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Selon les Etats-Unis, des missiles déployés par Wagner au Mali présentent un « risque potentiel » pour l’aviation civile

Le principal syndicat de pilotes d’Air France appelle ses membres à « exercer leur droit de retrait » pour ne plus voler vers Bamako.

L’affaire tourmente les pilotes d’Air France. Jeudi 16 mars, le principal syndicat de pilotes de la compagnie aérienne française, qui effectue une rotation par jour entre Paris et la capitale malienne, a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) avoir appelé ses membres à « exercer leur droit de retrait » pour ne plus voler vers Bamako. L’inquiétude sur l’impact que pourrait avoir l’existence d’un nouveau système de missiles sol-air russe au Mali, formulée par l’agence américaine de l’aviation civile (FAA) sur son site Internet fin février, semble avoir motivé cet appel syndical pour le moins inédit.

Dans ces deux communiqués diffusés le 23 février, l’agence gouvernementale chargée de réguler l’aviation civile américaine avait en effet mis en garde les compagnies aériennes enregistrées aux Etats-Unis contre le « risque potentiel » que représentait désormais l’espace aérien malien, en raison notamment de « l’introduction d’un système de défense aérienne avancé » au Mali par les mercenaires de Wagner, un groupe de sécurité privée russe qui a commencé à se déployer dans le pays fin décembre 2021.

Dans la foulée, les deux notes ont été commentées sur les réseaux sociaux par des comptes d’internautes habitués à chanter les louanges de la junte et de la coopération militaire russo-malienne, en pleine expansion depuis l’installation au pouvoir des colonels suite à deux coups d’Etat en août 2020 et mai 2021.

Un « système de missiles sol-air guidé par radar »
« Les Etats-Unis confirment le surarmement du Mali », a cru savoir l’un d’entre eux sur TikTok le 6 mars, tandis qu’un autre faisait défiler sur l’application de vidéo chinoise des photos de missiles assorties de sous-titres présentant le Mali comme un pays « désormais inattaquable par surprise ou par incursion », grâce à cette « batterie antimissile télécommandée par guidage radar capable d’intercepter les avions qui franchiront l’espace aérien malien ».

Loin de ces élucubrations, la FAA a précisé dans ses communiqués que Wagner avait déployé au Mali, au printemps 2022, « plus de 1 000 militaires privés ainsi que diverses capacités d’armement, telles que des systèmes d’aéronefs sans pilote (UAS) [acronyme utilisé pour désigner des drones] et des systèmes de défense aérienne plus sophistiqués ».

L’instance régulatrice américaine a notamment évoqué la présence à Bamako d’un « système de missiles sol-air guidé par radar, capable d’attaquer des cibles jusqu’à 15 000 mètres avec une portée de 36 kilomètres » et ainsi invité les compagnies américaines à « faire preuve de prudence » « à toutes les altitudes y compris lors du survol de l’espace aérien, des phases d’atterrissage et de décollage et à l’aéroport, au sol ».

Car Wagner, rappelle l’instance régulatrice, « a des antécédents discutables en matière de tirs de défense aérienne », notamment en Libye, où ce dispositif antiaérien nommé Pantsir aurait conduit les mercenaires russes à des « incidents fratricides » lors de tirs mal orientés.

« Pour montrer les muscles »
La compagnie Air France, jointe par l’AFP, ne semble pas s’inquiéter outre mesure puisque « à ce stade, la desserte de Bamako est inchangée ». Dans la capitale malienne, les diplomates européens joints par Le Monde se montrent également prudents. Selon l’un d’entre eux, ce nouvel équipement de défense aérien aurait été acquis par la junte malienne auprès de ses nouveaux alliés russes « il y a quelques mois » et n’aurait pas servi depuis. « Les colonels l’ont surtout déployé pour montrer les muscles et symboliser leur prétendue puissance militaire retrouvée, pas pour taper des avions civils, ce serait un suicide. Ils savent que ça les exposerait à des représailles », glisse-t-il.

Washington estime pour sa part que Pantsir a « probablement » été déployé au Mali pour « contrer l’utilisation éventuelle d’UAS [drones] par des extrémistes ». L’Etat islamique au grand Sahara (EIGS, affilié à l’organisation Etat islamique), l’un des deux groupes djihadistes qui, avec Al-Qaida, ne cesse d’étendre son emprise dans le pays depuis le début de la guerre en 2012, aurait en effet, toujours selon la FAA, « revendiqué la responsabilité d’avoir abattu un UAS de Wagner avec une arme antiaérienne inconnue le 16 juillet 2022. »

Au Mali, plusieurs sources diplomatiques et sécuritaires se sont interrogées sur les motifs réels ayant poussé les Etats-Unis à communiquer sur ces systèmes de missiles de Wagner au Mali. « S’ils étaient vraiment inquiets pour leurs compagnies américaines, ils leur auraient directement interdit l’espace aérien malien », remarque le responsable de sécurité d’une ONG occidentale. Comme d’autres, ce dernier y voit davantage une manière pour Washington de « donner un coup supplémentaire à Wagner », alors que ces dernières semaines, l’administration américaine est passée à l’offensive en Afrique en déployant une stratégie de lutte pour contrer l’influence jugée néfaste des mercenaires russes sur le continent.

Morgane Le Cam

Le monde

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