kéita, il a écrit les paroles de l’hymne national du Mali.
Une fabuleuse bibliographie
A l’indépendance du pays, Dr. Kouyaté est nommé ministre de l’Economie rural et du Plan. Lors du remaniement du 17 septembre 1962, il devient ministre du Développement. Lors du coup d’Etat de Moussa Traoré en 1968, il est déporté à Kidal puis s’exile à Dakar au Sénégal.
En 1997, il est candidat à l’élection présidentielle. Mais, comme la plupart des autres candidats opposés au président sortant Alpha Oumar Konaré, il a retiré sa candidature pour protester contre la mauvaise organisation des élections.
Militant de la première heure de l’Union soudanaise/Rassemblement démocratique africain, il en est exclu en 1998 pour s’être opposé à une partie de la direction qui prônait la non-reconnaissance des institutions lors des élections contestées.
Ecrivain reconnu internationalement, il publie en 1957 (trois ans avant l’indépendance du Mali) son premier roman intitulé « Sous l’Orage ». En 1965, il publie « Les dirigeants africains face à leurs peuples ». Deux autres romans sont publiés ensuite, « Le Sang des masques » en 1976 et « Noces sacrées » en 1977.
En octobre 2007, Seydou Badian Kouyaté a publié son roman intitulé « La Saison des pièges ». Deux ans plus tard (2009), le brillant écrivain s’est fait appeler officiellement Seydou Badian Noumboïna, du nom d’un village dans le cercle de Macina (Ségou).
Mais c’est sous le nom de Seydou Badian qu’il a été sacré lauréat du Grand Prix des Mécènes aux GPAL 2017 pour l’ensemble de sa production bibliographique. Dans toutes ses œuvres, Seydou Badian Kouyaté met en exergue ce qu’il y a de positif dans la culture africaine.
Le conseiller de la République avec la démocratie
Convaincu que « le séjour dans l’eau ne transforme pas un tronc d’arbre en crocodile », cet intellectuel ne s’est jamais renié car il est resté à cheval sur les valeurs de ces vrais « Soudanais » et ses convictions sociopolitiques et culturelles.
Fréquemment consulté sur les grands dossiers et défis de la République depuis l’avènement de la démocratie, SBK faisait la fierté des Maliens, toutes générations confondues. Et ils lui ont rendu hommage comme « un grand Malien, un écrivain talentueux et un intellectuel brillant, un militant et leader politique authentique qui a dédié sa vie à son engagement ».
Elevé au grade d’officier de l’Ordre national du Mali à titre posthume, Seydou Badian a naturellement et légitimement reçu les hommages de l’Etat, des amis politiques et de la famille. C’était au cours de la cérémonie des obsèques nationales qui ont magnifié son « œuvre exceptionnelle » pour la patrie, en écrivant notamment l’hymne national du Mali.
Le baobab s’est couché, mais il ne mourra jamais puisque ses racines sont profondément enfoncées dans le sol malien, dans la terre africaine. Et comme l’a écrit le sénégalais Birago Diop « les morts ne sont pas mort… » Seydou Badian est immortalisé par son fabuleux héritage légué à la postérité pour que toutes les générations puissent s’y mirer et s’y ressourcer.
Le grand patriote a tourné le dos laissant le pays « Sous l’Orage ». Mais, il nous a néanmoins montré comme faire fleurir les champs d’espérance et faire vibrer les cœurs de confiance.
Moussa Bolly
Le Focus