Années 2010, dans les confins du désert malien. Partie en mission de reconnaissance, une troupe de soldats français est prise dans une embuscade aux conséquences tragiques. Présentée en avant-première au Festival Séries Mania et disponible dès ce 5 avril sur OCS, Sentinelles débute sur les invocations d’une prière, avant de nous plonger au cœur de l’action : l’opération Barkhane, visant depuis 2014 à lutter contre les groupes djihadistes dans la région du Sahel, et dont l’arrêt a été annoncé en février dernier. Thibault Valetoux, diplômé du département séries de la Fémis et Frédéric Krivine, créateur d’Un Village français, racontent la réalité du terrain à travers ses acteurs : des membres du 22e régiment d’infanterie, de tous âges et de tous horizons, dirigé par le lieutenant Anaïs Collet (Pauline Parigot).
En 2015, Thibault Valetoux aperçoit dans un bar un groupe de jeunes en uniforme. Cette simple scène lui donne l’idée d’explorer la question de l’engagement dans l’armée. Au vu de l’actualité, propulser l’intrigue au Mali tient de l’évidence. « Certaines personnes m’ont demandé pourquoi je ne voulais pas parler de l’Afghanistan. Cela reste un conflit très américain qui interroge moins l’histoire de notre pays. Au Sahel, l’armée française a davantage les coudées franches. Au début, il n’y avait que nous sur place », explique le scénariste. L’idée sous-jacente ? Combler un angle mort de la fiction hexagonale qui, contrairement aux productions américaines, rechigne à se saisir de sujets politiques. « Le réalisateur Maurice Friedland disait : “En France, à part le public, personne ne regarde la télévision”, souligne Frédéric Krivine. Avant l’arrivée de Canal+ et des plateformes, on considérait que les séries étaient faites pour divertir le bon peuple. D’où le manque d’ambition artistique, y compris pour les programmes qui faisaient de l’audience. »
Comment se saisir d’une histoire en marche ? Malgré l’absence de recul, les enjeux étaient clairs pour les scénaristes : « Il était évident qu’on ne pouvait pas lutter contre le djihadisme, ni améliorer la situation des Maliens, résume Frédéric Krivine. Nous n’étions donc pas en risque par rapport aux événements ». Pour Thibaut Valetoux, « toute la série matraque la même question : qu’est-ce qu’on fout au Mali ? ». À mesure que les tensions avec les civils s’exacerbent, les soldats – joués par Birane Ba, Louis Peres, ou encore Samy Seghir -, sont confrontés à ces mêmes dilemmes moraux. L’annonce du retrait des troupes françaises donne toutefois une autre résonance à Sentinelles : « Au cœur du développement, certains ignoraient même ce qu’était l’opération Barkhane. Au moins, maintenant, les gens savent que nous sommes restés au Mali pendant 12 ans », résume Thibault Valetoux. Au-delà de ses vertus pédagogiques, la fiction OCS redéfinit le champs des possibles pour la fiction française. Et pourrait bien en inspirer d’autres…
Sentinelles, disponible en intégralité sur le replay d’OCS.
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