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SENAT: pourquoi l’opposition a-t-elle peur ?

Faire abandonner définitivement l’idée d’un référendum pour la nouvelle constitution. Tel est l’objectif de l’opposition qui depuis plusieurs semaines bat le pavé pour arriver à ses fins.

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En toile de fonds de ce lever de boucliers, plusieurs dispositions contenant dans le nouveau projet de loi portant révision de la constitution dont le Senat. Qu’est-ce qui fait peur autant le camp du Non. Arguments et contre arguments…

Qui a dit que la Constitution de la troisième république de Côte d’Ivoire, adoptée en 2016, posait problème ? Parce que ce texte fondamental porté par Alassane Ouattara a trouvé écho à l’extérieur, notamment chez le voisin malien. En effet, le Mali connait actuellement un processus de révision de sa Constitution. En effet, le 3 juin dernier, l’Assemblée nationale a approuvé par 111 voix contre 35, le projet de texte de révision constitutionnelle.
Dans les tous prochains jours, un référendum devrait permettre d’adopter ou non, le nouveau texte portant révision de la Constitution du 25 février 1992. Cependant, des voix s’élèvent dans l’opposition et dans la société civile pour demander le retrait pur et simple du nouveau texte. Par cette prétention, les partisans du Non, nonobstant l’avis de la Cour constitutionnelle qui a donné son quitus, sous certaines réserves et observations, ne manquent pas de stratégies (meeting, marches, campagne de désinformation et d’intoxication) pour faire abandonner définitivement l’idée d’un référendum pour la nouvelle Constitution.
L’un des points qui fait jaser l’opposition, c’est la création d’un Sénat prévu dans ce nouveau texte fondamental. Parmi les griefs opposés à la mise en place de la nouvelle institution, c’est son caractère «budgétivore» qui a été mis en avant par certains leaders du front anti-référendum pour justifier leur rejet de la nouvelle Constitution.
Un argument très léger et fallacieux qui a été combattu non seulement par les initiateurs et les porteurs du nouveau projet de loi, lesquels n’ont pas puisé beaucoup de leurs énergies pour clouer le bec aux partisans du camp du Non.
D’abord pour le ministre en chargé des questions de Droits de l’Homme et de la réforme de l’Etat, Kassoum Tapo, «rien n’est de trop pour le confort de la démocratie », ajoutant que « si le gouvernement s’est engagé à créer [ce Sénat], c’est qu’il peut en assumer le coût ».
Me Tapo a souligné par ailleurs que la création du Sénat, loin d’un effet de mode ou d’un caprice de la part du Président de la république et du gouvernement, est une recommandation de l’Accord pour la paix, pour laquelle l’Etat ne se dérobera point de ses engagements pris.
Autres explications qui battent en brèche les arguments de l’opposition par rapport au coût qu’engendrerait la création du Senat, c’est le fait que le budget prévu pour le fonctionnement du Haut conseil des collectivités sera automatiquement reporté pour celui du Senat.
Un autre mécanisme prévu qui rentre en droite ligne, c’est le fait que la Cour des comptes ne sera plus, contrairement à ce qu’avait prévu la première mouture du projet de loi, une institution à part entière. Ce qui fait le budget qui était prévu pour son fonctionnement va également être ajouté à celui du Senat.
Autre critère en ligne de compte : la Haute cour de justice ne fait plus partie des Institutions de la République. Cependant elle reste compétente pour juger le président de la République en cas de haute trahison et les membres du gouvernement pour des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions mis en accusation devant elle par le parlement ainsi que leurs complices, en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.
C’est dans cette logique que son budget de fonctionnement sera transféré au Senat ce, d’autant plus que les membres qui composent la Haute cour de justice proviennent déjà d’une autre institution.
Le second motif de ce lever de boucliers contre la révision constitutionnelle par les partisans du Non est la possibilité qui est offerte au Président de la république de nommer un tiers des sénateurs qui composeront le futur Sénat du Mali. Car il est stipulé à l’article 61 du nouveau texte fondamental : «Les sénateurs sont élus, pour deux tiers au suffrage universel indirect. Un tiers des sénateurs est désigné par le Président de la République. Les sénateurs sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable dans les conditions définies par une loi organique ».
Les responsables de l’opposition critiquent ce pouvoir de nomination d’un tiers de sénateurs par le président de la République en raison qu’il renforce, dénoncent-ils, les pouvoirs du chef de l’Etat.
«Nous pensons que ce n’est pas une bonne chose, parce que le Sénat est appelé à représenter les collectivités territoriales. Et il n’y a aucune raison de ne pas faire élire tous les sénateurs pour le Sénat. Naturellement, cela donne une possibilité, beaucoup de pouvoir au président de la République qui non seulement va arracher au gouvernement la mission de la détermination de la politique de la Nation, il va nommer des sénateurs. Dans tous les cas, le texte qui a été pris n’encadre pas vraiment le choix du président. Donc cela veut dire que c’est ouvert», explique un de ses responsables plus critique envers le projet référendaire.
Partant des suppositions fantaisistes, ce dernier soutient qu’en autorisant le Président à nommer jusqu’à un tiers des personnes qui devraient siéger au sénat, les Maliens perdraient donc le droit exclusif qui leur appartient, de choisir eux-mêmes ceux qui sont censés être leurs mandataires, et seraient représentés par des personnes qu’ils n’ont jamais choisies en tant que tel.
Ainsi, ce projet affaiblirait la démocratie malienne, car le futur Sénat ne serait pas issu « du peuple ».
Une telle configuration, a renchérit un autre caïd de l’opposition, soumettrait cette institution aux désidératas du chef de l’Etat, plutôt qu’à ceux du peuple. Ce d’autant plus que les Sénateurs nommés pourraient, par sentiment de reconnaissance et surtout pour garder leur position, être des sortes de béni-oui-oui qui approuveraient tout projet émanant du sommet de l’Etat et ce, avec toutes les dérives que cela pourrait entrainer.
Faux, rétorquent le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Zoumana N’tji Doumbia, et le premier Questeur de l’Hémicycle, Mamadou Diarrassouba, tous deux membres de l’intergroupe de la majorité présidentielle.
Ils estiment qu’au-delà de la Constitution, des lois viendront encadrer ce pouvoir de désignation du président de la République, tant redouté par le camp du refus.
« Je ne pense pas que cela puisse renforcer le pouvoir présidentiel. Cela améliore plutôt la qualité du travail parlementaire », a soutenu le député RPM élu à Dioïla, qui ajoute que par la désignation, le président de la République pourrait faire appel à des légitimités traditionnelles, à des autorités coutumières qui pourront apporter leur expertise au travail parlementaire.
Et son collègue député élu à Bougouni d’ajouter que contrairement à ce que les partisans du Non de faire croire à l’opinion, il serait impensable qu’un tiers désigné (par le Président) puisse contrebalancer la décision ou les avis les deux tiers des membres du Senat qui sont élus.
« Ce n’est nullement un renforcement du pouvoir du président de la République parce que la Constitution dégage les grands principes. Mais les lois organiques complètent la Constitution. La loi organique sur le Sénat va être plus explicite et va aller plus en profondeur pour pouvoir cadrer tout cela », rassure le président de la Commission des lois.

Par Mohamed D. DIAWARA

 

Source: info-matin

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